| Posté le Sam 7 Nov - 16:48 | I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | But now the day bleeds Port-Kadara | Les souvenirs étaient des choses fragiles, de petits instants capturés par l’esprit pour qu’ils restent au cœur même du porteur, pour qu’ils ne s’effacent pas au cours du temps, pour qu’ils demeurent de petits trésors, ou de petits boulets que l’on gardait à la cheville jusqu’à ce que la tombe emporte le corps du porteur. Toi, tu ne pouvais pas te targuer d’avoir la meilleure mémoire, bien au contraire, peut-être même. Aujourd’hui, même en te concentrant tout particulièrement fort, tu étais bien incapable de te souvenir du visage pourtant particulier de celui qui fut ton mentor avant que tu ne sois officiellement intronisé Spectre. Tu ne pouvais te souvenir des visages de tes compagnons lors de ton service militaire. Tu n’arrivais pas à te souvenir des visages, des prénoms de ceux qui avaient essayés de te traîner dans la boue, toi et ta mère, quand tu étais jeune, et pourtant, à contrario, leurs remarques étaient restées dans ton esprit comme d’éternelles preuves que l’on t’avait bel et bien jeté certaines choses à la tronche. A toi, toi qui aurais été capable de les briser en deux quelques années plus tard parce que tu étais devenu un expert du combat au corps à corps, et qui connaissait mieux son corps que quiconque, et qui savait en faire usage avec une expertise quasi parfaite. Toi qui avais appris la physiologie et physionomie de chaque espèce pour être capable de les briser, tous, sans exception. Ça, en revanche, tu t’en souvenais. Tu t’en souvenais aisément quand tu venais à briser le bras d’un être humain pour le plaquer au sol, tu t’en souvenais quand tu visais les jambes des krogans pour les désarmer ensuite, tu t’en souvenais quand tu esquivais une rafale biotique avant d’enrouler tes ergots autour d’une gorge asari pour pouvoir t’en sortir, tu t’en souvenais quand tu utilisais la rapidité et la fluidité des galariens pour pouvoir utiliser ta propre force brute. C’était l’entraînement, c’était la pratique qui avait rendu cet enseignement immuable avec le temps, tu n’y pensais même plus maintenant. Tu savais quoi faire, ton corps avait généralement quoi faire. D’autres souvenirs, par contre, étaient plus difficile à déterrer et à dépoussiérer, plus difficile à compiler pour en donner une version claire. Peut-être était-ce parce qu’à l’époque, tu n’avais pas le même attachement émotionnel que tu pouvais avoir auparavant ? Probablement. Preuve en était que ton souvenir, le premier que tu avais avec Sulin, était teinté de ce flou naturel du temps, ce temps qui venait effacer les souvenirs considérés obsolètes, ceux qui n’étaient pas suffisamment importants, ou qui n’étaient du moins pas juger important. Et pourtant, aujourd’hui, il n’y avait probablement pas plus important que Sulin à tes yeux, mais tu n’arrivais pas à te souvenir avec exactitude de son visage à cette époque-là, tu n’arrivais pas à te souvenir de tes paroles, de ses paroles non plus, même si tu étais persuadé que ton attitude avait dû être la même que par la suite. Mais tu n’arrivais tout simplement pas à te souvenir, ta mémoire ayant créée des trous dans cette partie de ta vie comme dans bien d’autres. Au final, tu ne te souvenais pas non plus de bien d’autres éléments, de pleins d’autres instants qui pourtant, désormais, comptaient si fort à ton cœur parce qu’ils faisaient partie de la matérialisation et la concrétisation de votre relation, de ce qui vous avait amené là aujourd’hui, ce qui vous avait amené à vous aimer si fort. Tu ne te souvenais pas exactement de votre première nuit ensemble, celle qui était parvenue avant que le « vous » existe vraiment, cette nuit où tu avais été un diable ivre, complètement enivré par des cocktails que Sam n’avaient su te refuser, pas quand tu avais trouvé les arguments pour qu’elle continue de remplir ton verre. Parce que le désespoir, la détresse, était une arme puissante, et qu’elle n’avait su y résister quand tu ne demandais que ça. A ce moment-là, tu ne demandais que ça : un verre de plus pour noyer le chagrin, pour noyer un deuil que tu essayais de faire, pour noyer les souvenirs, pour noyer ta conscience bien trop volubile. Tu ne te souvenais pas avec clarté de cette nuit-là, mais tu te souvenais, sans mal, que tu n’avais pas quitté sa chambre avant son réveil, pas comme tu le faisais avec tous tes amants et amantes d’un soir et tu te souvenais de cet après, de ces quelques heures entre la fin de ton sommeil et la fin du sien, parce que tu dormais peu. Tu l’avais regardé dormir, quand le sommeil s’était échappé de toi, et tu n’avais pas su trouver la force de le laisser, là, seul. Tu n’avais pas su trouver en toi la volonté de lui épargner ta personne, non. Tu n’avais pas pu.
Tu n’avais pas pu, simplement parce que ton cœur cultivait déjà quelque chose sans que tu le saches. Tu n’avais tout simplement pas pu, parce que voir ce visage endormi, presque reposé, presque heureux, ça avait suffit pour te faire chavirer, pour te convaincre que peut-être, peut-être, ton cœur était prêt à aimer à nouveau, que tu étais prêt à tourner la page. Tu avais préféré contempler les petites imperfections que tu avais dû admirer dans l’obscurité de sa chambre la veille, tu avais contemplé la douceur de ses traits alors que Morphée l’enveloppait, tu t’étais même surpris à imiter la tempérance de sa respiration, calme, sereine, comme si rien ne pouvait le toucher, comme si rien ne pouvait lui faire de mal. Tu étais loin, à cette époque, de savoir qu’il s’agirait de toi qui lui ferait mal, que ce serait toi qui interromprais la douceur de son sommeil. Tu étais bien loin d’imaginer que tu puisses en arriver là pour lui, tu étais bien loin d’imaginer qu’il puisse en arriver là pour toi. Tu n’avais pas imaginé, pas une seule seconde, alors que tes doigts s’étaient glissés dans ses cheveux, avec douceur, que vous deviendriez aussi amoureux, aussi épris l’un de l’autre au point de vous laisser mourir quand l’autre n’était pas loin. Tu t’étais imaginé, naïvement, qu’il ne s’agirait là que d’un amour fugace, qu’il se lasserait avec le temps et avec tes absences parce que tes missions ne pouvaient attendre, ne pouvaient être mises sur pause le temps d’une éphémère relation. Au fond, tu ne t’étais même pas imaginé qu’il puisse t’aimer, pas à ce moment-là, tu ne t’étais pas imaginé l’aimer autant, même quand ton cœur battait déjà si fort durant ses quelques heures de sommeil. Ces quelques heures qui avaient pourtant permis à ton cœur de comprendre qu’il ne serait jamais rien, qu’il ne serait jamais un amant de plus dont le nom t’échapperait, dont tu bloquerais le nom et l’adresse. Ces quelques heures qui t’avaient fait cruellement comprendre que tu aurais aimé le voir et le rencontrer plus tôt, que tu aurais aimé être capable de l’aimer plus tôt, de te perdre dans ses bras plus tôt. Tu n’avais pas compris, à ce moment-là, la majorité des signes pourtant évocateurs, pourtant là, de ce qui annonçait l’amour de ta vie, qui annonçait la présence d’une personne si importante que tu serais capable de mourir pour lui, que tu serais capable de te laisser mourir pour lui, pour votre amour. Non, tu ne les avais pas vu, tu ne les aurais pas compris même s’ils étaient venus devant tes yeux avec la clarté d’un panneau signalétique en néon. Tu ne les aurais pas compris parce qu’à ce moment-là, tu n’avais pas été prêt. Tu n’étais pas prêt à telle issue, pas quand l’image de celle qui comptait avant lui était encore bien imprégné dans ton esprit et que, pendant longtemps, tu t’étais persuadé que c’était elle, c’était elle ton âme-sœur sans savoir que vous n’étiez rien de plus qu’un couple de passage, des amoureux de passage, des amoureux qui n’étaient pas faits pour être ensemble. Alors, tu te souvenais d’avoir continuer à garder ta main dans ses cheveux, dans un mouvement presque volatile, aussi doux et fluet qu’une plume, autant que ton corps massif le permettait, parce que déjà à l’époque, tu avais compris que c’était quelque chose qu’il méritait. La douceur, la tendresse, la patience, l’affection dans sa plus pure forme. Tu ne pouvais être violent avec lui, tu ne pouvais pas être cette brute que tu étais en combat, tu ne pouvais être aussi violent, et tu t’étais permis, avec lui, de découvrir cette nouvelle facette du spectre que tu avais tant étudié auparavant. Il n’y avait pas que la violence, il n’y avait pas que la dureté, il y avait aussi ces petits instants, creux, volatiles, où la douceur et la tendresse étaient les seules choses véritablement voulues. C’était une déformation professionnelle, tu le savais. Cette constante analyse des corps, des attitudes, tu ne pouvais pas t’empêcher de la faire. Et avec Sulin, cette nuit-là, tu n’avais pas pu t’empêcher de le faire, de voir à quel point la tendresse semblait suffire à le garder endormi, et à le garder, quelque part, heureux dans ce sommeil, et que tu avais adapté ton mouvement en conséquence, tu avais adapté ton attitude. Tu l’avais fait parce que tu savais déjà que quelque chose de nouveau se profilait, et parce qu’il n’était pas comme les autres. Il n’était pas comme ses personnalités que tu choisissais au hasard sous les lumières néons d’une boîte de nuit, il n’était pas comme ces corps choisis au hasard que tu traitais avec indifférence et que tu oubliais une fois le méfait fait, que tu quittais sans un regard en arrière, sans un mot, comme un voleur. Tu ne pouvais pas le faire avec lui. Déjà, parce que tu avais brisé une règle d’or avec lui, celle de ne pas toucher aux amis, de ne pas coucher avec les amis, même dans les confins des abysses de ton désespoir, et parce que tu avais déjà développé quelque chose pour lui, déjà quelque chose de suffisamment fort pour te garder dans son lit, pour ne pas te faire quitter son appartement comme le voleur que tu étais pour bien des autres qui venaient se plaindre à la barmaid qui remplissait tes verres. Mais, Esprits, tu n’avais jamais été aussi heureux d’enfreindre tes propres règles. Parce que même si les souvenirs suivants s’étaient teintés de la cruauté de ta bêtise, il restait l’homme que tu aimais, celui qui comptait vraiment dans ta vie, celui qui compterait toujours le plus, celui qui serait le dernier que tu serais capable d’aimer véritablement. Il était celui pour qui tu étais capable de renier ta propre culture pour coller à la sienne, pour t’adapter à la sienne complètement, il était celui pour qui tu étais probablement capable d’envisager un changement radical de carrière si cela s’avérait nécessaire, il était celui pour qui tu renoncerais à ton indépendance pleine et entière, pour lui. Il était celui pour qui tu conduisais plus lentement, celui pour qui tu dépensais tant de tendresse alors que dans le cœur de ta personne, tu ne l’étais pas forcément. Il était celui qui comptait, et si, dans ce fragile souvenir post-coïtal, tu ne le savais pas déjà, tu savais déjà que ton comportement s’était modifié à son contact parce que déjà, à ce moment-là, il en avait le pouvoir. Il avait tellement de pouvoir sur toi que c’en était parfois effrayant, c’était parfois terrifiant de voir à quel point il avait du pouvoir sur toi, à quel point un mot de lui pouvait te mettre à genoux, pouvait te briser ou te rendre le plus heureux des hommes. Il était celui dont les souvenirs comptaient le plus à tes yeux, tous. Mêmes ceux qui te faisaient mal aujourd’hui.
