| Posté le Ven 11 Sep - 17:27 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | But now the day bleeds Kiss me hard before you go, summertime sadness. I just wanted you to know that baby you the best ◊ ◊ ◊ Il avait cru mourir ces derniers jours.
Il était resté longtemps à fixer ces deux objets, bêtement. Il n'avait pas dit un mot quand Sylhas était parti, pas un. Il s'était simplement contenté de fixer ces deux objets, définitivement bêtement. Il les regardait avec un filtre embrumé superposé, derrière ses larmes qu'il avait tant retenu et qui étaient désormais bloquées. Condamnées à rester dans ses deux orbites, condamnées à passer le restant de leurs jours avec lui. Elles ne pourraient plus jamais couler, il n'y avait plus rien à pleurer. Rien ne pourrait jamais lui faire plus de mal que de voir les deux reliques de leur amour sur son bureau, rien ne pourra jamais davantage le blesser que de voir Sylhas lui tourner le dos, que sa voix qui reflétait toute sa souffrance, sa déclaration finale et la fin. La fin de cette relation qui avait fait tant couler et d'encre et de larmes et qui n'était plus. Alors ces larmes resteraient avec lui, lui ou du moins ce qu'il en restait. Ce qu'il avait ressenti après que la porte se soit refermée sur le turien était indescriptible. Il avait simplement cessé de respirer, voulu hurler sans y parvenir. Il s'était cassé en deux, comme si on avait séparé son cœur en deux morceaux pour finalement le détruire afin qu'il ne reste plus qu'un corps qui vit on ne sait trop comment, une énième anomalie de plus au cœur de la galaxie, une erreur de programmation. Il s'était brisé en deux, il était resté quelques minutes comme ça, avait vomi dans un coin du laboratoire et s'était raccroché à l'un des plans de travail pendant que le robot commençait déjà à nettoyer le minable résultat de leur dernière discussion. Il s'était hissé on ne sait trop comment à l'extérieur, avait rasé les murs jusqu'à sa chambre et avait un instant songé à se noyer dans la baignoire qui siégeait au milieu de son salon. Celle qu'il aimait tant et autour de laquelle il avait tant de souvenirs avec lui. Lui, lui, lui, il était partout, dans sa tête, dans sa chambre, sous sa peau, entre ses doigts, dans ses souvenirs, partout. Il en était palpable tout autour de lui, et il voulait qu'il l'oublie. Il voulait qu'il soit heureux. Il voulait qu'il soit libre. Libre de ses obligations, de sa promesse. Il avait ri ce soir là, ri comme un dément en se rendant compte de ce qu'il venait de vivre, de l'alliance qu'il avait laissé derrière lui. Puisque c'était bien ce dont il s'agissait, d'une alliance. Une alliance qui lui était destinée, dont il n'avait même pas la connaissance. Une alliance qui aurait dû être la sienne, qui témoignait de l'intérêt de son turien pour sa culture, pour sa personne. Une alliance qui aurait dû scellé son amour et son bonheur, et au lieu de ça elle lui donnait envie de vomir, de pleurer toutes les larmes qu'il lui restait en souvenir de ce qui aurait pu être et de ce qui ne sera jamais. Même ça il n'en avait plus la force. Même pleurer, c'était trop lui demander. Alors il s'était contenté de se faire couler un bain et de laisser sa tête sous l'eau suffisamment longtemps pour qu'il ne reste plus de lumière. Rien que le noir, le néant. L'une des principale composante de l'univers qu'il était à cet instant persuadé de comprendre. Il était resté suffisamment longtemps pour n'avoir plus d'air dans les poumons et s'était demandé si ça valait vraiment la peine de remonter. S'il restait bien quelque chose pour lui là-haut maintenant qu'il avait tout gâché. Maintenant qu'il avait gâché son unique chance d'être encore un peu heureux, même pour quelques jours. Il n'était remonté que parce que son corps lui avait ordonné, son traître corps qui souhaitait visiblement encore porter son âme cabossée quelques temps. Alors il était sorti de l'eau, s'est aperçu qu'il tremblait terriblement, n'osait même pas croiser son regard dans le miroir. Il s'est couché, et il a essayé de dormir. Il aurait aimé rêver de lui, mais rien. Plus rien que le néant.
Le jour suivant, il avait l'impression de n'avoir pas fermé l’œil une seconde. Il s'était habillé à la hâte pour retrouver au plus vite le laboratoire qui ressemblait désormais davantage à un cimetière, il s'était dirigé là-bas comme un fou, sans dire un mot à quiconque, les traits tirés comme rarement on avait pu l’apercevoir depuis un an. Il s'était rué là-bas comme un fantôme, il avait récupéré la bague et le bracelet comme un voleur et était redevenu ombre. Ça lui appartenait. Peu importe combien ils pesaient lourds dans ses bras, combien ça faisait mal de les voir là. Ça lui appartenait, c'était un bout de leur histoire, c'était sa fin. Personne ne devait s'en emparer, personne ne devait ne serait-ce que le toucher. Il avait jeté le tout sur son lit, sans oser en faire quoi que ce soit, sans oser les ranger quelque part et encore moins les porter. Il avait étouffé un sanglot en se rendant compte une énième fois de ce qu'il venait de se passer, de ce qu'il venait de vivre et de perdre. Un genre de bruit étouffé, un cri d'animal blessé. Il prétendit être malade ce jour là, mais finit tout de même par aller travailler en début de soirée en espérant pouvoir retrouver un semblant de normalité. Il ne pensait qu'à lui. Qu'à leur histoire. Qu'à ses doigts sur son poignet et son front contre le sien. Qu'à ce dernier contact. Ces derniers mots. Il repassait la scène encore et encore dans sa tête. Ce n'est qu'au bout du deuxième jour qu'il se décida à contacter la pilote du Leviathan. Il lui dit la vérité, simplement la vérité. Qu'il ne dormait plus. Qu'il ne réfléchissait plus. Qu'il n'était plus lui-même. Qu'il avait besoin d'aide. Le troisième jour, il était en route pour Elaaden, pour des analyses du sol improvisées, il avait prétendu en avoir besoin immédiatement et personne n'avait posé de questions. Personne ne posait jamais de question, tout simplement parce que ça les emmerdait royalement et que Sulin avait toujours fait ce qu'il entendait juste dans le cadre de son métier, que ça avait toujours porté ses fruits. Quelques heures après, il était à bord du Leviathan, là où Jayleen était venu le chercher. Ça le rendait fou, d'être là. Il en était réduit à chercher son odeur, à essayer de trouver où il préférait être, à renifler ses traces comme un clébard qui a peur de voir son maître disparaître. Il en était là. Il avait perdu la tête, c'était une forme de décès pour Sulin. Il avait toujours considéré que l'univers pouvait lui prendre tout ce qu'il possédait, il ne pouvait pas lui arracher son esprit. Son esprit brillant qui était à coup sûr sa plus grande richesse. Il n'était jamais rien, il était un génie. L'univers ne pouvait le lui enlever, Sylhas Astros si. Il avait laissé la pilote le mener à l'appartement du turien, il n'avait rien dit sur ce qu'il comptait y faire. Sylhas n'y serait pas, qu'elle lui avait dit. La jeune femme n'avait pas donné plus de détails. Elle n'avait pas dit où il était, ce qu'il faisait, avec qui. Sulin n'avait pas posé de questions. Sulin, tout ce qu'il avait fait, c'était déposer comme un drogué l'alliance. Ce bijou si symbolique, si somptueux. Il l'avait déposé sous la porte, avec un datapad qui ne comportait qu'un seul mot.
Jamais.
Jamais l'oublier, jamais être heureux, jamais être libre. Jamais. Il refusait tout ça en bloc. Il refusait de garder cette alliance, il refusait d'en porter le poids, il refusait de la voir trôner sur son étagère comme une relique du passé, il refusait d'abandonner, quelque part. Il était trop brisé pour l'envisager ainsi, mais il refusait de cesser d'espérer. Il refusait de croire qu'il ne pourrait jamais lui offrir sous un jour meilleur. Il s'était enfui de nouveau comme un voleur alors qu'il crevait à l'idée d'entrer, de voir comment il vivait, où il devait s'installer pour prendre son petit-déjeuner, où il devait penser à lui, où il dormait. Il crevait à l'idée de respirer ses draps et d'y pleurer enfin, de pleurer toutes les larmes qu'il gardait à l'intérieur de lui comme de précieux petits joyaux qu'il ne fallait pas gaspiller. Il en connaissait le prix, désormais. Il savait qu'il ne fallait pas en dépenser pour des futilités. Il savait maintenant à quoi ressemblait la vraie douleur, c'était encore à des lieux de tout ça. Il était rentré ensuite, il s'était réfugié sur le Nexus en s'imaginant que ça irait mieux maintenant, maintenant qu'il ne l'avait plus. Cette terrible preuve d'amour. Ce n'était pas le cas, au contraire. Il l'imaginait rentrer chez lui, il l'imaginait crever de tristesse en le voyant, il imaginait toute la peine qu'il lui avait fait, il songeait à quel point il avait été égoïste, à quel point il aurait mieux fait de la jeter dans l'espace, de l'avaler et de s'étouffer avec plutôt que de la lui rendre. Il se disait qu'il avait peut-être signé son arrêt de mort, rien ne parvenait à le calmer. Ni la musique classique qu'il aimait pourtant tant écouter, ni la science qui le passionnait pourtant depuis si longtemps. Il était tout bonnement détruit, chaque jour ça recommençait. Une pensée, la culpabilité, une autre pensée. L'envie d'aller mieux, la culpabilité, des milliers de pensées. Impossible de respirer, le corps qui refuse de mourir, encore son visage, encore ses yeux verts, tout recommençait. Il tremble, l'impression de se noyer, l'envie de se noyer, une pointe d'espoir qui vient tout faire capoter. Encore et encore, la même chanson, les mêmes pensées, la spirale dans laquelle il se noyait encore et encore.
Et puis un jour, c'en fut assez.
Il ne savait pas au bout de combien, il avait perdu le compte. Il avait cessé de compter, ou alors il ne savait plus compter, il ne savait pas trop. Il ne pouvait même plus localiser la douleur, elle était partout, rien que la peur qu'on lui annonce qu'il n'était plus, qu'il l'avait achevé, le fait de ne pas savoir ce qu'il faisait, s'il se remettait, s'il souffrait autant que lui, toutes ses questions le tuaient à petit feu. Ça, et le fait qu'il ne parvenait pas à couper le lien. Ne lui être lié à lui, c'était dériver dans l'espace. Avant, avant ils restaient un tout. Quand ils étaient dans l'incertitude, le silence pesant mais pas mortel. Avant il y avait toujours l'espoir, maintenant il ne restait plus rien. Il avait besoin de le voir, besoin de savoir qu'il survivait, qu'il était toujours là. Il avait besoin de lui. Terriblement. Alors il avait joué le même tour à l'Initiative, la même excuse presque loufoque tout simplement parce qu'il n'avait même pas la force d'en inventer une nouvelle. Cette détermination qu'il avait lorsqu'il était allé déposer l'alliance, il l'avait perdu. Tout ce qui le rendait homme, il l'avait perdu. Il n'était plus qu'un animal, survivant comme il pouvait.