Mais les souvenirs étaient des choses fragiles, si facilement teintées et corrompues par des pensées pernicieuses, si facilement détruits dans un seul mouvement de la tête. C’était des choses que tu chérissais, mais que tu n’arrivais pas toujours à retenir. Pourtant, tous les instants les plus importants de ta relation avec Sulin demeuraient intacts, comme de précieux joyaux que l’on gardait sous clé pour ne pas qu’ils perdent leur éclat. Certains de vos souvenirs, de tes souvenirs avec lui, s’étaient teintés suite à votre dernière entrevue, mais certains… Certains demeuraient particulièrement vifs et clairs, comme s’ils étaient cristallisés par le temps, par les émotions, par les sentiments. Tu te souvenais très bien de la première fois que tu lui avais dit que tu l’aimais, vraiment, et de celle où il te l’avait dit, également, et même si ce souvenir t’avait brisé ces derniers jours, tu le chérissais comme un dément, comme un fou qui refusait qu’on lui vole sa pierre précieuse. Tu te souvenais très bien de ce premier baiser, celui exempté de cette première nuit où l’alcool t’avait bien trop submergé. Tu te souvenais très bien de la première fois où tu avais voué une admiration sans faille à son corps, à son esprit et à son corps tous à la fois, dans une démarche aussi tendre que charnelle. Tu te souvenais de toutes ses petites choses avec une clairvoyance presque livide, cristalline, et tu les chérissais, toujours. De nombreux moments étaient gravés dans ta mémoire pour ne jamais y bouger, pour rester les totems de votre relation, même si celle-ci venait à s’écrouler et à n’être rien de plus qu’un tas de cendres que l’on jetait à la mer. Il y avait tant de bons souvenirs, tant d’instants gardés dans ta mémoire – dans la sienne aussi, probablement – que tu chérissais encore, que ce soit par la trivialité d’un instant, ou par la charge émotionnelle qui l’accompagnait. Le thé, ce tout petit rien qui dévoilait pourtant bien plus, faisait partie de la première catégorie. Un des échecs d’apprentissage de ton amant à ton égard. Tu avais la tête bien trop dure et l’esprit bien trop volatile pour pouvoir comprendre les enseignements qu’il avait voulu t’inculquer à ce sujet. En même temps, pour ta défense, comment pouvais-tu être définitivement sérieux et concentré quand il te regardait avec de si beaux yeux ? Tu savais que cette excuse était bien minable, et que tu t’étais pris un datapad dans les côtes quand tu avais osé la mentionner au Grand Professeur Morlan. Mais, c’était pourtant vrai. Tu étais si aisément distrait par ses yeux, ces deux petites billes d’un bleu tellement original, d’un bleu qui te coupait toujours le souffle quand il était dirigé sur toi. C’était comme son sourire, même aujourd’hui, tu ne pouvais y résister. Tu ne pouvais résister à ce sourire quand il t’était dirigé et qu’il te faisait si aisément fondre, à ton grand dam. Tu ne savais pas lui résister grand-chose, que ce soit aujourd’hui ou avant. Surtout maintenant, tu remarquais, quand tu voyais son sourire après cette remarque sur ton incapacité si remarquable à faire un thé. Toi qui étais capable de mettre un krogan à terre en quelques minutes, tu n’étais pas capable de préparer un thé. Alors, tu lui rendais son sourire, tu lui rendais l’éclat que tu voyais dans ses yeux. C’était léger, c’était encore si faible, à peine croyable, mais c’était là. C’était une bribe d’espoir, là aussi. Léger, mais là. L’espoir que vous alliez vous reconstruire, que cette fois-ci, peut-être que vous ne vous briserez pas. Ne me flatte pas, on sait tous les deux à quel point tous les thés que j’ai essayé de faire étaient des expériences désastreuses, et imbuvables, qui plus est. C’était pas faute d’essayer, quand j’étais pas sur le Nexus, hein. C’est juste.. je sais pas. Etrange. Tu soufflais, non sans un léger rire dans ta voix aux deux tonalités, tes subharmoniques suivant le léger amusement que tu réussissais à trouver dans ce souvenir curieux, dans ce souvenir amusant de votre quotidien. Ce quotidien que tu souhaitais tant retrouver. C’était bête. C’était si bête, ça paraissait si simple à faire, il y avait tellement peu à faire pour que ça se réalise et pourtant… Tu étais celui qui ne réussissait pas à franchir le pas, parce qu’il y avait toujours cette épée de damoclès au-dessus de ta tête, celle qui te disait que si tu essayais, si tu acceptais, ça ne se finirait pas bien. Une peur irrationnelle, tu le savais, mais tu n’arrivais pas à la faire taire. Tu n’arrivais pas à faire taire cette peur pour voir à quel point tout le reste serait si simple. Tu ne pouvais pas faire taire ces incertitudes qui t’empoisonnaient, et qui finissaient par vous empoisonner tous les deux. C’était si futile. Si idiot, quand tu savais que lui, celui qui était en face de toi, lui était capable de faire ce pas, mais que c’était toi qui empêchais encore tout, qui foutait encore tout en l’air. Parce que si ta plus grande peur était celle de finir abandonner, encore et encore, celle de retrouver le corps de ton amant sans vie n’arrivait pas loin derrière. Une peur qui était rationnelle quand on connaissait Kadara, mais qui était totalement stupide quand tu savais que lui, l’amour de ta vie, il voulait le faire, qu’il était prêt à prendre ce risque. Mais ton instinct, ton caractère de protecteur, il le refusait. Tu refusais de prendre le risque de le retrouver mort, de le retrouver malheureux dans un endroit aussi peu hospitalier que Kadara, de le retrouver triste à cause de toi, parce que c’était à cause de toi qu’il était ici et pas là où il était normalement. C’était si idiot. Tu le savais bien, mais tu ne pouvais t’empêcher de te torturer avec ça, tu ne le pouvais tout simplement pas. Alors, tu fermais les yeux, pendant une infime seconde, pour faire disparaître cette petite douleur, pour pouvoir t’accrocher de nouveau à la lueur dans ses yeux bleus, dans ses yeux que tu aimais tant avant d’esquisser un nouveau sourire, toujours aussi léger, toujours incapable d’être aussi grand et solaire que d’habitude, parce que tu étais trop épuisé. Maintenant que j’ai une machine, ce serait une honte qu’il ait un seul défaut, ou une énième preuve que je suis véritablement incapable de faire un thé, même assisté. Tu haussais légèrement les épaules. Après tout, c’était une possibilité comme les autres, tu n’étais pas parfait. Tu ne l’avais jamais été.