Et maintenant. Maintenant quoi ?
Maintenant devant sa porte, à se demander vraiment s'il n'aurait pas mieux fallu crever avant lui plutôt que de chercher à le tuer. Il ne se comprenait même plus, lui qui avait pourtant été le premier à vouloir clarifier cette histoire, à vouloir éviter qu'ils se déchirent. C'était fait, maintenant, c'était fini. Qu'est-ce qu'il faisait là alors ? Il s'en foutait. Il voulait juste le voir. Peu importe le prix à payer, peu importe à qui il devait vendre son âme pour ça. Il s'en foutait. C'est pour cette raison que sa main ne trembla pas quand elle frappa à la porte du mercenaire. Il ne savait même pas à quoi il ressemblait, il savait qu'il était dans un état déplorable. Que son état mental frôlait la folie et qu'elle prenait peu à peu ses marques sur son faciès. Il le savait.
- Je ne peux pas.
Il ne pouvait pas. Tout simplement pas. Voir son visage avait été comme une bouffée d'air frais, comme s'il n'avait pas respirer depuis. Il ne pouvait pas.
- Être libre. Être heureux sans toi. Jamais. Ça ne marche pas comme ça.
Il aurait voulu lui dire plus, il avait prévu de lui dire plus. Il s'était repassé cette scène mille fois avant de venir ici, et une fois devant lui, il n'osait qu'à peine le regarder. Son attention se focalisa sur ce qui se trouvait derrière son turien, ce fameux appartement.
- Je peux entrer ?
Puisqu'il était resté bloqué là, de toute manière. Bloqué à l'entrée depuis qu'il y avait mis les pieds.
(c) oxymort |
| Posté le Ven 11 Sep - 17:32 | I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | But now the day bleeds Port-Kadara | Désolé connard, tu ne me tueras pas si facilement. Tu soufflas, un rire rauque dans la voix, froid, malsain, méchant, glacial et tous les adjectifs pouvant se rapporter à ton comportement actuel, terriblement déconnant par rapport à celui que tu étais, tellement loin de l'honorable soldat que tu t'étais évertué à rester malgré l'exil, malgré la perte de ton statut, de ton amour, de tout. Ton rire rauque, pourtant chaud, résonna dans l'entrepôt désaffecté, de même que la balle qui s'échappa du barillet de ton pistolet pour s'écraser entre les deux yeux de l'humain que tu tenais en joue de ton pied, posé sur son thorax. Tu relevas tes yeux du cadavre sous tes pieds, inspirant un peu avant que ton regard ne croise ton reflet dans une vitre brisée, ou était-ce un miroir ? Peu importe. Peu de choses importaient maintenant, peu de choses comptaient depuis que tu avais perdu ton soleil, depuis que tu avais perdu la seule raison que tu avais de rester droit, depuis que tu avais perdu la seule chose qui te maintenait véritablement honorable, qui t'empêchait de basculer dans cette vision déplorable que tu voyais dans le reflet. C'était glacial. Ça te glaçait le sang de te voir ainsi, mais qu'est-ce que tu pouvais bien en avoir à foutre, au fond ? Tu n’en avais plus rien à foutre. T'avais tout perdu de toute façon. T'avais tiré le gros lot, t'avais fait un combo. Mais ce n’était pas le tiercé gagnant. T'avais joué la mauvaise main au poker et il ne te restait plus rien, plus que tes subharmoniques pour pleurer, au fond. Ça et un équipage qui s'inquiétait bien trop pour toi, une pilote qui s'excusait continuellement dès qu'elle te voyait depuis ce jour-là, un compagnon krogan qui ne savait presque plus sur quel pied danser avec toi puisque tes humeurs étaient violemment changeantes, brutales. Finalement, il n'y avait que Seth qui t'apportait un peu de souffle, un peu d'air. Parce qu'il s'en fichait que tu le frappes plus fort, il s'en fichait que tu lui demandes de te frapper encore plus fort que d'habitude, parce qu’il ne savait pas que tu lui demandais pour que tu sois certain que t'étais encore en vie. Pour avoir la certitude qui tu pouvais encore ressentir quelque chose, parce qu'au fond, tu avais l'impression d'être mort. Mort à l'intérieur, un cœur brisé jusqu'à la racine même des filaments qui le composait, mort à la racine même de ton existence. Et tu avais peur de plus rien ressentir mais peut-être que ce serait finalement plus simple de rien ressentir, non ? Tu ne savais pas. Et puis qu'est-ce que ça pouvait bien faire ? Tu avais perdu la seule personne dont le regard avait de l'importance, dont l'intérêt était légion. C'était trop tard, tu avais tout foutu en l'air de toute façon, il n'y avait plus rien. Il n'y avait plus que cette rage, cette colère, cette douleur qui te tuait lentement, qui te poussait à des bêtises fatalistes. Cette détresse que tu ne savais exprimer autrement qu'en prenant tous les petits contrats de merde, t'enfonçant dans un travail à la chaîne comme si tu étais bourreau et boucher. Tu faisais pitié, tu étais devenu pitoyable, une triste image de toi-même que ton ex-amant était chanceux de ne pas voir. ex-amant, ça faisait mal d'y penser, ça faisait mal de rajouter ce préfixe malheureux devant le titre de l'amour de ta vie. Mais c'était comme ça, hein. Il n'y avait plus rien. Non, plus rien. Il n’y avait plus rien, tu lui avais tout donné, et tout s’était terminé, terriblement, froidement, avec toute la violence qu’une rupture comme ça pouvait offrir, avec toute la tristesse que vous aviez accumulée, avec toute cette tristesse qui vous avait explosé à la tronche comme une bombe à retardement. Et tu ne pouvais toujours pas t’empêcher de penser, toujours, quelque part, que tout était de ta faute, tu ne pouvais empêcher la culpabilité de couler dans tes veines, parallèlement à l’amour que tu n’arrivais pas à oublier, que tu n’arrivais pas à enterrer. Tu ne pouvais tout simplement pas l’oublier, après tout. Parce qu’il était le seul. Il était le seul à pouvoir avoir ce droit, ce pouvoir sur toi, et maintenant qu’il n’était plus, tu te sentais terriblement vide, terriblement seul, terriblement mort.
Ton rire se répercuta à nouveau contre les murs, plus froid cette fois, plus triste, plus amer, alors que ton pied repoussait le corps sans vie de l'humain que tu venais de tuer de sang-froid. Qu'est-ce que tu étais devenu ? Tu ne savais pas. Tu ne te posais pas la question en prenant en photo le corps pour l'envoyer au commanditaire. Tu ne te posais pas la question alors que tu récupérais les crédits tachés d'un sang injuste, tu ne te posais pas la question alors que tu rengainais ton arme et que tu passais ta main contre ton visage pour essuyer ton propre sang. L'adrénaline tomba, soudainement, et ton corps te rappela rapidement ta bêtise, celle d'être sorti travailler sans prendre ton armure. Un débardeur, une veste et une omnilame entre les côtes. Parfait. Plus ça allait, plus tu enchaînais les erreurs idiotes, stupides, celles qui te rapprochaient de la mort aussi stupide que tu semblais chercher en vain, parce que tu étais incapable de pointer l'arme sur toi-même. Tu passas la main sur tes côtes, rapidement tachée de sang bleu, avant de faire claquer ta langue contre ton palais et tes mandibules contre tes plaques faciales, dans un mouvement purement dédaigneux de ta propre personne, de ta propre bêtise. Décidément, tu les enchaînais. Quelques dizaines de minutes plus tard, tu étais de retour chez toi, une plaque de medigel contre tes côtes, tes mandibules plaquées à ton visage en attendant que la douleur disparaisse doucement de tes côtes, attendant patiemment les effets du produit avant de t'approcher de ton lavabo, du miroir que tu évitais depuis ton retour. Tu ne l’évitais pas vraiment, au fond, tu avais juste toujours peur de croiser ce reflet brisé de ce que tu étais, encore pire que la dernière fois, encore pire que tout ce que tu avais vécu, c’était pire que tout. Tu croisas ton reflet, et pour la centième fois depuis ton retour, tu craquas, à nouveau, tes subharmoniques pleurant de nouveau pour cette personne qui te faisait tant de bien et de mal en même temps. Tu voyais toutes les imperfections, tout ce que tu t’étais infligé ses derniers temps, tout ce qui te rendait soudainement creux, vide de tout, vide de tout ce que tu avais été et n’étais plus. Tu voyais les marques de tes bêtises, de ton envie soudaine d’en finir et d’expirer sous les étoiles un dernier souffle, un dernier cri de détresse, une dernière déclaration d’amour perdu dans le vent, dans le souffle nocturne. Tu voyais les cicatrices qui marbraient à différents endroits ton torse, les craquelures sur ton armure, les cicatrices encore fraîches sur ta peau de suède, des cicatrices qui finiraient par partir à mesure de temps, à se fondre dans ta peau pour lui donner l’aspect de patchwork que tu voyais maintenant. Parce que tu étais devenu irresponsable. Tu oubliais ton armure, ou alors, ne voulais-tu simplement ne pas la porter pour te rapprocher du trépas ? Pour doucement te rapprocher de la seule chose qui te faisait vibrer ces derniers jours, le danger, la peur de la mort ? Peut-être. Tu voyais la perte de poids, ta taille plus mince qu’avant, tes épaules qui avaient un peu perdues de leur masse, tu voyais la malnutrition que tu t’infligeais parce que chaque chose que tu ingérais n’était plus digérée, n’était pas acceptée par ce corps qui ne souhaitait qu’une chose : retrouver cet homme, si bon, si précieux, que tu avais abandonné, que tu avais quitté dans son propre laboratoire. Tes mains étaient devenues tremblantes, tu n’arrivais plus à porter ton fusil de précision, tu n’arrivais plus à le tenir, et tu voulais simplement le détruire, à ce stade, cramer la dernière preuve de celle qui engrangea tout ça, sans le savoir. De toute façon, tu n’arrivais plus à le porter, tu n’y arrivais plus. Il pesait trop lourd entre tes mains, il te faisait trop mal. Tout te faisait mal, de toute façon. Et tu te demandais, pendant un court instant, en observant ton reflet brisé, tes yeux javellisés de telle façon qu’on reconnaissait à peine le vert sous la peine, sous le chagrin qui ne cessait de grandir : Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?
Ce qu’il t’était arrivé, hein… Tu avais quitté l’amour de ta vie, parce qu’il t’avait poussé à prendre cette décision, pour vous deux. Une décision que tu avais toujours refusée parce que tu avais espoir, parce que tu croyais en vous. Tu avais légué entre ses mains les dernières preuves d’amour dont ton corps était capable avant de quitter son bureau, avant de t’effondrer dans ta cabine, sans mot. Personne, de tout ton équipage, n’avait besoin que tu parles pour comprendre ce qu’il s’était passé. Personne, ils savaient tous pourquoi tu t’étais enfermé, pourquoi le krogan pouvait entendre des pleurs tard dans la nuit, pourquoi Jayleen n’arrivait pas à ouvrir ta porte quand bien même elle avait le code et pourquoi elle ne le faisait pas, pourquoi ta courtière avait arrêté de chercher des contrats, pourquoi Seth ne te dérangeait pas quand tu n’étais pas à l’heure pour les entraînements alors que tu étais d’un naturel particulièrement ponctuel. Ils savaient tous ce que ton retour précipité voulait dire, et ils savaient tous à quel point ton cœur était brisé, à quel point il n’en restait rien, à quel point tout ceci allait te briser et te foutre en l’air. Oh, tu y avais pensé, de te foutre en l’air. Quand les pleurs s’étaient taris, tu t’étais retrouvé dans cette cabine, asphyxié, vidé, enveloppé dans l’absence, dans la perte, dans un manque qui tirait déjà sur tes tripes à balles réelles. Quand tu avais quitté le Leviathan, offrant à tous un shore leave bien mérité, plus que mérité, des vacances, qu’ils disaient, pour rejoindre ton appartement et que tout, absolument tout t’avait frappé. Il n’était jamais venu ici et pourtant, tout rappelait lui. Tout. Tout, et tu ne pouvais pas, tu ne pouvais juste pas, tu te sentais mourir, à nouveau, une seconde fois, parce que tu réalisais qu’il n’y aurait rien, il n’y aurait plus rien. C’était fini. Ton cœur était brisé pour de bon, il n’y aurait rien de plus, il n’y aurait plus de nouvelles images pour compléter le tableau de votre amour dans ta tête, il n’y aurait plus de promesses d’amour soufflées sous les draps, il n’y aurait plus de questions stupides en plein milieu de la nuit, à des kilomètres l’un de l’autre, il n’y aurait… plus rien. Et ça te frappa si fort. Ça te frappa si fort que tu te mis à pleurer à nouveau, laissant tomber tes affaires sur le sol dans un bruit presque phénoménal tandis que ta main s’était posée sur ta gorge, cherchant de l’air que tu ne trouvais pas, que tu ne trouvais plus. Il l’avait gardé, ton souffle, il avait gardé ton cœur, il avait tout gardé, tu lui avais tout donné et tu n’avais plus rien. Tu n’étais plus qu’une ombre, passée de date, fatiguée, et malheureuse comme une pierre. Alors tu t’étais penché, tu avais récupéré ton pistolet dans ton sac, tu t’étais installé sur ton canapé en observant cette arme que tu connaissais ô que trop bien. Tu la démontas, à même tes genoux, et tu la remontas à nouveau, et cet exercice, tu le fis pendant plusieurs minutes, en espérant que l’envie pernicieuse dissimulée derrière ton cœur disparaisse avec ce mouvement, avec cette habitude. Mais il n’en fut rien, absolument rien. Tu avais toujours mal, tu étais toujours mort à l’intérieur, et… Quitte à être mort à l’intérieur, pourquoi ne pas en finir, pour de bon ? Tu levas l’arme à hauteur de tes yeux, pour en observer les marques d’usure, ton pouce courant sur le barillet, sur le canon, avant de porter ce dernier à tes tempes, le souffle court, le souffle rauque, la main tremblante. Et tu lanças l’arme contre le mur, avant de hurler, hurler comme un animal à l’agonie, un homme à l’agonie, qui souffrait tant, et qui était pourtant incapable de prendre la décision qui aurait tout arrêté, qui aurait stoppé la douleur, qui aurait tout permis, qui aurait tout réparé. Tu n’en pouvais juste plus. Tu n’en pouvais déjà plus. Alors, tu quittas Kadara le lendemain même, laissant un message à ton équipage pour qu’ils sachent où tu étais, tu t’excusais auprès de Seth de ne pas pouvoir lui donner des leçons, parce que tu n’en étais pas capable, et tu pris le premier vaisseau civil à destination de Neo-Palaven, après un court message à ta mère pour qu’elle t’y retrouve. Tu t’enfonças dans un siège, au fond du vaisseau, dans l’ombre, et tu te recroquevillas sur toi-même, tes yeux fixés sur un point imaginaire dans l’immensité de l’espace, espérant y trouver un peu d’amour, un peu de ce voile que tu venais de perdre alors que tu te fondais dans l'anonymat du vaisseau civil.
Tu étais retourné aux origines, là où tu étais venu pour des vacances étant enfant, et la vue de cette maison, quelque peu cabossée, quelque peu abîmée par le temps et par les hautes températures de la planète, elle t’arracha un soupir de soulagement, quelque chose se reconstruisant doucement dans ta poitrine, mais ce n’était pas ton cœur, c’était autre chose. Tu savais qu’ici, tu ne pourrais pas le voir dans les murs, dans les meubles, dans les draps, dans quoi que ce soit, parce que les souvenirs qui imprégnaient les murs n’étaient pas avec lui. Oh comme tu avais espéré un jour pouvoir l’inviter ici, ici où le soleil réchauffait la peau si naturellement, avec une douceur toute particulière, ici où tout était brut et pourtant si raffiné. Tu passas le premier soir, seul, alternant entre t’installer dans le jardin, dans la poudrière au milieu des fleurs, dans la chambre qui avait toujours été la tienne, ou dans ce salon où tu ne savais pas quoi faire. Le sommeil ne venait pas, la faim non plus. Quand ta mère arriva le jour suivant, tu lui donnas ton arme, ce pistolet que tu tenais sur toi depuis ton départ, depuis que tu l’avais récupéré suite à ta crise. Tu lui donnas, tremblant, brûlant de cette détresse qu’elle connaissait ô si bien, en soufflant des paroles cruelles de sens, des paroles qui auraient fait blêmir n’importe qui faisant parti de ton cercle proche tant ce n’était pas ton genre, d’avoir ce type d’idées. Prends ça, maman, s’il te plaît. Parce que je ne sais pas si ma volonté de ne pas en finir sera suffisamment grande pour me garder en vie, si je ne vais pas craquer, au bout d’un moment. Je… Et tu n’avais même pas fini ta phrase, tu t’étais effondré, dans les bras de ta mère qui ne comprenait pas et qui comprenait pourtant très bien, qui avait mal pour son propre fils qu’elle retrouvait détruit dans ses bras, dans sa maison d’enfance, au milieu de souvenirs chauds et agréables. Et pour la première fois depuis presque trente ans, tu t’étais endormi dans ses bras, sous les ronronnements réconfortant d’une mère qui essayait simplement de soigner le mal qui t’empoisonnait si fort, de cette perte si forte qu’elle se sentait mourir à nouveau, par procuration. Tu t’étais réveillé, le troisième jour, avec la nette impression d’avoir tout épuisé, tous les pleurs, toute ta vitalité. Mais était-ce étonnant ? Tu n’avais pas mangé depuis… Depuis avant le Nexus. Et ta mère le refusait. Elle te poussa à manger, quelque chose, un rien, avant de se rendre compte que ce n’était pas possible, que même si toi, tu le voulais, ton corps le refusait, et faisant en sorte que tu ne gardes rien, ton corps refusant que tu prennes des forces parce que c’était ta faute tout ça, et tu n’avais pas le droit d’aller mieux. Il fallait que tu gardes le poids lourd de tout ce que tu avais fait. Alors, tu parlas avec ta mère, longtemps, jusqu’à ce que les étoiles tapissent le ciel, tu lui racontas tout, parce qu’elle était seule à pouvoir comprendre là où tu avais échoué, là où tu avais mal, là où tu avais l’impression qu’on t’avait arraché une partie de toi-même si ce n’est même la majorité de ton être. Et tu t’endormis, les yeux épuisés, les subharmoniques épuisés, la main de ta mère sur tes cornes, réprimant ses propres pleurs face à la vision de son fils, complètement brisé, complètement mort, dont il ne restait à peine plus qu’une étincelle. Le jour suivant, elle t’installa dans le jardin, au milieu des fleurs qui vivaient naturellement, qui faisaient doucement leur vie sans avoir besoin que quiconque s'en occupe si ce n’est la vie de la planète. Elle t’installa dehors, sous la brise, sous la chaleur qui réchauffait tes plaques, redonnaient de leur couleur à ces dernières, redoraient un peu ta peau, te faisait, curieusement, un bien fou. Après tout, comme elle te le disait si souvent, tu étais une créature solaire, et une créature solaire ne pouvait vivre dans l’ombre, ne pouvait survivre quand il n’y avait plus de rayons pour caresser sa peau. Elle s’installa face à toi, au bout d’un certain moment, avant de te montrer ce qu’elle avait apportée : de la peinture. Alors, tu abaissas ta stature, baissant ta tête, fermant les yeux, et tu la laissas faire, sans un mot, sans un souffle, seulement les mêmes pleurs de tes subharmoniques, pendant qu’elle murmurait les paroles que l’on soufflait lors de tout rite de passage offrant ces marques-là. Tu la laissas passer le pinceau, doucement, contre les marques existantes, sur les arabesques qui couraient sur ton visage, sur tes épaules, sur la totalité de ton corps. Elle en rajouta, quelques-unes, discrètes, sur ton torse, là où il y avait ton cœur. Pour le soigner, Sylhas Callix Astros, pour que les Esprits le protège. Elle t’avait soufflée, doucement, dans un murmure avant de poser son front contre le tien. Il était rare, ô si rare, qu’elle utilise ton nom complet, parce qu’il était chargé d’énormément de choses pour elle aussi, surtout pour elle. Mais tout ceci était cérémoniel, tu t’en rendais désormais compte. Ce n’était pas simplement un renouvellement de tes marques, mais une nouvelle bénédiction, à l’abris des regards, pour te protéger, pour te guérir un peu. Parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait rien faire de plus si ce n’est t’écouter, te réconforter, et faire tout ce qu’elle pouvait pour que tu survives un jour de plus. Juste un jour de plus. Tu n’allais pas mieux, il fallait être honnête, mais tu te sentais enfin prêt à affronter la vie que tu avais mis de côté avant de partir, tout ce que tu avais stoppé pour pouvoir respirer, pour pouvoir trouver un peu de salut dans ton monde, dans les bras de la seule personne capable de te comprendre aujourd’hui, mais qui refusait de croire que vous deux, toi et Sulin, c’était fini. Elle te l’avait dit, quand tu avais récupéré ton sac, prêt à partir. Vous vous aimez trop pour vous séparer, animula. Ça ne durera pas, ce n’est pas possible. Mais ne fait pas la même erreur que ton père, Sylhas, ne brise pas son cœur en partant encore dans des chimères impossibles quand il est devant toi. Prends soin de ton cœur, répare-toi, guéris un peu, et… Attends, sois patient. Vous vous retrouverez, j’en suis sûre. Il était si rare, de la part de ta génitrice, qu’elle utilise des mots de votre ancien langage, mais, il lui arrivait parfois, pour toi, pour Arus. Ce animula, qui ne signifiait rien d’autre que « petite âme », un surnom qu’elle vous donnait depuis tout petit, et qui résonnait encore comme si tu étais un enfant. Un enfant à qui elle donnait les indications pour le bonheur, et un peu d’espoir, juste assez pour te permettre de te relever, pour te permettre de prendre ton sac et partir, à nouveau, retrouver le cœur de ta vie quand tu l’avais quitté pour plusieurs jours, pour suffisamment de temps pour te voir sous un nouveau jour. Pour te permettre la déférence de te sentir un tout petit peu mieux, juste un peu, mais suffisant pour que tu trouves la foi de vivre à nouveau. Et tu quittas le ciel chaud et les rayons doucereux de Neo-Palaven au bout du sixième jour, pas tout à fait prêt à vivre, mais pas totalement prêt non plus à te laisser mourir, presque.