Et ça se remarquait dans chaque chose que tu pouvais faire, dans chaque décision que tu prenais, dans chaque chose que tu possédais. Tu étais faillible, ce n’était pas parce que tu faisais partie d’une espèce où la rigueur était légion et où le diktat martial s’imposait comme un naturel pour une discipline parfaite que tu correspondais à ce que l’on attendait de toi. Tu étais bien le plus imparfait de ton espèce, même si la Hiérarchie le voyait différemment, au vu des différents mails que tu avais pu recevoir de la part du conseiller ou d’un général haut-placé sur Therus. Tu étais terriblement imparfait, et faillible, comme tous les signes l’indiquaient dans ton appartement, ton salon qui avaient bien plus d’airs d’un champ de bataille qu’un véritable salon où tu pouvais recevoir et vivre. Il n’y avait rien d’une personne qui vivait ici, mais plutôt d’une personne qui tentait un tant soi peu de survivre, d’échapper à une mort qu’il s’infligeait soi-même. C’était ce que tu faisais. Tu t’autodétruisais par amour, inconsciemment, consciemment, quelle différence aujourd’hui quand tu prenais une batterie de médicaments sans même réfléchir, compilant ça avec le pire des breuvages pour quelque chose d’aussi chimique ? Tu te laissais mourir, et à l’image d’une de ses créatures sur le monde d’origine des humains, tu refusais la vie en bloc parce que tu avais perdu la seule personne qui t’apportait quelque chose de bon dans ta vie, qui avait du sens, qui donnait du sens à tous les levers de soleil de Kadara, qui donnait du sens à toutes ses missions pour remplir un compte en banque qui n’avait définitivement pas besoin de plus mais qui permettaient de cultiver un projet, une idée, une stupide idée. Tu te laissais mourir, et tu entraînais avec toi un appartement que tu avais pourtant toujours essayer de garder propre, rangé ; tu lui donnais des airs de camp sur un champ de bataille, avec les mines, avec les blessés, avec les blessures, physiques et traumatiques. Tu avais honte de montrer ton appartement dans cet état à celui que tu aimais, parce que ce n’était définitivement pas comme ça que tu avais prévu de lui présenter ce lieu si chargé en petites choses, en petits riens qui formaient un grand tout juste pour lui. Un grand tout que tu refusais malgré tout, parce que tu étais un idiot, quitte à ce que cela continue à te bouffer, ce qui se faisait déjà, si on en croyait les blessures que tu arborais et qu’il sembla remarquer, à ton grand dam. Tu aurais aimé que cela passe inaperçu, qu’ils ne les voient pas et que tu n’aies pas à être honnête sur ce sujet. Tout ça allait cicatriser, et dans quelques mois, il n’en resterait que de vilaines tâches que tu allais t’employer à faire disparaître pour celles où c’était possible. Mais non, il était arrivé à ce moment précis où beaucoup d’entres elles étaient encore fraiches, encore bien présentes sur tes plaques, sur ta peau, partout. Sans son regard, tu aurais été incapable de comprendre de quelle blessure il parlait, si c’était l’omnilame que tu sentais encore entre tes côtes, de la veille, ou les marques de décharges biotiques sur ton poitrail qui avaient marqués tes plaques d’une étrange manière mais qui avaient évités les nouvelles marques que ta mère avait apposé près de ton cœur. C’est rien de grave. Tu répondis, balayant les blessures comme s’il ne s’agissait de rien, et pourtant… Pourtant, ce n’était pas rien quand on savait que tu te laissais presque volontairement touché au combat, quand tu laissais volontairement les autres t’infliger de la douleur pour sentir autre chose que le chagrin, le désespoir, le manque et l’absence. Tu ne pouvais tout simplement pas lui dire ça, tu ne pouvais pas lui dire que le Spectre qu’il avait connu et qu’il avait aimé n’était plus, que même ça, l’univers lui avait pris pour le laisser être un mercenaire imprudent qui ne faisait rien d’autres que des fautes de débutant parce qu’il était désespéré de trouver quelque chose dans ses douleurs. Mais tu savais aussi que Sulin ne pourrait se contenter de cette réponse, et qu’à sa place, tu aurais été incapable de t’en contenter aussi. J’ai pris quelques coups ces derniers jours, une ou deux décharges biotiques comme tu peux le voir, et.. Une OmniLame dans les côtes, hier soir. Mais c’est déjà cicatrisé, il faut juste que ça passe. Tu ne t’étendais que sur ce qu’il pouvait voir, que ce qu’il avait sous les yeux et qu’il semblait avoir vu. Et tu minimais, bien évidemment. Tu ne pouvais pas lui dire que la décharge biotique avait manqué de t’arracher ton cœur, littéralement, et que curieusement, tu avais été presque soulagé qu’on le fasse. Tu ne pouvais pas lui dire que la lame dans tes côtes, tu l’avais eue parce que tu ne portais pas d’armure, parce que tu étais à ce point idiot. Et tu ne pouvais certainement pas lui dire comment tu faisais en sorte que tout ça « passe », même si les évidences, les preuves étaient sous ses yeux avec les médicaments, entre les somnifères et les anti-douleurs, et la bouteille d’alcool qui annonçait sans mal celles qui étaient passées avant elle. Toutefois, vous saviez tous les deux que ces blessures physiques n’étaient rien face à celles qui étaient internes, celles que vous vous étiez infligés tous les deux, celles qui vous tuaient à petit feu. Celles-ci même qui étaient bien plus virulentes que n’importe laquelle de tes blessures physiques, visibles ou invisibles, sensibles ou non.
Tu te sentais presque coupable de lui demander de l’honnêteté quand tu n’étais pas capable de l’être parfaitement avec lui. Comment lui dire que tu cherchais la mort comme un ivrogne cherche l’alcool ? Que tu cherchais la douleur simplement pour faire passer le manque qu’il avait laissé dans ta poitrine ? Que tu cherchais l’odeur du sang à défaut de pouvoir trouver la sienne ? Que tu cherchais n’importe quoi pour que ta douleur s’éteigne un peu, que tu cherchais la moindre opportunité pour ne plus ressentir cette peine qui embrasait tes pores depuis que tu avais retrouvé cette bague sous ta porte ? Comment pouvais-tu lui dire que tu avais pointé à deux reprises un canon sur ta tête et que la seconde fois, tu avais tiré et tu n’étais en vie que parce que l’arme était désarmée ? Comment pouvais-tu lui dire tout ça sans le briser à nouveau ? Tu ne pouvais pas, quand tu étais encore si proche du précipice et que l’ombre de ton arme, à ta droite, suffisait à te rappeler le geste que tu avais eu. Tu n’arriverais pas lui dire, et pourtant, l’arme te provoquait, te poussait à l’éviter du regard, à tourner tes yeux partout sauf sur elle. Parce que tu savais qu’au moment où tes yeux se poseraient sur elle ou sur le datapad à ses côtés, tu flancherais et tu perdrais pied, tu t’enfoncerais encore plus, et tu ne pourrais qu’avouer la vérité du plus gros méfait que tu pouvais posséder. C’était tellement hypocrite de ta part de lui demander de l’honnêteté quand tu n’étais pas capable de l’être totalement. Même si ce n’était pas du mensonge, tu omettais un pan total de la réelle douleur que tu subissais, mais tu essayais, vraiment, de t’éloigner de ses berges là pour pouvoir concentrer ton attention sur lui, sur ses paroles, sur ce qu’il te disait. Vous étiez sur un sujet dangereux, celui-là même qui t’avait poussé à presque faire l’irréparable, et quand tu y repensais, une nausée te saisissait à la gorge à l’idée qu’il aurait pu être celui qui aurait trouvé ton corps. L’image était suffisante à faire se reculer n’importe quelle idée de lui en parler, d’un jour lui avouer la totalité de ton crime, de ce que tu avais failli lui faire subir à lui plus qu’à toi. C’était une pensée vertigineuse qui te donnait presque envie de l’oublier, de l’enterrer avec tant d’autres souvenirs, avec toutes ses pensées brutalement acides qui se déversaient dans ton crâne. Et tu essayais de t’en extirper en plongeant ton attention sur lui, en repoussant les démons au loin, en repoussant cette image fétide loin de ton esprit, aussi loin que tu le pouvais, même si tu savais qu’elle reviendrait. Cette image qui condamnait, encore un peu plus, ta chambre. Tu l’écoutas, trouvant bien plus de raison dans ses paroles que dans les tiennes, que dans tes pensées encore mal ordonnées, encore un peu brisées, encore bien trop ébranlées. L’entendre dire qu’il n’avait pas refusé cette bague entraînait un paradoxe que tu avais dû mal à saisir, mais que tu comprenais avec la suite de ses mots, même si la douleur était toujours là. Tu comprenais sans mal ce qu’il disait, même si tu n’exprimais pas ta compréhension de façon verbale, tu le faisais dans la façon dont tes mandibules bougeaient légèrement, dans le léger mouvement de ta tête, subtile mais présent. Cette bague était devenue une relique du passé, et même… Même si les choses s’arrangeaient vraiment, tu ne savais pas si tu serais capable de lui donner celle-ci, parce qu’elle était chargée de choses bien trop négatives, de choses bien trop néfastes, teintées de cette dispute irréparable dans un laboratoire devenu cimetière de vos espoirs. Tu ne pourrais pas lui offrir, tu ne pourrais pas la lui donner à nouveau, tu ne pourrais pas lui donner cette même bague. Non. Tu échappas un très léger souffle, presque un rire, presque un rire de soulagement, presque un rien pour dire que tu étais encore là, que le Sylhas qu’il avait connu n’était pas enterré si profondément. C’est pas idiot, vraiment pas. Ce n’était pas idiot puisque tu l’espérais aussi, quelque part, parce que tu n’avais jamais vraiment cessé d’espérer, même quand tu lui avais donné cette bague. J’aimerai énormément t’en donner une, plus tard, Sulin Morlan. Tu appuyais sur l’idée que ça ne serait peut-être pas celle-ci, pas celle-ci qui vous avait fait tant de mal à tous les deux, tu laissais le flou planer, parce que toi-même tu ne savais pas. Tu ne savais pas où vous en seriez, tu ne savais pas où était ce futur, tu ne savais pas où était cette perspective d’avenir, tu ne savais pas où cet espoir pourrait se concrétiser, quand ni comment, et tu avais peur que ce ne soit là qu’une chimère de plus qui s’écroulerait.