Mais pourquoi tu en étais arrivé là ? Pourquoi tu étais devenu si mauvais quand tout semblait aller mieux ? Pourquoi tu t’étais tellement perdu de vue que tu ne retrouvais pas la personne que tu avais été ? Parce qu’il m’a brisé, à jamais.
Ton retour à Kadara fut le plus dur que tu eus un jour à vivre, pas dès l’instant où ton pied quitta le vaisseau civil, pas quand tu passas par l’appartement de ta pilote pour prendre des nouvelles de Thanatos que tu lui avais laissé et que tu lui laissas encore, malgré les pleurs de l’animal de ne pas être auprès de son maître légitime, n’étant pas sûr de pouvoir t’en occuper correctement. Ton cœur te faisait encore trop mal, et tu ne savais pas si tu serais capable d’apporter l’affection que l’animal avait besoin. Alors, tu avais caressé son poil, doucement, tu avais pris quelques dizaines de minutes pour juste apprécier la douceur de l’animal à ton égard, l’affection dont il débordait et l’inquiétude qui se sentait dans la façon dont il collait sa truffe contre ton cou, espérant pouvoir simplement te retrouver toi, son maître. Tu avais remarqué l’anxiété de ta pilote, tu l’avais sentie, mais tu ne lui avais pas demandé. Tu avais assumé qu’elle avait simplement peur que tu ne sois que pire qu’avant ton départ, qu’avant tes vacances, mais tu essayas de la rassurer, avec un sourire à moitié brisé, et quelques paroles avant de quitter son appartement, sous les couinements de ton chien qui te suppliait de le prendre avec toi. Mais tu n’en fis rien, tu ne pouvais pas. Tu n’étais pas dans le bon état pour certifier ne pas lui faire de mal par accident, et tu te le refusais, tu refusais cette crainte supplémentaire. Parce que tu savais que tes mains n’étaient pas les mêmes, elles n’étaient plus si sûres, plus si certaines des mouvements que tu accordais et ceux que tu ne contrôlais plus. Tu poussas la porte de ton appartement avec une certaine crainte, une crainte qui grandit quand ton pied frôla quelque chose au sol. Et tu revoyais fermer la porte, poser ton sac avec tes minces affaires sur le côté, et te pencher pour récupérer ce qui avait été laissé là, sous ta porte. Et ton cœur se brisa, à nouveau, une nouvelle fois, en mille morceaux que tu ne pouvais récupérer. Ton âme se scinda en deux, ton être se déchira en deux comme si tu n’étais qu’un morceau de papier, la bague brûlant la paume de ta main avant que tes doigts ne se referment sur elle. Ta respiration s’était faite rapide, brutale, hachée, avant qu’un excès de colère t’emporte et que, sans même lire le datapad, tu l’envoyas valser à l’autre bout de la pièce, dans une fureur qui t’était si rare. Tu étais connu pour être colérique parfois, sanguin, mais ce niveau de rage, tu ne l’avais jamais connu. Tu ne l’avais jamais ressenti alors que le datapad s’explosait en deux contre le mur, que la couleur quittait l’instrument pour qu’il n’y ait plus que des morceaux au sol et un hurlement, sorti tout droit de l’agonie que tu pensais enfin avoir quitté. Tu te revoyais, glisser lentement contre ta porte, alors que tes subharmoniques pleuraient si fort, que des gémissements de douleur se glissaient hors de tes lèvres comme si on t’avait enfoncé une Omnilame dans le ventre, jusqu’à ton cœur, mais que la lame ne faisait que titiller l’organe, ne faisait que l’effleurer. Tu laissas la bague retombée, entre tes jambes, et tu ne te souviens pas du temps qu’il te fallu pour te relever, pour récupérer cette bague de malheur, cette bague qui te faisait si mal, qui représentait tout ton amour pour l’homme que tu avais quitté, toutes les concessions que tu étais prêt à faire, dans une certaine mesure, qui représentait tout, et qu’il te renvoyait comme si ce n’était qu’un vulgaire vêtement. Et ça faisait si mal. Si mal. Tu la déposas sur la table de chevet de ta chambre, à côté de ton lit, avant de t’effondrer contre sur celui-ci, tes yeux vides observant un point imaginaire entre tes doigts. Tu laissas tes ergots s’enfoncer dans la chair de tes paumes, perçant suffisamment fort la peau pour que des gouttes bleues s’en échappent, doucement. Tu pensais atténuer la douleur, la peine, mais il n’en était rien. Tu avais toujours aussi mal, tu étais toujours aussi mort, toujours aussi brisé, et tu voulais hurler, continuellement, jusqu’à ce que ta voix se brise, mais même ça, même ça tu en étais incapable parce que ta voix refusait de fonctionner. Tu attrapas, à nouveau, ce pistolet de malheur, que tu observas pendant quelques infinies secondes, cherchant le courage de le porter à nouveau contre ta tempe, d’en finir, enfin. Parce qu’il venait de t’achever, de signer ton arrêt de mort, il venait de signer ton décès le plus pur et le plus simple, une manière comme une autre de t’enterrer si pieds sous terre, loin de tout, loin de lui. Tu le ressentais comme ça. Un rejet, un abandon pur et simple, rien d’autre. Et tu étais terriblement brisé, ton cœur ne battait pour plus rien, tu te demandais même s’il battait encore, si tu respirais encore, si tu pouvais encore respirer. Tu attrapas un datapad, vierge, et tu commenças à écrire, quelques mots, pour eux. Pour ceux que tu laissais derrière toi, leur demandant de ne rien dire à Sulin, de ne rien lui dire, parce que même s’il te faisait souffrir si fort, tu ne voulais pas qu’il sache que c’était de sa faute, tu ne voulais pas qu’il sache que c’était de sa faute que tu t’étais tiré une balle. Tu ne voulais pas qu’il s’en veuille jusqu’à la fin de sa vie, tu ne voulais pas l’incomber, malgré tout, d’une autre de tes erreurs. Tu écrivis un mot pour Seth, lui soufflant de contacter un autre Spectre, un des rares qui t’adressait encore la parole, un de ceux qui le prendrait sous son aile pour l’aider à arriver à son but final. Tu le remerciais, doucement, pour tout ce qu’il avait su t’apporter, ce petit con. Tu écrivis quelques mots, pour Rux et le père qu’il fut pour toi quand tu en avais terriblement besoin sans le savoir. Pour Jayleen, et pour tous les moments passés ensemble, pour toutes les conneries que vous aviez faites ; tu lui léguais le Leviathan, tu lui offrais ton vaisseau. Pour ta courtière, pour ton ingénieur, pour Emma, tu fus plus bref, moins larmoyant. Pour Sam, ce fut sur quelques mots sur le fait que vous vous retrouverez au bar, plus tard, quand elle aura passé son temps, elle-aussi. Pour Otsumi, c'était un remerciement, pour l'aide qu'elle t'avait apportée sur des contrats, et des excuses de ne pas avoir pu l'aider à retrouver son turien. Et tu lui demandais de veiller sur Seth, de loin. Pour Ezra, tu t’excusais, tu t’excusais de ne pas pouvoir tenir tes paroles, de ne pas pouvoir être le turien fort qu’elle aurait aimé qu’il soit en dépit des circonstances, et de ne pas avoir réussi à continuer ta promesse de veiller sur sa sœur. Tu t’excusais. Pour Sulin… Tu ne laissas rien. Parce que si tu lui laissais quoi que ce soit, il saurait, il saurait que c’était de sa faute, que tu en étais arrivé là parce qu’il t’avait définitivement brisé. Alors, tu portas à nouveau le canon contre ta tempe, inspirant, expirant, trouvant un peu de paix d’âme dans ce mouvement qui signerait la fin de tout, qui finirait tout. Ils comprendraient. Tous, ils comprendraient. Ils finiraient par comprendre, à un moment donné, que cet acte désespéré était la seule mesure que tu étais capable de prendre, la seule mesure raisonnable que tu avais en tête. Tu inspiras, expiras, une dernière fois, avant de fermer les yeux et d’appuyer sur la gâchette.
Il n’y avait rien. Il ne s’était rien passé, et il te fallu quelques secondes d’intense panique pour comprendre la totalité de ce qu’il s’était passé, ton geste, désespéré, et le fait que ta mère, même en n’ayant que peu de passif militaire, avait réussi à vider ton pistolet pour qu’il n’y ait plus rien, parce qu’elle savait, elle savait que tu aurais sauté le pas. Et tu pleuras, à nouveau, portant l’arme contre ton torse, contre ton cœur avant de jeter le datapad par terre, l’écran clignotant doucement avant de se mettre en veille. Tu restas plusieurs heures recroquevillé sur toi-même, sur ton lit, les subharmoniques pleurant tout ce qu’il te restait d’âme, et ce n’est qu’après avoir la certitude que ce geste irréfléchi ne reviendrait pas que tu te levas, que tu récupéras le datapad, et que tu quittas la chambre, avec un dernier regard sur la bague qui trônait sur ta table de chevet, brillant par les lumières de Kadara. Ce fut la dernière fois que tu t’installais sur ton lit, parce que la présence de la bague rendait impossible que tu puisses dormir ici, c’était tout bonnement impossible. Tu ne pouvais déjà pas dormir avec ton cœur brisé, alors dormir avec la preuve qu’il n’y avait plus rien du tout, ce n’était juste plus possible. Tu aurais pu la jeter dans les tréfonds de Kadara depuis ton balcon mais tu n’y arrivais pas non plus, parce que tu ne pouvais pas jeter aux quatre vents l’amour que tu avais pour lui malgré tout, et l’inquiétude, toujours, de ce qu’il pourrait bien lui arriver. Tu posas le datapad léthal sur la table basse de ton salon, ainsi que le pistolet, côte à côte, et tu te tournas vers la cuisine. Ton fusil de précision trônait sur le comptoir, abandonné de tes mains qui n’arriveraient plus à le porter, qui n’arrivaient plus à en faire usage à cause des trop nombreux mauvais souvenirs dont il était gravé malgré toi. Et tu te poussas à marcher, à rejoindre les placards de ta cuisine pour en sortir une bouteille d’alcool ainsi qu’un petit tube dans lequel il y avait des médicaments, des somnifères. Tu t’installas sur ton canapé, tu ouvris la bouteille aux couleurs vertigineuses, et tu pris une première gorgée. Une seconde. Une troisième. Et finalement le médicament, avant de te laisser partir dans un sommeil sans rêve, sans rien si ce n’est le même sentiment de trou béant dans ta poitrine. Et les jours qui suivirent furent les mêmes. Tu ne rentrais dans ta chambre que pour récupérer des vêtements propres, passer par ta salle de bain. Tu essayais de dormir, et quand tu y arrivais, c’était à coup d’alcool et de somnifères, sur le canapé de ton salon. Plus rien n’avait de sens. Tu avais fini par ramasser le datapad de Sulin, et le mettre dans la poubelle, sans un regard en arrière, sans essayer d’en obtenir le contenu. Tu n’avais pas besoin d’avoir le contenu sous les yeux pour savoir ce qu’il y avait dedans. Ça n’aurait servi qu’à te briser, encore un peu plus, et tu étais déjà bien assez brisé comme ça. Tu avais déjà bien assez mal.
Tu étais brisé, et même aujourd’hui, des jours après, tu n’étais toujours pas mieux, tu n’étais toujours pas rétabli, c’était peut-être pire, au final. Ta détresse s’était transformée en colère pour tous ceux qui croisaient ton chemin et qui avaient le malheur de te regarder de travers, ta détresse s’était transformée dans une folie à tirer sans même avoir peur de te tâcher. Preuve en était de ton état, devant ce miroir, du sang collé à tes mandibules, sur ton poitrail, sur tes ergots. Mais tu avais si mal, et il te manquait tellement. Tu t’en voulais tellement. Tu n’en pouvais juste plus, et pendant quelques instants, tu considéras l’option que tu avais eu entre les mains quelques jours plus tôt. Le pistolet, la lettre. Mais non. Tu t’éloignas du lavabo, de la salle de bain, et tu te laissas tomber sur ton canapé, le cœur vide, l’âme en deuil, le corps détruit à bien des échelles. Et tu attrapas la bouteille, encore une fois, et les médicaments. Tu en pris deux cette fois-ci. Tu avais besoin de dormir, et un seul cachet ne suffisait plus à calmer tes pensées, à calmer tout ce qui t’empêchait de dormir. Tu ne voulais plus le voir quand tu fermais les yeux, tu avais trop mal. Et tu fermas les yeux, te laissant emporter dans un sommeil sans rêves, sans repos, juste de quoi t’éteindre pour quelques heures, pour éloigner la folie meurtrière et suicidaire qui tiraillait tes pores. Et le réveil fut comme tous les autres : amer, triste, seul. Toujours, seul. Tu considéras, pendant un instant, de reprendre un cachet et de retourner dans ce sommeil à peine salvateur, mais qui t’empêchait au moins de penser, de réfléchir, d’avoir mal, de penser à ce manque qui creusait tes côtes, qui creusaient un trou autour de ton cœur pour quand il tomberait des derniers filaments qui le maintenaient sous ton thorax. Tu te levas, le pas lourd, avant de passer sous la douche, espérant que l’eau bouillante éliminerait les derniers soupirs de ta nuit, les derniers cauchemars, les dernières craintes, et qu’elle te permettrait de marcher, correctement, de vivre un peu aujourd’hui. Tu soupiras, en remarquant qu’il n’en était rien. Elle avait juste nettoyé les traces de sang qui avait marqué ta peau la veille, et à quoi pouvais-tu bien t’attendre ? L’eau n’était pas magique, l’eau ne purifiait pas tout, pas à cette portée. Elle ne laverait pas tes crimes, tes erreurs, ton manque, ton amour. Parce qu’il était toujours là, cet amour, lové contre ton cœur, contre ton crâne, te rappelant chaque jour ce que tu avais laissé derrière toi dans un cri, dans un hurlement sourd. Tu enfilas un pantalon, sans grande motivation à l’idée de sortir, de faire quoi que ce soit aujourd’hui, pour l’instant du moins, et tu retournas dans le salon, sans un regard pour la bague dont tu sentais la douleur dans ton dos. Tu jetas un œil à ton salon, à ce qu’il était devenu depuis qu’il était ta pièce à vivre, l’unique. Tu avais ouvert la baie vitrée, pour que l’air naturel puisse venir se déposer dans la pièce, et la brise permettait à quelques plantes de bouger leurs feuilles, légèrement. Un écran holographique gigantesque trônait sur ta table basse, avec un rapport de tous les contrats qui tombaient, leur primes, les caractéristiques, toutes ses choses qui faisaient parti de ton quotidien. Ton pistolet et le datapad mortel n’avaient pas bougés, toujours sur un coin de la table basse, de même que la bouteille et la boîte de médicaments, de l’autre côté. Ton débardeur, celui de la veille, était posé sur un des tabourets du comptoir de ta cuisine, tâché de ton propre sang, une gigantesque marque bleue sur le tissu beige. Ton fusil de précision était toujours là, il n’avait pas bougé, avec son stock de munitions, juste à côté. Tu soupiras, allant pour récupérer ton débardeur tâché pour le mettre dans la machine à laver, quand quelqu’un toqua à ta porte. Tu lâchas le tissu, fronçant tes plaques frontales, et tu grognas, légèrement, armant ton Omnitool au cas où. Tu ne devais recevoir personne, et tu n’étais vraiment pas d’humeur, pas aujourd’hui. Aujourd’hui, tu avais trop mal pour entretenir une conversation polie avec qui que ce soit. On ne peut jamais être tranquille sur cette putain de planète. Tu murmuras, hargneux, avant de te diriger vers cette porte contre laquelle tu t’étais écroulé quelques jours auparavant, contre laquelle tu avais hurlé, si fort, et contre laquelle tu avais eu si mal. Une douleur qui ne disparaissait pas, qui était partout et nulle part à la fois, qui te rendait malade à tel point que tu ne mangeais plus ou à peine. Tu prenais simplement des médicaments pour avoir une dose nutritionnelle suffisante pour que ton corps ne te lâche pas, et encore, tu ne le prenais pas tous les jours. Tu te laissais mourir à petit feu. Comme un idiot, un idiot cruellement amoureux d’un homme qui n’était plus tiens.
Tu t’approchas de la porte, torse-nu, ne prenant même pas la peine d’enfiler quoi que ce soit, laissant les cicatrices aux yeux de tous, prêt à montrer les crocs à l’imbécile qui avait osé te déranger, prêt à grogner comme jamais pour intimider suffisamment à faire demi-tour, à faire demi-tour et à ne jamais revenir toquer à cette porte là. Cependant, quand tu ouvris la porte, ton visage tomba, ton regard se fit légèrement plus acier qu’il ne l’était habituellement alors que tu posais tes yeux javellisés sur ton ex-amant, sur l’amour de ta vie, qui se tenait devant toi. Qu’est-ce que tu fais ici ? Comment oses-tu venir après ce que tu m’as fait ? Après que tu aies signé mon arrêt de mort ? Après que tu aies, toi-même, tiré sur la corde raide pour que je tombe doucement, pour que je commence à me tuer parce que tu me manques tellement que j’arrive plus à dormir, que rien ne rentre dans mon estomac si ce n’est l’alcool ? Comment oses-tu ? Tu pensais, la colère grondant doucement en sous-teinte, sous tes pores, sous tes yeux fatigués, sous ta posture qui avait encore perdue de sa superbe, un peu plus, encore un peu plus, si bien que tu te demandais s’il restait quoi que ce soit de toi. Quand il commença à parler, tes plaques frontales se froncèrent légèrement. Qu’est-ce que tu… Mais tes mots se perdirent dans l’enceinte de ta gorge alors que les paroles suivantes coulaient contre ta carapace, faisaient soudainement disparaître toute trace de colère pour que tu constates, sérieusement, l’état de celui que tu aimais si fort, que tu aimais à en crever, et que tu en crevais, finalement, comme un chien galleux qui demandait la pitance, qui demandait enfin la caresse qui pourrait te sauver. Tu soupiras doucement, las, fatigué, malade, épuisé et terriblement amoureux de cet homme qui réussissait, même après cet acte qui t’avait fait tant de mal, à te retrouver toi, au milieu de la toute la brume que tu avais toi-même installée autour de toi. Il réussissait, si aisément, à attraper ton âme perdue au milieu de tout ce merdier. Tu ne devrais pas, tu ne devrais pas le faire rentrer, parce que tu avais peur des ravages qu’il ferait chez toi, qu’il t’infligerait malgré tout, et parce que tu avais peur qu’il voie dans quelles conditions tu vivais ces derniers, si tenté que l’on pouvait appeler ça vivre. Survivre était peut-être plus adéquat, et tu n’étais même sûr du terme, tu n’étais pas sûr que ça aussi, c’était adéquat, que ça aussi, ce n’était pas juste un mensonge auquel tu essayais de croire pour ne pas crever, pour ne pas tirer la dernière balle d’un barillet. Pourtant, tu attrapas son poignet, doucement, avec une douceur que tu ne te connaissais qu’avec lui, et tu l’attiras à toi, ton autre main poussant la porte pour qu’elle se ferme derrière vous, pour que tout ce qui vous concerne reste à l’abris des regards curieux de tes quelques voisins. Tu ne réfléchissais plus, tu agissais sous l’instant alors que la même main qui avait poussé cette porte se logea à l’arrière de son crâne pour le maintenir, quelques secondes, infimes secondes, contre toi. Parce que tu crevais sans son contact, tu crevais sans lui, et tu en avais besoin, tu en avais besoin comme un assoiffé avait besoin d’une seule goutte d’eau pour se remettre en marche, comme un affamé avait juste besoin d’une miette pour pouvoir continuer. Tu en avais besoin comme un drogué réclamait sa dernière dose. Sulin était ta plus grande addiction, ta plus dure drogue, et tu avais tellement besoin de lui que tu n’avais pas réfléchi en le maintenant contre toi, en inspirant son odeur, son être, en le mémorisant jusqu’à la racine même de qui il était.