L’entendre te dire à quel point tu lui avais manqué fut aussi salvateur que brutal, aussi doux que violent pour ton pauvre cœur qui essayait de trouver un rythme convenable dans ta poitrine, et tu relevas légèrement les yeux en sa direction, des yeux emplis d’amour pour lui, pour lui et uniquement lui. Il n’y avait que vous, il n’y avait que lui. C’était pour lui que battait ton cœur, et c’était pour lui qu’il battrait jusqu’à la fin de ta vie, jusqu’à ton dernier souffle. C'était pour lui que tu te laissais mourir, c'était à cause du manque causé par son absence, par l'absence de votre lien. Tu m’as tellement manqué aussi, Suli, et tu me manques toujours tellement. Et j’ai failli en mourir. J’ai failli mourir. J’ai failli faire l’irréparable, Sulin. Tu mordis volontairement ta langue pour que ces paroles là ne sortent pas, pour que tu n’échappes pas cette réalité. Pas aujourd’hui. Pas maintenant. Jamais. Tu ne pouvais pas. Alors tu optais pour une alternative qui n’était pas fausse, qui était vraie tout autant, une alternative qui ne serait pas improbable qu'elle soit chez ton amant aussi, si tu en croyais son état physique, si tu en croyais la tristesse qui se dégageait de lui, si tu en croyais tous ses signes qui ne trompaient jamais. J’ai l’impression de crever sans toi. Qu’il n’y a plus sens à rien si… Si notre lien n’existe plus, si le « nous » n’existe plus, il n’y a plus de sens, il n'y a plus que l'absence, il n'y a plus que du vide, il n'y a plus d'intérêt, il y a juste... Plus rien, et je sais que ça sonne pathétique, mais merde... J'ai vraiment l'impression de crever sans toi. Tu soufflais, le regard légèrement fuyant et la voix légèrement rapide, absolument incontrôlée, et tu t’arrêtais de parler avant d’échapper l’impossible, le pire, parce que tu ne pouvais tout simplement pas. Tu ne pouvais pas, tu n’avais pas le droit de lui incomber ça, même si ça te torturait l’esprit à tel point que tu avais du mal à y voir clair. Mais tu essayais, tu essayais d’éloigner le démon pour te fixer à ce que tu avais devant toi, à ce qu’il te montrait, ce petit bracelet sur son poignet, qui brillait doucement, qui lui allait si bien. Tu regrettais, soudainement, de ne pas t’en être acheté un, pour avoir le véritable sentiment que même loin, une partie de lui restait avec toi dans ce bracelet. Mais au moins, tu avais la certitude qu’une partie de toi restait avec lui, au-delà des étoiles, au-delà des lois, tu étais toujours là. Ce n’était pas aussi symbolique que des marques que tu déposerais sur son corps, qu’une alliance à son doigt, ce n’était pas aussi symbolique que tout ça, mais c’était tellement important, et tu ne pus réprimer la légère vibration qui émana de tes subharmoniques à la vue de ce bracelet sur son poignet, toi qui t’étais convaincu qu’il avait dû le jeter, le lancer dans les confins de l’espace pour ne jamais plus le voir, tu le voyais là, noué à son poignet avec la délicatesse qui le caractérisait si bien. Tu fermas les yeux à ses excuses, ses mêmes excuses où tu ne pouvais tout simplement pas dire que ce n’était pas grave, parce que ça l’était. Tu ne savais pas quoi faire, tu voulais lui dire que ce n’était pas grave, mais tu ne pouvais pas non plus minimiser une situation qui vous avait fait à tous les deux tant de mal aussi. Tu attrapas, doucement, ce poignet avec le bracelet, et tu remontas la manche, avec une certaine délicatesse, tu savais que tes ergots pouvaient le blesser à n’importe quel moment si tu n’étais pas prudent, et c’était bien la dernière chose que tu voulais, à l’heure actuelle. Le blesser. Tu n’y survivrais pas. Comme à une nouvelle dispute, tu n’y survivrais pas. Tu observas le bracelet, presque rêveur, avant de lever son poignet à ta hauteur, pour déposer tes lèvres contre la chair de son poignet, dans un baiser de révérence, infiniment doux, dans lequel tu essayais de faire passer tout ce que tu ne pouvais pas dire, tout ce que tu n’arrivais pas à dire, mais qu’il allait falloir que tu dises, parce que les non-dits n’étaient plus permis, l’honnêteté était de mise. Il te va si bien. Tu soufflas contre sa peau avant de libérer son poignet de ta prise et de te redresser, libérant ton torse de la position courbée que tu avais pris depuis que tu t’étais rapproché de lui, tes cicatrices se déployant doucement au mouvement, tes marques bougeant légèrement avec ton impulsion. Tu attrapas le café que tu t’étais préparé, l’observant avec une certaine réticence. Tu ne savais pas si ton corps supporterait telle chose, et tu ne voulais certainement pas t’effondré devant lui, pas de cette manière-là, alors tu le reposas aussi vite que tu l’avais pris, l’ignorant soudainement, comme pour tout le reste des objets de cet appartement, de ce salon, tu avais besoin d’ignorer. Pourtant, tu aurais bien pris une gorgée d’alcool, rien que pour te donner du courage, rien que pour te permettre de souffler un peu, d’être capable d’expier ce qui pesait sur ta poitrine. Mais tu n’en fis rien, tu ignoras cette bouteille, et tu tournas ton regard sur lui. Je ne peux pas… Je ne peux pas te dire que je ne t’en veux pas, Sulin. Parce que c’est trop frais, c’est encore trop… C’est encore douloureux. Même si je comprends pourquoi tu l’as fait, et j’aurais.. J’aurais peut-être fait la même chose à ta place. Tu pris quelques secondes, à peine, pour souffler, pour trouver les mots justes. Ce n’étaient pas des mots magiques, ce n’était pas des mots qui réparerait tout, les mots n’avaient pas ce pouvoir, tu le savais bien. Et même si tu aimais énormément les mots pour leur justesse et l’arme qu’ils pouvaient représenter, tu avais toujours été un homme d’action, et là… Là tu manquais d’action, tu n’arriverais probablement pas à en faire, alors les mots étaient la seule issue que tu avais, mais il fallait que tu les choisisses correctement, avec justesse. Mais ne t’excuses plus. Je te pardonne. Je t’aime et… Je veux pas te faire souffrir pour ça, et… Je te pardonne. Je te pardonne pour tout, toujours, et je te pardonnerai pour tout, toujours. Même si je t’en veux, tu es pardonné, toujours. Tu n’avais jamais été un homme de grandes paroles, de la plus belle locution, et cela se ressentait là, quand tu trébuchais sur les mots, quand tu cherchais à transmettre ce que tu voulais vraiment sans réussir, sans trouver l’intensité juste, sans trouver l’intensité parfaite pour ce que tu voulais dire. Ça t’énervait mais tu essayais de faire au mieux, tu essayais vraiment, tu essayais de lui faire comprendre que qu’importe ce qu’il se passerait, qu’importe le degré de rancœur que tu pourrais avoir, dans tous les cas, tu le pardonnais, dans tous les cas, il finirait par ne plus être un coupable à tes yeux, qu’il aurait toujours ton pardon, sans condition, sans combat, il l’aurait toujours. Qu’il lui était toujours acquis, comme ton amour. Tu levais un peu les yeux au ciel, avant de les reposer sur ton café, mais ton estomac se tordait tellement que tu sentais que ça ne passerait pas, ça ne marcherait pas, que tu finirais par ne pas le digérer, par te plier en deux pour essayer d’en finir. Alors, non. C’était dommage. Tu devais avoir l’air bien idiot, comme ça, mais… Ce n’était pas la première fois. Tu préféras te concentrer sur ton amant, l’observant sans un mot, dans un silence uniquement rompu par le ronronnement de tes subharmoniques, et par ta question, soudaine, accompagnée d’un sourire léger et d’une voix légèrement brisée par la peur, par l’espoir, par le chagrin, par l’amour. Tu crois qu’on aura un jour le droit à cet avenir heureux tous les deux? Parce que j’ai tellement envie d’y croire Sulin. Je veux t’unir à moi, pour toujours. Je veux qu’on soit heureux, tous les deux, qu’il n’y ait rien, absolument rien, pour se mettre entre nous. J’ai tellement envie d’y croire. Tu voulais croire en l’espoir qui se reconstruisait, doucement, mais tu avais tellement peur d’y croire et de finir par t’écrouler parce que ça ne marcherait pas, par ta faute ou celle de l’univers. Tu voulais tellement y croire, et que ça marche. Tu voulais que l’espoir subsiste, comme votre amour. Que ces rêves ne soient pas simplement que des promesses oniriques mais deviennent une réalité, la vôtre.
Sulin Morlan & Sylhas Astros Watch that star die, eons without you. I'll stay with you, in your mind, every single day. | |
| Posté le Dim 15 Nov - 2:27 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | But now the day bleeds Kiss me hard before you go, summertime sadness. I just wanted you to know that baby you the best ◊ ◊ ◊ Sylhas avait toujours fait preuve d'une douceur prodigieuse à son égard. C'est quelque chose qu'il appréciait tout particulièrement, qu'il découvrait presque quand toute sa vie sentimentale n'avait été faite que d'abus, de fausses promesses, de mensonges et de sentiments non-réciproques. Combien de fois s'était-il endormi près d'un homme en sachant qu'il se réveillerait seul ? Combien de fois avait-il fait l'effort de se mentir à lui-même, de faire taire tous ses soupçons et les sonnettes d'alarme qui hurlaient dans sa tête ? Combien de fois avait-il répété ces mêmes erreurs rien que pour trouver un peu de réconfort, ne serait-ce que l'illusion de l'amour tant il en était assoiffé ? Trop. Trop de fois qui n'avaient fait que le rendre toujours un peu plus amer quand la chute se faisait toujours plus dure que l'ascension. Et Sylhas, soldat d'élite qu'il était, turien à la physionomie meurtrière, machine à tuer, sang bouillonnant, Sylhas avait toujours été infiniment plus doux avec lui que les autres avant lui. Ce qui le faisait souffrir, c'est la séparation, pas lui. Il se le répétait depuis des jours maintenant, en se disant que si ses erreurs avaient été la cause de leur chute il n'en restait pas moins que le turien ne l'avait jamais fait souffrir volontairement. Que leur douleur n'était finalement que le résultat d'un concours de circonstances malheureux, d'un système judiciaire aveugle. Il se disait parfois qu'il devait y avoir quelque chose de mystique là-dedans, quand bien même il ne croyait que peu aux puissances immatérielles et autres divinités invisibles, il se disait parfois qu'une relation bâtie sur tant de souffrance ne pouvait que finir ainsi. Qu'ils avaient été punis d'avoir osé songer un bref instant à être heureux, bâtir un foyer sur la tombe d'une femme qui avait tant compté pour Sylhas et dont il sentait encore l'ombre, de temps en temps. Et pourtant, assis là à côté de lui, à parler comme si plus rien n'avait d'importance sauf ce foutu thé, à se sentir chez lui sans trop comprendre pourquoi, à ce moment là toutes ces pensées n'avaient pas leur place auprès d'eux. C'était juste une courte, courte parenthèse dans tout ce qui les entourait. C'était salvateur, ils en avaient tellement besoin.
- C'est déjà tout à ton honneur d'avoir essayé. Et j'ai bon espoir que tu finisses par y arriver un jour.
Après tout, lui ne savait pas faire le quart de ce que Sylhas faisait au quotidien. L'idée même de tenir une arme lui donnait des sueurs froides, alors de là à s'en servir... c'était à des lieux de ce dont il était capable. C'était déjà suffisamment adorable de s'intéresser à lui au point de vouloir lui préparer du thé, personne ne s'était jamais donné cette peine avant lui. Personne.
- Pourquoi t'en as une d'ailleurs, de machine ?