Toutefois, tu finis par t’éloigner, parce que ça faisait mal, aussi. Tu n’en avais pas le droit, vous n’en aviez plus le droit, tous les deux. Mais tu ne t’éloignas qu’à peine d’un pas, à peine, suffisant pour que ta main quitte son crâne et que son corps quitte le tien, mais pas suffisant pour que ta main lâche son poignet. Tu ne pouvais, tu n’y arrivais pas. C’était pourtant cette main là qui avait tenu ton pistolet, cette main là qui aurait dû t’achever, quelques jours auparavant, et c’était cette main là qui s’accrochait à ce dont tu avais terriblement besoin. Tu pris quelques minutes, pour l’observer, et ton cœur se brisa à sa vue, quand tu le voyais vraiment. Qu’est-ce qu’il t’es arrivé, Sulin ? Qu’est-ce qui s’est brisé chez toi pour que tu sois aussi détruit que moi ? Qu’est-ce qu’il s’est passé pour qu’on en arrive là.. ? Tu te demandais alors que tu remarquais ses traits tirés, sa fatigue, ses yeux cernés, ses yeux fatigués qui refusaient de te regarder, tu remarquais les changements chez lui, dû à la même chose que pour toi, cette morte lente qui vous suivait parce qu’il n’y avait plus rien, pas même ce lien qui vous unissait même avant. Parce que tu avais pris la décision qu’il t’avait forcé à prendre, parce que tu avais décidé qu’il valait mieux pour vous deux d’en finir, avant de vous arracher ce qu’il vous restait d’amour, et qu’il ne restait que de la rancœur. Ton cœur saignait de le voir comme ça, encore un peu ; ton âme souffrait de le voir dans cet état, encore un peu plus. Et ton instinct, celui que tu n’avais qu’avec ton compagnon de vie, que tu n’avais qu’avec l’amour de ta vie, repris ses droits, laissant la colère, l’agacement, la douleur s’évaporer doucement pour ne laisser place qu’à l’inquiétude, la plus pure. Qu’est-ce que vous aviez fait pour en arriver fait ? Comment aviez-vous fait pour vous briser autant ? Pourquoi vous en étiez arrivez là ? Tu ramenas ta main vers lui, doucement, avec une douceur calculée, parce que tu avais peur de le briser en le touchant, tu avais peur qu’il s’effondre sous tes doigts si tu n’étais pas aussi doux, aussi consciencieux, si tu n’étais pas aussi prudent. Tu posas ta main sur sa joue, le poussant, doucement, à relever son regard, son visage vers toi pour que tu puisses contempler la totalité de ce qu’il se passait chez lui, pour que tu puisses voir cette tristesse, ce désespoir, cette morte lente dans ses yeux, pour que ton âme se scinde à nouveau en deux de douleur, pour lui, pour vous, pour tout. Parce que tu savais très bien qu’il lirait exactement la même chose dans tes yeux, dans les affaires qui traînaient un peu partout dans le salon, dans la bouteille d’alcool et les médicaments qui trônaient comme les seuls choses que tu ingurgitais, comme le pistolet qui te rappelait sans cesse que ton doigt s’était posé sur la détente, sur ce datapad, le tien, avec tes derniers mots. Qu’est-ce qu’il t’es arrivé, Suli… ? Tu demandas, la voix rauque, brisée, triste, inquiète, toutes ses choses que tu ne savais avoué à voix haute mais que tu transmettais en laissant ton pouce caresser sa joue, en laissant tes subharmoniques prendre le pouvoir, ronronnant doucement pour lui apporter un peu de réconfort, un peu de ta présence, un peu de toi, de ce toi qui restait après ta tentative échouée. Pourquoi ça nous arrive à nous ? Pourquoi c’est nous qui payons le prix de cœurs brisés ? Pourquoi on se déchire comme ça quand on s’aime autant ? Pourquoi l’univers ne nous laisse pas être ensemble ? Pourquoi le monde tient tant à nous voir morts, tous les deux ? Parce que tu voyais la mort dans ses yeux, comme dans les tiens, que tout ceci, c’était votre plus terrible descente. Vous aviez probablement atteint le fond des abysses, tous les deux, séparément, mais malgré ça, tu ne voyais pas comment remonter, alors que tu crevais simplement d’envie de le garder contre toi, à jamais, de l’enfermer ici pour qu’il reste avec toi. Tu soufflas, une dernière fois, avant de retirer sa main de sa joue et que ton autre main, celle qui demeurait sur son poignet, attrapait sa main, tes doigts s’enroulant naturellement autour des siens pour le guider loin de l’entrée, quitte à t’exposer, à exposer ta propre mort lente parce que tout était là pour l’indiquer. La bouteille, les médicaments, le débardeur tâché de sang, le pistolet, le datapad, la porte grande ouverte sur ta chambre et la bague qui brillait de là où elle était à cause des lumières de Kadara. Mais tant pis. Il avait le droit de savoir, et tu ne comptais pas le garder dans l’entrée, tu ne comptais pas le mettre dehors non plus. Alors tu le fis entrer dans le salon, le pas lourd, et tu lâchas doucement sa main, presque religieusement, par peur de le briser, encore une fois, une fois au niveau du canapé. Installe-toi, je.. J’arrive. J’ai besoin d’une minute. Ça fait mal de te voir ici, je ne sais pas pourquoi tu es là et ça fait mal. Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas comment agir. Tu appuyas sur ton OmniTool pour que l’écran holographique se déplace contre le mur, là où il était habituellement quand tu travaillais vraiment, ailleurs que dans ton bureau, et que tu travaillais debout, en préparant tes armes. Maintenant… C’était différent. Tu laissas ton amant là, pour te réfugier derrière le comptoir de ta cuisine. Il pouvait te voir, la cuisine était ouverte, mais tu avais besoin de quelques secondes loin de son aura, pour respirer, pour comprendre, pour reprendre ta contenance, pour reprendre un peu d’air, même s’il était le porteur de ton oxygène. Tu avais besoin d’aligner les choses correctement, de comprendre. Alors, tu t’occupas. Tu lanças ta cafetière, tu lanças la théière, celle que tu avais acheté pour lui alors que tu n’en buvais pas, alors que tu n’aimais pas ça. Tu fouillas un peu dans tes placards, qui finissaient par ailleurs à être de plus en plus vide à force de ne pas te nourrir correctement, et tu récupéras la chose précieuse que tu cherchais. Un peu de thé noir, un thé noir d’Havarl, celui qu’il aimait. Et tu le préparas, minutieusement, avant de revenir avec la boisson que tu déposas sur l’espace la table basse qui n’était pas touché par tes affaires, devant lui. Tu lui adressas un maigre sourire avant de poser ta propre boisson sur la surface, et de te laisser tomber sur le fauteuil en face de lui, les mains tremblantes, fatiguées, le regard épuisé et vidé. Qu’est-ce que tu fais là, Suli ? Qu’est-ce que… Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu soufflas, la voix lourde, le corps lourd, le cœur lourd. Tout était lourd, tout faisait mal, et pourtant, le voir… Le voir te faisait tellement de bien, t’apportait tellement de bonheur, en quelques infimes minutes, il t’insufflait la vie qu’il te manquait ces derniers jours, et tu en avais besoin. Et pendant quelques instants, alors que tes yeux se posaient sur lui, tes espoirs renaquirent, doucement. Les espoirs pour vous, malgré la douleur que tu sentais encore dans ta paume à cause de la bague qui t’avait brûlée, métaphysiquement. Parce que tu voulais croire au fait qu’il y avait encore quelque chose pour vous, malgré tout ce qui avait été dit, tout ce qui avait été brisé, malgré ton départ, malgré le rejet de ta bague. Tu voulais croire que tout n’était pas fini. Parce que pour toi, ça ne le serait jamais, jamais réellement. Parce que tu mourrais lentement sans lui, preuve en était des cicatrices qui marbraient ton poitrail, tes côtes, ta carapace. Parce que tu ne pouvais tout simplement pas vivre sans lui. Une réalité aussi dure que vraie, le poids du canon contre ta tempe de rappelant à quel point c’était vrai.
Sulin Morlan & Sylhas Astros Watch that star die, eons without you. I'll stay with you, in your mind, every single day. | |
| Posté le Ven 16 Oct - 1:23 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | But now the day bleeds Kiss me hard before you go, summertime sadness. I just wanted you to know that baby you the best ◊ ◊ ◊ La vision qu'il eut quand il rouvrit les yeux, quand il regarda vraiment à quoi ressemblait son amour désormais, cette vision fit naître de nouveau cette douleur, là, au cœur. Ce pincement terrible qu'il avait quand il regardait cette bague qu'il lui avait donnée. Ce coup de lame sournois qui le pliait en deux, l'empêchait de respirer. Sulin, il en venait à se demander combien de douleur il pouvait encore accumuler. Combien de blessures il pouvait encore supporter avant de céder. Il n'en savait rien, et celle là n'était visiblement pas suffisante pour l'achever quand bien même ses genoux menaçaient de se dérober. Il avait l'air détruit. S'il ne connaissait pas et n'aimait pas chaque cellule de son corps, il ne l'aurait pas reconnu. Il n'avait plus rien du Spectre qu'il avait connu, aimé et espéré pouvoir faire sien un jour. Ce n'était plus le même turien, il l'avait détruit. Détruit avec ses exigences, son incapacité à s'affirmer et ses gestes maladroits. Comme cette bague qu'il avait rendu. Cette foutue, maudite bague. Avec le recul, il réalisait. Il prenait conscience de ce à quoi cela pouvait ressembler, d'à quel point il avait dû souffrir. Souffrir à cause de lui. Ça se voyait sur son visage, dans ses yeux délavés, dans les cicatrices d'un corps qui avait été malmené, peut-être même volontairement. Mais il était vivant. Il était là. Ce qui les constituait eux, l'essence même de leur relation, ça, ce n'était pas brisé. Ça, c'était toujours bien là. Ça avaient été éprouvé, un peu abîmé, un peu éraillé, mais ça subsistait. Leur lien, leur amour, lui donnait l'impression qu'il pouvait espérer. Pourtant, il avait senti toute sa colère dans les quelques mots qu'il avait prononcé. Il avait senti tout le mal qu'il lui avait fait, ça l'avait presque tué. Il avait eu envie de lui hurler que ce n'était pas ce qu'il voulait, qu'il n'avait agi sur un coup de tête, sans réfléchir, de manière égoïste mais sans intention de nuire. Qu'il aurait dû expliquer plus en détail son geste sur ce maudit datapad, qu'il s'excusait pour tout ce qu'il avait pu bien faire, tout ce qui avait pu le faire souffrir. Mais il n'en eut pas le temps, pas vraiment. Toute la détermination qu'il avait mobilisé pour venir jusqu'ici, toute la folie de ces derniers jours qui l'avait maintenu en vie, tout ça retomba quand il vit le visage exténué de son amant. Il ne lui restait plus que son propre désespoir, sa propre fatigue à porter. Quand il posa ses doigts sur son poignet, son cœur se mit à battre à nouveau. Il fit circuler le sang jusqu'à son cerveau, lui permit de se retrouver, au moins un peu. Il relâcha le souffle qu'il retenait visiblement depuis tout ce temps, dans une sorte de soupir soulagé. Voilà, il était entier. Voilà, il était de nouveau lui-même. Le scientifique se laissa attirer vers lui comme une poupée inarticulée, il n'entendit même pas la porte se fermer. Il se perdit dans cette étreinte comme le fou qu'il était devenu, fébrile comme rarement. Il avait posé son front sur sa clavicule ou du moins ce qui s'en rapprochait, à la base de son cou. Il se laissa reposer contre lui, profita de sa main sur sa nuque, respira de nouveau. Son cœur, ses poumons semblaient soudainement avoir repris du service. Il se sentait au moins un peu vivant, là, sur l'épaule de son âme-sœur. Le scientifique étouffa un sanglot qu'il retenait jusque là pris au piège, il ne pleurait toujours pas. Il n'avait pas versé une larme depuis le départ de Sylhas, ses yeux semblaient trop exténués pour pleurer. Ils se séparèrent silencieusement, sans cris ni larmes, sans drames. Ils souffraient trop pour que ça fasse une différence, les mots prononcés d'avant étaient toujours présents. Ils se tenaient là, entre eux, comme une barrière invisible. C'était sans doute ça qui faisait le plus mal, pas la distance physique.
Sa question le laissa pantois, qu'est-ce qu'il lui était arrivé ? Il en aurait ri s'il n'était pas si désespéré. Il était mort, voilà ce qui lui est arrivé. Il s'est fait tué avec des mots, des subharmoniques chantants le désespoir, quelques objets posés sur un bureau. Il avait perdu une part de lui-même, ne l'avait toujours pas retrouvé à ce jour et n'espérait pas la revoir de si tôt. Il s'était frotté une nouvelle fois à ce qu'on appelle rupture, sauf que cette fois était différente. Cette fois, il ne pouvait plus faire semblant, même à ce travail qui lui importait tant. Cette fois, il ne pouvait pas se raccrocher à la science ni à rien d'autre pour la simple et bonne raison que ni rien ni personne n'était suffisamment fort pour lui permettre de ne pas sombrer. Cette fois, ce n'était pas une rupture comme les autres, c'était la fin. La fin d'une époque, la fin de sa santé mentale, la fin de l'espoir et la fin de sa vie sentimentale. Il ne pouvait pas l'accepter, il n'y parvenait pas, il ne tiendrait pas sur le long terme. Il ne tiendrait simplement pas.
- Tu es parti.
C'était dit sans méchanceté aucune, sans volonté de blesser. C'était dit comme s'il s'agissait de la fin du monde, comme si cela justifiait qu'il se trouve là, à l'entrée de son appartement. C'était dit avec sincérité, tout simplement parce qu'il n'y avait rien de plus vrai. Il était parti et voilà ce qui lui est arrivé. Il n'avait fait que répondre à la question de sa voix éteinte à force d'avoir été trop éprouvée d'un coup, trop étouffée après. Quand il ne restait plus personne à qui expliquer ce qu'il lui arrivait, quand il ne restait que le silence glaçant et terrifiant. Sylhas le mena jusqu'à son salon où il put d'ailleurs l'observer, ce même silence. L'observer dans l'alcool bien entamé, dans les médocs qui lui donnaient littéralement des sueurs froides à l'idée que Sylhas ait pu en avoir besoin. Quelque part, à cause de lui. Il remarqua le désordre et n'en avait à vrai dire rien à faire, cet appartement recelait tant de choses cachées, d'espoirs jamais formulés, il pouvait le voir sans même savoir comment. Cet appartement était si particulier, il en devenait étrange tant il se sentait chez lui. Peut-être que c'était simplement l'effet que Sylhas avait sur lui. Ce dernier lui demanda d'ailleurs quelques minutes, Sulin n'allait pas les lui refuser. Après tout, il retournait le couteau dans la plaie, d'une certaine façon. Pourtant, il lui semblait que ce n'était pas aussi terrible que ça, qu'ils reprenaient tous les deux un peu d'air frais avant de retrouver l'asphyxie quotidienne. Cette entrevue, celle là ne sonnait pas comme le glas. Celle là sentait simplement la nécessité, le besoin de se voir pour ne pas mourir, d'arranger les choses pour ne pas qu'elles restent ainsi. Sulin ne pouvait pas réellement l'envisager. C'était trop dur, ça faisait trop mal. Il s'installa sur le canapé sans faire d'histoire, passa ses mains sur son visage pour essayer de le défroisser. Ça ne marchait pas. Même la tasse de thé fumante que Sylhas posa près de lui ne parvint pas à le remettre sur pieds, il n'en résultait qu'une surprise à peine contenue. Il avait du thé. Lui qui détestait ça, lui il n'en buvait jamais, il avait du thé. Le sien, son préféré. Il comprit d'un coup à quoi rimait tous ces espaces, tous ces fantômes qui traînaient le long des murs, toutes ces petites choses qui rendraient son installation ici tellement, tellement plus facile. C'est ce qui termina de l'achever.
- Merci.
Il avait dit ça par automatisme, comme un parfait robot en voyant la fumée s'échapper de la tasse qui dégageait déjà une merveilleuse odeur. Merci, c'était si peu et bien en dessous de ce qu'il voulait réellement dire, de toutes les questions qu'il voulait poser. Mais merci, c'était également la seule chose qu'il était capable de formuler correctement. Et pourtant Sylhas posa la question, cette maudite question qui les avait amené là où ils se trouvaient. En enfer, dans un enfer brûlant et particulièrement cruel d'injustice. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ici. Je suis venu dormir avec toi, qu'il avait envie de lui répondre. Je suis simplement venu dormir, respirer tes draps et ton odeur, te dire que je suis toujours là, te dire que je ne t'abandonne pas. Te dire que ma promesse tient toujours, qu'elle tiendra toujours, qu'elle ne s'envolera pas. Simplement venu dormir avec toi, passer une nuit reposante, me sentir à nouveau chez moi.
- Je ne sais pas.
Il passa de nouveau une main sur son visage, dans les quelques poils qui lui mangeaient la figure. Il était exténué, tout simplement exténué.
- J'avais besoin de te voir, je ne tenais plus. Je voulais... je voulais t'expliquer pour la bague.
Il secoua la tête, toujours aussi désolé, toujours aussi confus, n'osant toujours pas croiser son regard.
- Je ne voulais pas te faire de mal Sylhas, c'était simplement trop dur de la garder avec moi. J'espérais peut-être que...
Que tu pourrais me l'offrir plus tard, quand ça irait mieux. Plus tard, quand on sera réunis. Plus tard, dans la plus belle version de l'avenir que tu puisses imaginer.
- Je ne sais pas. Mais je suis désolé. Tellement désolé.
Le Morlan baissa la tête, définitivement atterré, tiré vers le bas par les regrets et la peur. La peur d'être rejeté, la peur de déclencher une nouvelle fois son courroux et d'avoir à hausser la voix. Sulin, il ne voulait plus que réparer. Briser davantage l'effrayait à un point inimaginable.
(c) oxymort |
| Posté le Ven 16 Oct - 22:26 | I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | But now the day bleeds Port-Kadara | Dans ta culture, cette culture militaire où l’autorité et l’ordre devait être respecté, il y avait pourtant des flous, des grands trous dans lesquels il n’y avait nulle réponse, parce que personne n’en avait trouvé la réponse, parce que personne n’osait poser la question à la Hiérarchie, à ces foutus Esprits qui étaient sensés veiller sur vous en tout temps. Peut-être était-ce parce que la question était trop compliquée pour trouver une réponse universelle, peut-être parce que la question était si rare qu’elle ne méritait nulle attention. Tu n’en savais rien. Mais suite à ton départ, tu t’étais retrouvé brisé, détruit jusqu’au cœur même de ce que tu étais, toutes tes croyances, toutes tes certitudes envolées dans un souffle, dans le bruit d’une porte qui se refermait derrière toi comme un couperet contre ta nuque, qui venait arracher cette tête trop pleine pour la laisser tomber au sol. Ta foi s’était retrouvée ébranlée, jusqu’à ses origines même, tu ne savais plus quoi, qui, comment croire, parce qu’il n’y avait plus rien. Toutes les demandes que tu eusses bien pu murmurer à chaque fois que tu avais refais tes marques, toutes les prières que tu avais pu souffler dans les confins de ta chambre pour qu’on te protège, pour qu’on ne te laisse pas, tous les instants partagés à croire en cette chose imaginaire, en cette chose abstraite, tous ses instants s’étaient envolés. Ta foi ne ressemblait plus à rien, ébranlée au cœur, ta foi s’était décomposée à mesure que les questions s’affolaient, encore et encore, remplissant un crâne qui était déjà au bord de la rupture mentale. Pourquoi moi ? Aucune réponse, aucune réponse universelle, aucun souffle, aucun signe. Pourquoi vous ne m’avez pas empêché de faire cette bêtise ? Rien, encore une fois, le néant, le soupir du vide. Pourquoi je m’en vais ? Pourquoi je l’abandonne ? Pourquoi est-ce qu’on se déchire ? Encore une fois, rien. Le chaos du néant, du vide, de l’absence. Tu avais passé tes mains sur tes marques, cherchant le refuge dans ce qu’elles représentaient, accroupi, recroquevillé comme un mourant dans un coin de ta cabine alors que le vaisseau décollait, sans même une consigne de ta part – Jayleen n’en avait pas besoin, elle savait, elle avait vu ta démarche, elle avait vu les larmes cachées dans ton visage baissé et brisé. Tu avais enfoncé tes ergots sur tes plaques, essayant, désespérément, d’arracher ces marques, de briser ta foi une bonne fois pour tout pour qu’il n’en reste plus rien. Tu avais essayé de gratter, si fort que tu savais que tu t’étais créé une nouvelle cicatrice, sur ta mandibule gauche, tu avais essayé de les retirer, de les effacer, d’annihiler cette foi que tu ne possédais plus parce que tu avais mal, parce que ceux en qui tu croyais ne t’avaient pas aiguillé. Ils t’avaient enfoncé dans ce qui te faisait le plus peur, ils t’avaient arrachés à ton âme-sœur, ils t’avaient arraché à ce qu’il comptait. Il fallu un énième cri, rauque, brisé, d’agonie pour que le krogan défonce la porte de ta cabine et te retrouve, là, mourant, pleurant tout ce qu’il te restait de vie, les ergots couverts de sang, le visage matraqué par tes propres mains, et pour qu’il t’empêche de continuer, pour qu’il te sauve un peu. Et comme un père d’une autre espèce, il t’avait prit dans ses bras – la seule et unique fois de ta vie – et il avait essayé de te calmer, de te rassurer, un peu même s’il ne pouvait rien faire, il n’était pas celui qui te redonnerait goût à la vie, il n’était pas celui dont tu avais besoin, mais tu t’étais laissé porter, comme un enfant. Parce que tu ne ressemblais à rien de plus qu’un enfant, cherchant le réconfort dans les bras de personnes plus âgées, de ceux qui avaient l’expérience de te dire que tout irait bien, au bout d’un moment, que les choses finiraient par s’arranger si ton cœur pouvait tenir le coup, si ton esprit pouvait être suffisamment fort pour te protéger encore un peu. Qu’il fallait que tu continues de croire, que tu continues d’espérer, que tu ne devais jamais perdre espoir, parce que jusqu’ici, c’était l’espoir qui t’avait gardé sur pieds, qui t’avait donné cette tête haute et ses épaules droites, cette stature fière et pleine d’entrain, pleine de ce courage factice.