Il disait ça en sirotant l'objet du crime, mine de rien, singeant pourtant bien mal l'innocence. Cette question, elle n'avait rien d'innocent. Cette question, elle l'interrogeait sur toutes les petites attentions pour lui dans cet appartement. Il en découvrait chaque minute une de plus, quelque chose qui l'intriguait, quelque chose qui lui ressemblait trop pour réellement être destiné à l'usage personnel de Sylhas, qui lui ressemblait trop pour que ce soit placé là par inadvertance. Cette question, elle l'interrogeait sur la signification de toutes ces petites choses qui lui échappait malgré sa pile de diplômes. C'est vrai qu'il ne comprenait pas. Qu'il ne comprenait pas la portée de tout ça, ça le dépassait. Pourtant il en saisissait aisément l'essence sans pour autant oser y croire. Quant aux blessures de Sylhas et à ses mensonges pour ne pas l'inquiéter, Sulin était loin d'être dupe à ce point. Il savait parfaitement que ces blessures devaient résulter d'un manque de prudence qui ne lui ressemblait en rien. Qu'il n'était pas invincible, mais loin d'être aussi simple à atteindre. La pensée qu'il l'avait peut-être voulu lui traversa l'esprit, il la chassa immédiatement. Ça lui faisait trop mal d'y songer à nouveau quand il l'avait imaginé si souvent mort ces derniers jours, mort à cause de lui, à cause de ce qui lui avait fait. Il savait qu'il ne l'aurait pas supporté. Il savait qu'il aurait pris fin avec lui.
- Laisse moi voir.
Laisse moi réparer ce que je t'ai infligé, s'il te plait. Il ne lui laissait pas vraiment le choix, se rapprochait déjà un peu sans pour autant se lever, sans pourtant faire de mouvement brusque. Il pouvait le repousser à tout moment alors qu'il posa sa tasse de thé sur la table basse. Alors il fit ce qu'il s'était interdit de faire depuis son entrée ici, il se confronta à ces plaques cabossées qui protégeaient tant bien que mal l'âme éparse de son turien. Il fronça les sourcils en observant les blessures, fit un effort incroyable pour ne pas les scanner au moyen de son omnitool pour en mesurer toute l'étendue des dégats. Il remarqua la blessure sur son cœur, celle qu'il avait déjà repéré au niveau de ses côtes, toutes les autres, plus ou moins anciennes, plus ou moins graves. Celles qu'il connaissait déjà et celles qu'il découvrait. Il y avait de la beauté dans tout ce gâchis, de la beauté dans toute cette souffrance. La physionomie turienne l'avait toujours fasciné bien au delà de ça, la façon dont leurs corps étaient faits pour le combat, fait pour résister et pourtant faillible de tant de manières, d'une beauté rare. Sylhas était fait de failles, autant visibles qu'invisibles, toutes aussi déchirantes à leur manière, toutes racontant une histoire différente. Ses doigts s'égarèrent paresseusement sur ses nouvelles marques qu'il venait tout juste de remarquer, il évita les contours de la plaie qui s'y trouvait en retraçant les lignes du bout des doigts. Il ignorait ce qu'elles signifiaient, toujours aussi peu instruit en la matière. Il l'ignorait, mais il comprenait d'une certaine façon. Sans même savoir.
- Si, c'est grave.
Sulin éloigna sa main, la voix presque trop basse pour qu'on puisse l'entendre. Il s'en voulait, terriblement. Et minimiser ce qu'il lui était arrivé ne l'aiderait pas. Il reprit un peu d'espace pour reprendre ses esprits au passage. Être aussi proche de lui, ça ne l'aidait pas à réfléchir. Il ne tenait pas à perdre le contrôle, à dire des choses dans la précipitation qui le blesseraient peut-être à nouveau. Il marchait sur des œufs en constatant ô combien le cœur de Sylhas avait été poignardé. En constatant ô combien le sien ne battait plus tout à fait. Il reprit de l'activité en l'entendant lui dire tout ça, toutes ces merveilleuses choses, tout ce qu'il avait besoin d'entendre. Qu'ils ressentaient la même chose, même aussi loin. Que tous les mots qu'il avaient pu échangés, tous ces mots si durs n'avaient rien brisé. Le baiser qu'il déposa contre son poignet ranima quelque chose en lui, quelque chose qu'il croyait mort mais qui subsistait miraculeusement. Il reprit un peu de force, un peu de détermination. Il parvint de nouveau à réfléchir posément, à formuler des pensées cohérentes. Il se retrouvait quand il le retrouvait lui, et ça faisait tant de bien.
- Merci. Pour tout.
Le pardon, le compliment, pour être aussi bon quand tout tombait autour d'eux. Il déglutit alors qu'il sentait encore la marque de Sylhas sur son poignet, la brûlure de ses lèvres. Quant à sa question... sa question le laissa pensif un moment, le remit au milieu des brumes dont il était sorti grâce à lui. Un avenir heureux. Ça sonnait comme une antithèse, comme l'impossible. Dans la situation où ils étaient actuellement, il ne pouvait pas envisager une telle chose. Il n'était pas censé quitter le Nexus aussi souvent et ses petites fraudes pour aller voir son turien ne fonctionneraient pas éternellement Les visites de Sylhas étaient trop rares pour parler d'un avenir commun, ils étaient tous deux à l'opposé de la galaxie. Il ne voyait qu'une solution à ça, une solution que Sylhas refusait d'envisager.
- Je ne sais pas.
Il haussa les épaules, l'entendre lui dire qu'il était toujours prêt à s'engager avec lui avait été magique. Il avait été téléporté dans une autre dimension où les choses étaient plus simples, où un avenir commun était envisageable. Maintenant, il revenait sur terre.
- Et au fond, tu sais ce que je vais te dire. Sylhas...
Les mots, les mots étaient si traîtres. Les mots ne dépeignaient jamais suffisamment bien ce qu'il voulait dire, il aurait aimé être capable de communiquer comme Sylhas, à travers quelques sons exprimer la plus pure des détresses. C'était ce qu'il cherchait à faire avec son regard et toutes les contradictions qui s'y exprimaient.
- Si tu me laisses disposer de ma vie comme je l'entends, si tu me laisses te rejoindre... oui, sans aucun doute.
Il coucha sa tête sur le sofa, soupirant doucement, la voix trop douce comme pour endormir son interlocuteur. C'était ce qu'il voulait sans aucun doute, avoir le pouvoir de l'hypnotiser, de lui faire entendre raison.
- Je ne sais pas pour l'avenir amatus, mais aujourd'hui je suis là. Ça ne se reproduira pas souvent. Et...
Il avait utilisé ce surnom là, ce surnom turien qui signifiait "bien-aimé" en lui rappelant leur cruelle réalité, il l'avait fait d'une manière si naturelle qu'il en fut surpris, maintenant que les mots lui manquaient. Il aurait aimé lui dire qu'il ne voulait pas perdre de temps à envisager l'avenir, maintenant. Là, il voulait simplement cicatriser, avoir moins mal. Rien d'autre.
- Et cet appartement est magnifique. Tu me fais visiter ?
Mais il n'y parvint pas.
(c) oxymort |
| Posté le Jeu 19 Nov - 10:49 | I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | But now the day bleeds Port-Kadara | Pendant longtemps, tu t’étais persuadé que l’amour était hors de portée pour la créature que tu étais devenue, non seulement parce que tu en avais peur, parce que tu ne comprenais pas que l’on puisse avoir autant besoin de quelqu’un dans sa vie. Seulement, il n’y avait pas que ça. Il n’y avait pas seulement ça, ce n’était au final que la partie émergée d’un iceberg bien plus grand, d’un rocher contenant milles et unes craintes sous une eau glaciale, loin des températures chaudes que tu aimais avec tant de ferveur. Tu avais peur de l’amour comme les enfants avaient peur du noir ou du vilain personnage imaginé par les parents pour éviter les frasques. Tu en avais terriblement peur parce que c’était quelque chose que tu avais toujours vu de loin, dont tu avais vu les ravages, et que tu te sentais incapable d’assumer. Avec l’âge grandissant, ça ne s’était jamais tari, et à mesure du temps, tu te pensais tout simplement incapable d’en éprouver les effets, tu te pensais immunisé par ce qui avait déchiré ta mère, qui déchirait tant de tes amis lors de leurs départs pour les divers mondes où ils seraient stationnés pour leur service militaire. Et puis, tu étais devenu Sylhas Astros. Tu étais devenu ce soldat armé d’un attirail qui rendait chacun de tes mouvements plus secs, plus violents, de mouvements qui auraient rendus la compatibilité avec l’amour impossible. Tu étais devenu le parangon de ton espèce, de ce que la Hiérarchie demandait à tous ceux capables de lever une arme et de tirer. Une machine à tuer, tu étais devenu une arme, une véritable arme capable de tuer sans sourciller, sans détourner le regard, sans avoir peur de voir ce que tu pouvais lire dans les yeux de ceux qui finissaient abattus par la balle qui sortait de ton canon. Des gens qui étaient vites passées du rang de victime à de simples numéros sur un datapad, des gens dont tu ne prenais plus le temps de contempler les informations. Une manière de te protéger, de ne pas chercher à savoir qui tu tuais. Tu obéissais. Tout simplement. On te donnait un cas, une mission, et tu exécutais sans chercher à savoir que tu pouvais détruire une famille, que tu pouvais rendre des enfants orphelins, que tu pouvais rendre des maris veufs et des épouses veuves. Il n’était plus question de ça, il ne s’agissait que de numéros sur un datapad, que de simples choses comme ça qui te permettaient de te détacher de ce que tu faisais. Cela te permettait d’oublier un peu que tu n’étais qu’une arme, que tu n’étais qu’une machine à exécuter les ordres, d’un être qui ne réfléchissait qu’à peine à ce qu’il était sensé faire si ce n’est pour mettre en place une stratégie, pour mettre en place ce qui permettrait la bonne exécution d’une mission. C’était nécessaire, tu le savais, tu l’avais vite compris. Tu avais vite compris que tu n’aurais pas pu vivre décemment si tu n’avais pas fait ce travail là sur toi, tu te serais enfoncé dans une spirale de culpabilité de laquelle tu ne serais jamais sorti. Ça ne t’empêchait pas, parfois, de rentrer chez toi et de te demander si tu avais fait le bon choix, si tu avais bien fait de prendre cette mission, si… Tellement de « si » avec lesquels tu n’arrivais pas à composer et que tu essayais d’oublier en te fondant dans un corps sans nom ni visage, ou dans une boisson alcoolisée qui réussissait à alourdir suffisamment ton esprit et tes membres pour que tu n’y penses plus. Tu savais que tu avais un cœur, une défaillance technique pour une arme, pour une machine à tuer, une faiblesse aux yeux de la Hiérarchie, une force considérée par le Conseil et par tes pairs, parce que tu réfléchissais, tu ressentais, tu analysais, tu inspectais, tu faisais attention, mais pour toi, tu le voyais comme ce que la Hiérarchie voulait te le faire voir : c’était une défaillance. Parce que parfois, le fardeau de toutes ses années d’entraînement pesait si fort sur ton dos que tu avais l’impression d’étouffer. Et à force de croire en cette défaillance, à force de croire que tu étais défaillant dans ta fonction, dans la réalité de ton existence, tu avais fini par croire que l’amour t’était condamné, ou que le seul amour que tu éprouverais celui charnel auquel tu t’exerçais déjà, plus comme un moyen de te délivrer de l’anxiété de tes projets et de tes exercices. Ou cet amour malsain, basé sur une guerre de dominance, basé sur la violence, sur la cruauté, la brutalité, parce que tu n’étais pas sûr d’être un jour capable de douceur, de tendresse. Ton corps n’était pas fait pour. Ton corps était fait pour tuer, pour être capable de briser, pour être capable d’achever, de transpercer, de faire tout ce pourquoi tu avais été entraîné au fil des ans. Tu n’étais pas un être doté d’une douceur naturelle. Du moins, c’était ce que tu croyais.
Tu étais un être précis, minutieux dans sa folie à tuer, consciencieux dans les détails que tu appliquais à chaque mission, chaque contrat, tu étais prudent, tu étais rapide, tu étais aussi silencieux qu’une ombre quand tu voulais tuer de loin. Tu étais tant d’adjectifs pour te décrire en tant que soldat, parce qu’à la racine même de ce que tu étais : c’était ça que tu étais. Tu étais un soldat, une machine que l’on contrôlait et que l’on pointait dans la bonne direction pour tirer. Alors, quand tu t’étais mis avec ton ex-compagne, quand tu avais vu cette relation si mortellement difficile à maintenir, tu pensais que c’était la seule chose qui t’était offerte, sans penser une seule seconde qu’il pouvait y avoir des alternatives. Tu étais un soldat, fabriqué et modulé pour tuer, pour briser, pour mener des guerres intestines et annihiler les rébellions factices. Tu étais fait, pour ça, jusqu’à la racine de ton être. Ton corps était fait pour, chaque partie infiniment mortelle pour peu que l’on s’y frottait d’un peu trop près. Il n’y avait pas une once de douceur dans ton corps, pas une once sur tes traits tirés, froids par nature, pas une once dans tes courbes saillantes, sèches et brutales. Non. Alors pourquoi aurais-tu un jour pu penser être capable de tendresse pour quelqu’un ? Même avec ta mère, même avec ton frère, tu n'en étais pas capable, pas de la manière dont tu l’envisageais pour une relation. Pourtant… Pourtant, Sulin avait été le premier à te montrer, sans le vouloir, que tu en étais bien capable, avait ouvert tes yeux sur la réalité que tu maintenais cachée depuis des années, et ça même sans le savoir. Tu t’étais surpris à aimer la douceur que tu pouvais avoir, la tendresse et la prévention, et à essayer, toujours, de l’être de plus en plus, d’améliorer ce nouvel aspect de ta personnalité. Toi qui fus toujours violent dans la façon que tu avais de réagir, d’agir, d’être, tu te découvrais soudainement sous un nouveau jour. Tu ne savais pas si c’était parce qu’il était totalement aux opposés de toi, sur le plan physique et le plan professionnel aussi, d’une certaine manière, ou si c’était simplement parce qu’il avait révélé quelque chose que tu ne connaissais même pas, sans le savoir. Tu n’en avais aucune idée, mais tu apprenais à apprécier ça, à apprécier la douceur et la tendresse que tu pouvais avoir dans les gestes que tu avais envers lui et que tu reflétais parfois sur d’autres. Tu avais passé tellement de temps à chérir les relations d’une nuit où la violence d’un acte comptait, à chérir le martellement que tu t’infligeais sans le savoir, que trouver cette petite bulle de tendresse te faisait presque comprendre que ton cœur, cette petite chose battant au fond de ta poitrine, ce n’était tout simplement plus une défaillance, même il te faisait si mal, même quand il t’empêchait de penser correctement. Ce n’était peut-être finalement pas tant une défaillance qu’on voulait bien te le faire croire, peut-être. Sulin avait eu ce pouvoir sur toi, comme un baume, comme un médigel, pansant les plaies que les autres avaient formés sur toi sans le savoir, que tu t’étais infligé sans le savoir à force d’avoir peur, il avait fait naître des rêves que tu ne pensais pas avoir un jour le droit d’avoir. Il avait permis à ce que tu respires vraiment, que tu apprennes à utiliser ton cœur vraiment et que tu comprennes tout ce que l’on t’avait un jour obligé à renier. Après tout, où était l’intérêt de la Hiérarchie, du Conseil, que tu saches utiliser ton cœur ? Ce n’était pas bon, pour un soldat. Et Sulin était arrivé, il avait lavé tous ses enseignements pour les mettre à la poubelle, là où ils méritaient d’être, pour que tu comprennes la profondeur de ce que tu étais. Aujourd’hui, tu jonglais toujours, ne sachant jamais vraiment comment faire usage de cette douceur, de cette tendresse, de toute cette simplicité, de tout ce qui paraissait fragile encore à tes yeux. Et même si ton exil et la cécité d’un conseil déjà corrompu avait fait tomber la balance plus d’un côté que de l’autre, te poussant à des excès de violence rarement vus par le passé, tu n’oubliais pas que pour lui, pour lui, la tendresse serait toujours là, la prudence le serait toujours aussi, et qu’il demeurerait la seule personne sur qui tu ne lèveras jamais, ô grand jamais, la main. Parce qu’il était important, parce qu’il était si important à ton cœur que tu ne pouvais plus redevenir ce que tu avais un jour été, tu ne pouvais pas redevenir, tout simplement, cette créature sans cœur que l’on t’avait appris à être, à qui l’on avait appris à ignorer son propre organe le plus vital, celui qui permettait à toutes les émotions d’exister. Tu ne le pouvais plus, plus maintenant que tu avais goûté au plaisir de pouvoir être tendre avec celui que tu considérais être ton âme-sœur. Après toutes les incertitudes, après sa propre vie sentimentale chaotique, après tes frasques, après tes erreurs, après tout ce qui vous était tombé dessus, il méritait que tu sois tendre avec lui, que tu apaises les plaies, même si ce n’était que temporaire. Même si ce n’était que fugace, même si ce n’était que pour quelques minutes, même si ça ne soignerait jamais la totalité de tout ce que tu avais pu faire, tu essayais. Parce qu’il n’était pas une série de chiffres sans importance, il n’était pas de ceux que tu voulais briser. Au contraire, il était l’une des rares personnes dont tu voulais préserver l’innocence, la pureté, parce qu’il l’était, malgré tout ce qu’il pouvait penser, malgré tout ce que les autres pouvaient penser quand ils avaient abusé de lui par le passé, quand tu l’avais fait, toi-aussi, dans ta détresse d’ivrogne. Ça t’avait fait si mal, de t’en rendre compte, et tu payais, silencieusement, pour ça, tous les jours. Cette tendresse, si elle avait été découverte par ses yeux à lui, à son contact, elle était là pour essayer de soigner cette âme que tu savais brisée, cette âme fatiguée.
Cette âme fatiguée que tu voyais toutefois se réchauffer rien qu’à la mention de ce souvenir pourtant si cruellement trivial et pourtant si représentatif d’un quotidien que tu aimerais avoir avec lui, tous les jours. Il n’y avait pas un jour, dans ta foutue vie ces derniers mois, cette dernière année, où tu n’y pensais pas quand tu te baladais dans les murs de ton appartement ou même de ton vaisseau. Tu pensais à quel point ce serait simple de vous établir, de concrétiser tout ça. Mais tu savais aussi à quel point tout ton cœur était serré rien qu’à l’idée de l’envisager véritablement. Alors, tu te rattachais à des détails, à des petits points qui n’avaient de valeur que dans le passé, et maintenant qu’ils étaient ressassés pour réchauffer un cœur à peine battant, un cœur qui saignait abondamment. Ce n’était qu’un détail, un minuscule instant dans ce qui aurait pu être votre vie à deux, ce qu’aurait pu être votre vie, heureuse. Ce n’était qu’un instant, mais il suffisait à réchauffer ton cœur, curieusement. Et ses paroles, si douces, toujours là pour encourager la personne que tu étais, malgré tes erreurs, malgré ta maladresse et ton incapacité à faire certaines choses. Tu souriais, doucement, presque timidement en voyant la foi qu’il avait pour toi. Une foi que tu trouvais terriblement impossible à avoir, parce que toi-même, tu n’arrivais pas à avoir confiance en toi. Tu as bien trop confiance en moi pour ça, vraiment. Il va falloir que tu avoues que je suis condamné à ne pas savoir faire ton thé préféré, à moins de vouloir le boire trop amer, trop sucré.. Tu soufflais, doucement, non sans un léger rire dans la voix. C’était tellement plus simple, cet instant, comme s’il n’y avait pas tous ces morceaux de vous déposés au sol, comme si vous n’étiez pas morcelés, comme si vous ne vous étiez pas détruits, comme si vous ne vous étiez pas arrachés l’un à l’autre. Tu en rigolais, au fond, mais ça te brisait un peu le cœur de ne pas être capable de faire ça pour lui. C’était pourtant si simple, les gens y arrivaient avec tellement d’aisance, pourquoi tu en étais incapable ? Pourquoi étais-tu incapable de faire cette petite chose pour lui quand il faisait tant pour toi ? c’était tout bonnement incompréhensible, et tu n’eus, véritablement, pas le temps de réellement te poser la question que celle de ton amant résonna doucement, et bloqua tout souffle dans ta gorge. Tu déglutissais difficilement avant de poser tes yeux sur ton appartement, sur tous les objets qui hurlaient qu’ils étaient là pour lui, et tu ne savais pas. Tu savais que la situation se prêtait à la cruelle honnêteté de tout ce bazar, de tout ce que tu avais aménagé ici sans t’en rendre compte. Mais tu ne savais pas, tu avais peur d’avouer que tu t’étais cru suffisamment fort pour un jour lui dire de venir et que tu avais emménagé ton appartement en conséquence, pour lui. Pour qu’il puisse s’y sentir bien si un jour il venait à venir, à te rejoindre, alors que tu étais incapable de le lui demander. Tu avais peur d’avouer que cet espoir là n’était pas mort, et que tu le conservais, inconsciemment, que tu le nourrissais si régulièrement pour le préserver. C’était parfois si difficile à admettre. Mais il méritait de savoir. Il méritait de ne pas se faire de faux espoirs et de fausses conclusions, de ne pas torturer son esprit avec des possibilités, pas quand tu pouvais lui en donner la réalité de tout ce cinéma, aussi stupide que ça puisse paraître. Et ça te semblait si stupide, si idiot, si puérile, si naïf, maintenant que tu contemplais la réponse entre tes doigts. Ça paraissait si niais, également, et tu avais envie de te maudire pour ça, parce que tu ne l’étais pourtant pas habituellement, et là. Tu l’étais. C’est pour toi. Tu soufflas, la voix légèrement tremblante, alors que tes doigts s’entremêlaient entre eux, ce tic de nervosité que tu t’étais découvert à mesure du temps, quand tu n’avais pas d’armes dans les mains, parce que c’était plus simple de cacher l’anxiété quand tu pouvais avoir quelque chose de tangible dans les mains. Toutefois, tu échappas un nouveau souffle, pour te donner un peu de courage, un petit rien pour un grand tout, comme toujours. Quand j’ai emménagé ici, et que j’ai aménagé l’espace, je.. Je m’en suis pas rendu compte, au départ, mais j’ai acheté des choses pour quand tu pourrais venir ici. Pour quand tu viendrais vivre ici, si un jour tu venais à me rejoindre, quand j’aurai enfin le courage de te le demander. tu aurais voulu dire, mais tu en étais incapable, alors tu préférais laisser couler cette possibilité de simplement venir comme de passages de temps à autres, le temps de quelques jours, rien de plus. Parce qu’avouer le reste, c’était encore trop difficile, c’était encore un combat à mener et tu n’avais pas vraiment les épaules pour l’avouer, pas maintenant.
Pas quand il se rapprochait dangereusement de ton poitrail pour observer les cicatrices que tu avais laissé les autres faire sur toi. Tu contrôlas ton corps malade et tristement cabossé pour ne pas qu’il rejette le toucher et la présence de Sulin, parce que c’était difficile de te toucher récemment, c’était difficile de toucher ses zones qui te procuraient tant de peine, mais c’était Sulin. C’était lui, et son toucher avait toujours eu quelque chose d’apaisant, de serein, de naturel quand il se posait sur toi, comme si tu n’étais pas si différent de lui, comme si tu n’étais pas son actuel opposé. Tu avais toujours été particulièrement faible à son toucher, à la façon dont ses doigts étaient des plumes qui traversaient, qui coulaient sur tes plaques avec une certaine révérence, avec une douceur si contrastée à la violence de ton corps qui n’était finalement qu’un bloc si dur et si faillible à cause de toutes les interstices cachés entre les plaques d’armure. Et ça ne loupa pas. Une réaction naturelle à son toucher, ton corps qui ne peut réprimer un léger frisson quand ses doigts glissèrent sur les nouvelles marques, celles apposées par ta mère, pour de la protection, pour quelque chose de plus, pour quelque chose dont tu avais besoin, et tu remarquais, encore une fois, à quel point tu crevais pour son toucher, à quel point tu étais devenu affamé de son toucher, à quel point ton corps avait besoin de le sentir, lui. Si ton cœur avait besoin qu’il soit là, avait besoin de le voir, de pouvoir le sentir, de savoir qu’il était là et qu’il était en vie, ton corps était devenu soudainement assoiffé, affamé pour son contact, par la douceur de sa peau sur la rigidité de tes plaques, ou sur ta peau de suède. Tu étais un véritable drogué, et ça te faisait peur, mais pas aussi peur que de le voir partir à nouveau. Ton corps avait été si habitué à son toucher, même s’il n’était pas d’un naturel démonstratif, à ton inverse, que rien que le fait qu’il effleure, qu’il touche un tout petit peu, cela suffisait à abreuver une fontaine qui s’était largement tarie sans lui. Non, ça ne l’est pas. Ça cicatrise, c’est guéri. Tu répondais, au tac au tac, à sa remarque, le regard rivé sur lui. Ou du moins, les blessures physiques étaient guéries, celles que tu t’étais infligé par procuration, par les coups des armes et les poings des autres, elles étaient guéries, d’une certaine manière. Parce que tu étais peut-être devenu négligent, tu avais peut-être laissé les autres t’infliger des marques et des coups, mais tu n’avais pas été négligent au point de ne pas te soigner. Probablement plus pour ne pas supporter la douleur sur une trop longue période qu’autre chose, malheureusement. Tu étais devenu suicidaire, après tout, sans le vouloir. C’était d’une tristesse que même toi, tu n’osais pas en voir la cruelle réalité en face. Tu préférais enterrer ce démon aussi loin que possible pour ne pas en voir les yeux qui te fixaient dans l’obscurité, qui te soufflait que tu pouvais encore le faire, parce qu’il était certes là, ton amour, mais rien ne te garantissait que tu pourrais le garder, que peut-être qu’en te voyant aussi brisé, il s’en irait pour de bon, parce qu’à quoi bon garder quelqu’un d’aussi mal foutu que toi ? Quelqu’un qui n’avait tellement plus d’estime de lui-même qu’il laissait les petits malfrats le toucher dans le simple but de se confirmer qu’il n’était pas mort et qu’il ressentait toujours ? Dans le simple but de sentir autre chose que la douleur et le chagrin. C’était pathétique. Tu étais pathétique. Alors oui, les blessures physiques étaient refermées, elles disparaîtraient avec le temps si tu en prenais soin. Mais les blessures mentales, psychologiques, elles, elles étaient toujours là. Ton cœur saignait toujours aussi abondamment, ton esprit était désormais marqué d’un nouveau traumatisme que tu allais enterrer aussi profondément que possible. Tu n’étais pas guéri, c’était grave. Mais c’était tellement plus simple de faire semblant de croire que ça ne l’était pas. C’était tellement plus simple de prétendre que ce n’était que physique et qu’il n’y avait rien, que ce n’était pas grave. Tu te laissais mourir à petit feu, mais ce n’était pas grave. Tu survivrais, tu allais rebondir, et rien que sa présence, ici, avec toi, suffisait à rendre un peu de vie à ce corps malade, à ce corps fatigué et tristement décharné. C'était plus simple de faire semblant, c'était plus simple pour toi, peut-être pour lui et peut-être qu'à force de te convaincre, tu y croirais, tu croirais à ce mensonge qui en surface ne l'était pas vraiment. Après tout, ce n'était que des plaies, ce n'était que des cicatrices, c'était tout ce qu'il y avait en dessous qui était bien plus grave. Cette douleur intestine qui t'avait poussé à être négligent, à être imprudent. C'était cette douleur-là qui était grave mais dont tu ne pouvais envisager de lui en parler simplement pas peur de sa réaction, peur qu'il s'inquiète vraiment pour toi parce qu'il n'avait pas besoin de s'inquiéter davantage pour toi. Tu voyais sans mal aux traits sur son visage qu'il le faisait déjà, tu le sentais de cette manière si particulière à ton espèce que tu avais de pouvoir lire dans les odeurs, dans le comportement, dans l'attitude, dans les petites choses que certaines espèces ne prenaient pas le temps d'étudier. Toi, tu le voyais. Et tu ne voulais pas lui incomber plus qu'il n'en avait déjà, il n'en avait pas besoin. Il était assez malheureux comme ça, tu n'avais pas à lui en rajouter. Vous étiez assez brisés comme ça, tu préférais ne pas en rajouter. Et puis... Le mal était fait, il suffisait que ça cicatrise, que ça prenne son temps pour cicatriser complètement, pour que les plaies se ferment naturellement.
Et il en était de même de ton pardon, il en était de même de ta rancune, de ta douleur. Il suffisait d'attendre, de respirer et les choses se calmeraient naturellement. Après tout, tu ne pouvais pas vraiment lui en vouloir, tu comprenais d'où était venu ce besoin désespéré de te rendre cette bague. Tu savais que c'était difficile, que ça avait été bien plus difficile et si la douleur était là, elle ne le serait plus pour très longtemps. Rien que sa présence, même fugace, suffisait à atténuer la douleur, suffisait à te redonner un peu de vie et à rendre des mouvements moins cathartiques. Tu avais l'impression de revivre en sa présence, comme si tu n'avais pas pu respirer véritablement depuis ton départ du Nexus et que soudainement, tu apprenais à nouveau à respirer, à vivre, à voir au-dessus de l'eau, à voir les abysses s'éclairées un peu. C'était tellement suffisant et ça aurait dû te faire peur d'être si dépendant de sa présence pour être heureux, mais non. Tu te sentais simplement complet, infiniment bien de voir à quel point vous vous complétiez malgré tout et à quel point il t'était nécessaire. Tu étais si complet quand vous étiez ensemble. Tu étais si bien quand votre relation tenait encore debout et tu te demandais, vraiment, pourquoi tu te refusais tout ça, pour tu refusais tout ça pour vous. Pourquoi tu prenais cette décision pour vous deux quand pourtant, ça serait si simple, pour vous deux, d'aller mieux, vraiment, si tu te donnais enfin la peine d’accepter de prendre ce risque. Un risque qui valait tout le reste, un risque qui vous donnerait tout le bonheur dont vous aviez besoin pour subsister, pour ne plus simplement survivre mais vivre. Et à ses mots, tu avais presque envie de lui accorder tout ça, de vous accorder tout ça, parce que votre relation méritait de prendre des risques, des risques considérés, mesurés et nécessaires à votre survie à tous les deux, à une vie et un bonheur que vous méritiez. Mais la peur. La peur était si cruelle, elle déchirait si soudainement tes entrailles, et tu te renfermas aussi, un peu, à ses paroles, parce que tu savais ce qu’il allait dire, tu savais très bien quel couteau il allait enfoncer, qu’elle porte il allait ouvrir, celle qui te faisait si peur. Cette peur, cruelle, froide, assassine, celle qui t’empêchait parfois de bouger, qui t’empêchait parfois de regarder là où il y avait du vrai. Alors, tu soupiras, d’un de ses soupirs à fendre l’âme. Un sujet que tu avais amené toi-même, et une réponse qui, dans d’autres circonstances, aurait certainement piqué ton énervement, ta colère, mais qui, dans cet instant présent, se posait simplement comme une douleur de plus à gérer, une de plus à surmonter, parce que c’était de celles que tu pouvais, pour lui. Et seulement pour lui, toujours pour lui. Tu échappas un léger sourire, presque triste, en entendant ce surnom, cette petite marque d’affection qui provenait tout droit de ta langue, la tienne, et c’était si touchant de l’entendre dans sa voix. Lui qui avait fait l’effort de chercher, qui avait fait l’effort de se plier un peu à ta culture barbare et martiale pour trouver cette petite marque d’affection qui faisait vibrer ton pauvre petit cœur maltraité. Tu ne répondis pas de suite à sa question, parce qu’il te fallait quelques infimes secondes, quelques petits instants pour te recomposer, mais tu relevas tes yeux vers lui, l’observant avec des iris coulant d’un amour tellement profond pour lui, d’un amour tellement véritable, tellement important parce que sans cet amour, tu te laissais mourir, comme un animal, comme les couples d’inséparables qui existaient en si grand nombre sur la planète d’origine de son espèce. On sait tous les deux, au fond, que je ne peux te contraindre à rien, Sulin. Je ne peux que te dire ce que je ne préférerais pas parce que j’ai peur, peur que tu ne te plaises pas ici, peur que je ne sois pas assez pour que tu sois pleinement heureux. Je peux te défendre de faire plein de choses mais je ne peux pas te contraindre à m'écouter, j'ai pas ce pouvoir là. Tu commenças, la voix curieusement égale, la voix curieusement stable alors que tu savais que tu t’ouvrais véritablement, peut-être pour l’une des premières fois dans votre histoire, tu ouvrais la porte sur la totalité de ce qu’il te faisait peur. Et ta voix était curieusement si stable, si forte, si imposée et imposante, parce que si lui cherchait à te faire entendre raison avec la douceur de sa voix, toi tu cherchais simplement à lui faire comprendre à quel point tu avais raison d’avoir peur, et à quel point tu étais apeuré. Parce que c’est ça qui m’empêche de te dire de me rejoindre, c’est cette peur là. Celle de te retrouver mort pour je ne sais quelle raison, parce que je n’y survivrais pas, sans toi. Celle que finalement, ce lieu t’empoisonne, que tu ne sois pas heureux parce que tu auras tout quitté pour pas grand-chose, parce que tu quitteras ton quotidien, tes proches, tout. C’est pour ça que je ne peux pas te le demander, mais je ne peux pas non plus te contraindre à faire autre chose que ce qu’il te plaît. Après tout, tu lui avais certes défendu de te suivre lors de ton exil, mais tu ne l’aurais pas empêché, d’une certaine manière, s’il l’avait fait. Tu aurais probablement essayé de le renvoyer là-bas, pour sa sécurité, parce que tu savais à quoi ressemblait Kadara, et parce qu’à l’époque, tu ne savais pas comment tu vivrais. Aujourd’hui, les choses étaient différentes, et tu ne voulais plus lui imposer le diktat d’une de tes décisions comme le militaire qui aboyait des ordres. C’était sa vie, et même si elle était intrinsèquement liée à la tienne, tu ne pouvais pas faire semblant d’être le seul décisionnaire, parce que ce n’était pas le cas. Mais tu ne lui demanderais pas, jamais, parce que c'était un poids trop lourd. Tu l'avais fais une fois, dans le désespoir de ne pas savoir à quoi ressemblerait ta vie, à quoi tout ça ressemblerait, et tu en avais payé le prix, cher. Tu ne souhaitais pas le faire. Je ne te demanderais jamais de me suivre ici, amatus. Mais je ne t’empêcherais pas de le faire, parce que je ne veux plus prendre des décisions pour nous deux, des décisions qui nous ont coûtées et qui nous coûtent encore. Et je ne te rejetterais jamais, si tu venais. Simplement, réfléchis aux conséquences, à ce que tu laisserais derrière toi, et c’est pour ça que je ne peux pas te le demander. Parce que tu savais les conséquences de tout ça, tu savais les conséquences de tel départ, sur sa carrière, sur sa vie personnelle également, sur ce qu’il laisserait derrière lui d’important, et tu ne pouvais tout simplement pas lui demander d’abandonner tout ça pour toi, même si votre relation t’était devenue vitale, même si tu ne pouvais vivre sans lui, c’était la seule et unique barrière que tu ne pouvais franchir. Tu ne le rejetterais pas, mais tu ne lui demanderais jamais de te suivre, de rester là. C'était les paroles d'un être fatigué de se battre pour quelque chose qui faisait pourtant autant de mal que de bien, fatigué de se sacrifier au bonheur au nom de peurs idiotes, l'homme fatigué, l'homme épuisé, qui n'avait tout simplement pu le coeur à se battre, en réalité. Et sur ces paroles-là, tu te levas, comptant bien prendre en compte le fait qu’il était là, et que ça ne se reproduirait pas souvent, et pour ça, tu voulais en profiter. Tu déposas une de tes mains sur le haut de ton siège, avant de tourner ton regard en sa direction, tendant également une main vers lui, cette main tendue, simple, douce. Il n’y a pas grand-chose à voir, mais… Viens. Après tout, c’était vrai. Vous auriez tôt fait de visiter cet appartement qui semblait grand de loin, mais qui ne l’était pas tant que ça, qui était plutôt simple, parce que tu l’avais voulu ainsi, tu l’avais voulu aussi simple que tu pouvais l’être, aussi discret que tu pouvais l’être. Le mobilier n’était pas aussi luxueux que l’appartement dans sa globalité pouvait l’être, et c’était un choix voulu. Tu préférais être modeste, que tout ça soit discret, soit minutieusement bien choisi pour coller à tes goûts mais aussi, comme tu l’avais soufflé, à ceux de ton compagnon, ceux de celui qui étais à tes côtés. Tu ne savais pas pour combien de temps, à vrai dire, et tu t’en fichais pour l’instant. La peur de ce temps écoulé ne tarderait pas à venir, et pour l’instant, tu préférais la garder aussi loin que possible, là où elle ne pouvait te faire de mal. Alors, tu commenças à lui montrer l’appartement, avec une certaine légèreté, dévoilant la cuisine et les équipements que tu avais pu prendre, dont ceux que tu avais fini par n’utiliser qu’une seule fois parce que tu n’étais pas suffisamment présent ici pour en avoir l’utilité, et à part pour la machine à thé, et le pot de thé de sa préférence, il n’y avait guère d’éléments qui montraient que tu avais pensé à lui en aménageant tout ça. La suite, ce fut ton bureau, un gigantesque bordel sans nom dans lequel les datapads pullulaient, et tu avais, vraiment, presque honte de lui montrer tant c’était un bazar monstre. Tu lui montras, aussi, la chambre d’ami, celle qui n’était utilisée par personne mais dont le lit était fait, et les affaires potentielles que tu stockais là, rangées, tu lui présentas la salle de bain, également, qui était exactement la même que pour ta propre chambre, à l'exception prêt que la tienne possédait une baignoire, en plus de la grande douche. Propre chambre devant laquelle tu t’arrêtas, tendu, presque incapable de faire un mouvement de plus, comme si un mur invisible t’empêchait d’avancer, alors tu t’écartas juste doucement de l’encadrement pour le laisser voir, pour le laisser entrer si jamais l’envie lui prenait. Ma chambre. Rien d’extraordinaire si ce n’est un lit humain, parce que j’ai visiblement pris goût à vos types de lit. Tu soufflas doucement alors que tu gardais tes yeux fixés sur la baie vitrée avec la vue sur Kadara. C’était plus simple, plus simple d’éviter cette pièce où le lit était miraculeusement fait, comme si tu n’avais jamais vraiment dormi dedans. Ce qui était vrai pour ces derniers jours. C’était plus simple d’observer la vue de Kadara par la baie vitrée que de regarder le reste parce que la bague était là. C’était plus simple d’essayer de changer de sujet, c’était plus simple d’essayer de t’enfuir de cette pièce que de la confronter, parce que curieusement, c’était la pièce qui possédait le plus d’objets chargé de l’intention de faire venir ton amant ici. Des tableaux, des photographies, un mobilier qui était à son image, avec des goûts qui lui correspondaient. Tu vois… Il n’est pas extraordinaire, cet appart. Il y a encore un bureau, vide, et une salle d’entraînement au sous-sol, en plus du balcon. Mais.. C’est pas si incroyable que ça. Tu soufflas, pour minimiser l’impact que pouvait avoir cette chambre, évitant consciencieusement de lui montrer ce bureau qui lui était destiné, qui était pour lui. Tu espérais qu’il ne te demande pas de le voir. Tu préférais largement le balcon qui en valait largement le coup d’œil. Tu aurais préféré éviter cette chambre, prétexter qu’elle n’existait pas et que tu dormais dans l’autre, mais il te connaissait trop bien, et il ne serait jamais tombé dans ce mensonge. Alors, tu essayais d’être honnête, tout en ne te déchirant pas trop. Parce que ça faisait mal, toujours. Et ça te frappait encore, à quel point tu avais construit cet appartement pour vous deux. Comme un rêve, toujours. Votre rêve, peut-être.
Sulin Morlan & Sylhas Astros Watch that star die, eons without you. I'll stay with you, in your mind, every single day. | |
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