Mais tu avais tué cet espoir. Tu l’avais tué dans l’œuf, tu l’avais tué en quittant celui pour qui ta vie se serait offerte elle-même pour la sauver, la sienne. Tu aurais avalé de l’arsenic toi-même si ça avait pu le sauver, lui. Tu aurais pris des millions de balles si ça avait pu le sauver, d’une certaine manière. Tu aurais tout fait, dans ta vie, dans ce qu’il te restait de vie, pour le protéger, pour le garder en vie, en une seule et même pièce. Tu aurais tout fait, absolument tout, et pourtant, tu venais de t’achever toi-même, tu venais de le tuer dans le processus. Vous vous étiez abandonnés, tous les deux, et vous vous étiez achevés, à coup de paroles, de remarques, de sous-entendus, de blessures irréparables. Et tu regardais encore ton reflet dans le miroir, tu regardais ses marques, partout sur ton corps, virginales de beauté, et tu demandais, encore et encore. Qu’est-ce que je peux faire ? Comment je peux faire ? Aidez-moi. Un appel de détresse, un cri d’agonie d’un turien qui ne comprenait plus sa propre culture, celle qui était dictée par des milliards de loi pour tout, absolument tout, mais qui ne répondait pas à cette question. Alors, tu étais parti, tu avais fait tes valises, préparé tes affaires, et tu étais allé au seul endroit où tu savais que son souvenir, d’une certaine manière, ne serait pas, tu t’étais réfugié dans les seuls bras qui ne lui aurait pas causé du tort plus tard, si l’espoir survivait. Tu avais laissé cette même personne repeindre les marques que tu avais mutilé, que tu avais tant cherché à annihiler de ton visage, comme une marque de honte. Tu avais laissé réchauffer tes plaques tandis que tes propres actions annihilaient ta taille, et tes épaules, ton muscle faiblissant presque à vu d’œil. Quelque chose qui ne s’était pas amélioré quand tu étais rentré, quand tu avais vu ce méfait si brutalement douloureux, quand tu avais vu cette bague et que tu avais juré vouloir la détruire à mains nues, après avoir fait voler le datapad. Tu étais rentré dans cette colère noire que seul lui, seul cet homme que tu aimais si fort, était capable de t’arracher. Une colère noire qui aurait rendu quiconque dans les parages possible victime de ta folie, de ta rage. Tu aurais tué quiconque à mains nues, tu aurais cherché à éliminer cette rage, à l’annihiler et la faire taire, la garder si fort au fond de toi pour qu’elle ne ressorte jamais. Tu aurais tué. Tu aurais tué jusqu’à ce que le sang t’empoisonne, mais non. Et au final, peut-être que tu aurais dû. Tu aurais bien plus ressemblé à un turien, dans ce cas-là. Tu aurais fait quelque chose de bien, dans ton malheur, tu ne te serais pas si éloigné de ta culture, tu ne te serais pas tant tué aux yeux des Esprits qui étaient censés veiller sur toi. Mais qu’est-ce que tu pouvais bien en avoir à faire ? Ils ne te protégeaient pas, ils ne l’avaient jamais fait. Vous, les turiens, vous étiez des créatures militaires, élevées à base de doctrine militaire et d’autoritarisme naturel, vous étiez des soldats nés, portant les stigmates de longs siècles d’une civilisation à la pointe du diktat martial. Vous deviez mourir avec honneur, vous deviez tuer pour la Hiérarchie, vous ne deviez, jamais, en aucune occurrence, essayer de vous infliger la dernière balle, et pourtant, tu avais failli. Tu avais levé l’arme à tes yeux, tu l’avais observé, comme pour la défier de tirer sans ton accord, pour défier ton propre geste, pour en comprendre l’intensité sans le faire, pour en comprendre la portée sans vraiment le faire non plus. Non, tu défiais cette arme de te tirer dessus sans ton accord, tu défiais cette arme de t’arrêter, de te stopper, de tirer une bonne fois pour toute, pour en finir, pour défier l’ordre, pour défier le diktat, la doctrine, la Hiérarchie, pour en finir, parce que plus rien n’avait de saveur. Ton monde avait perdu ses couleurs, sa saveur, sa substance. Tu avais tellement perdu physiquement que tu n’étais pas sûr d’un jour pouvoir recouvrir tout ce que tu avais perdu. Après tout, votre métabolisme était certes rapide, mais ce n’était pas toujours aussi simple, surtout quand ton corps refusait de se nourrir, refusait tout, en bloc. Même l’eau, parfois, ne passait pas. Même l’eau, parfois, avait goût d’acide. Ton sommeil était annihilé avec les cauchemars, avec l’image, la dernière, de ton ex-amant, de l’amour de ta vie, brisé lui aussi, avec cette image du laboratoire qui était devenu le lieu de prédilection de tes cauchemars. Plus rien n’avait de sens, tout était devenu un chaos gigantesque dans lequel tu étais en train de te noyer, petit à petit, sans même chercher à te raccrocher à quoi que ce soit. Après tout, est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Maintenant que tu étais seul, désespérément amoureux sans jamais pouvoir un jour avoir la concrétisation de cet amour puisque ta bague était revenue, comme un rejet, le dernier, le plus puissant ? Un rejet de quelque chose que tu pensais pourtant si inné, si normal, et ça faisait beaucoup trop mal. Alors, à quoi bon ? A quoi bon continuer quand il n’y avait plus rien ? A quoi bon continuer quand tu avais perdu la seule chose qui donnait saveur à ton temps, à tes heures, à ta vie, à tes mouvements ? A quoi bon continuer à te forcer de trouver de l’espoir quand tu avais définitivement annihilé ce qu’il pouvait en rester ? A quoi bon ? L’arme devenait ta meilleure amie, soudainement, elle devait tout, représentait la libération, la fin de la douleur, la fin du cataclysme qui ravageait ton esprit afin de te rendre dément, fou, complètement fou, et qui ravageait ton corps déjà malade, pourri par tes propres actions, et un cœur qui ne battait plus si fort, qui se laissait déjà mourir. A quoi bon, quand tu n’avais plus rien ? Est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Est-ce que ça valait la peine de vivre sans lui ? Est-ce que ça valait vraiment la peine de te lever tous les jours en ayant la certitude qu’il ne serait plus jamais là, et qu’il ne mettrait probablement jamais un pied ici, qu’il ne te prendrait plus jamais la main, qu’il ne te dirait plus rien, que tu ne pourrais plus l’admirer comme tu l’avais fait ? Est-ce que ça valait vraiment la peine de continuer quand tes sentiments te tuaient à petit feu ? Est-ce que ça en valait la peine quand tu avais eu la certitude, glaciale, que tes sentiments ne seraient jamais plus réciproques, avec cette bague ?
Non, ça n’en valait vraiment pas la peine.
Parce qu’il était ton tout. Il était le sang qui faisait battre ton cœur. Il était l’oxygène qui s’insufflait dans tes poumons. Il était l’amour qui te permettait de garder la tête hors de l’eau, il était tout. Il était devenu tout, et il n’était nulle part. Parce que la rupture avait été fatale, parce que cette bague avait tout foutu en l’air, aussi finalement. Parce qu’il la rejetait, et toi, tu ressentais ça comme un rejet de toi. Un rejet de ta personne, pour finalement en finir, pour que le lien soit définitivement rompu, pour que ce lien n’existe plus et ne soit plus qu’un tas de cendres à peine fumante, et qu’il ne reste rien d’autre de votre histoire que des souvenirs soudainement teintés de cette tristesse, de cette détresse maladive qui te prenait corps et âme. Soudainement, plus rien n’avait de saveur, soudainement, il n’y avait plus rien pour te raccrocher à la vie. Soudainement, ta vie était devenue vide, emplie d’une absence partout. Une absence, un manque, que tu n’arrivais pas à combler, que tu ne comblerais jamais. Parce que tu le savais, tu l’avais compris, plus tard, quand ton exil avait sonné le premier glas, la première erreur fatale. Tu savais qu’il serait la dernière personne que ton cœur pourrait aimer parce qu’il était le seul à compter, parce qu’il était le seul à avoir autant d’importance, et parce qu’il était le seul à pouvoir t’insuffler tant de choses en un baiser, en un sourire, en un regard. Il était le seul, et maintenant, tu ne pouvais plus rien faire. Parce que tu avais été le couperet. Tu avais été le couperet qui avait brisé ce lien, qui lui avait rendu sa liberté, qui avait coupé les fils rouges qui vous liaient depuis le début, qui vous avaient gardés en vie et la tête hors de l’eau, même loin l’un de l’autre. Parce que savoir que le lien existait toujours, parce que savoir que l’amour était encore là avait suffit à insuffler l’espoir, à garder vos têtes hors de l’eau, mais maintenant… ? Maintenant, il n’y avait plus rien et tu te sentais si vide. Si vide d’espoir, si vide de vie, tu te sentais mourir avant même d’appuyer sur la détente, tu te sentais mort avant même que la balle puisse s’éjecter du barillet. Tu étais en morte lente, sur une pente douce et pourtant vertigineuse, vers ton propre cataclysme, vers ton propre anéantissement, alors… Autant mettre un point final, hein, comme tu avais dit ? Après tout, si tu étais capable de mettre un point final sur votre relation, tu étais capable de mettre un point final à ta vie. Parce que… Pourquoi continuer de vivre quand tu étais rejeté ? Pourquoi continuer de vivre quand la seule personne que tu aimais finissait par te tourner le dos également, finissait par tout rejeter en bloc ? Pourquoi ? Pourquoi continuer de vivre quand ta vie venait de perdre le sens que tu ne pensais pas qu’elle avait, originellement ? Tu n’étais plus qu’un cadavre ambulant, et continuer… Continuer, ce n’était que repousser l’inévitable, c’était repousser une mort qui ne sera pas selon tes termes, ce serait donné l’occasion à quelqu’un de tirer à ta place, d’en finir et de t’enterrer dans un coin de Kadara, là où personne ne te retrouverait, là où tu finirais définitivement oublié par les étoiles, les esprits, par Lui. Alors, tu avais maintenu, avec une fermeté que tu te connaissais d’avant, quand tu savais ce que tu faisais, tu avais maintenu ce canon contre ta tempe. Tu avais apprécié la froideur du canon contre tes plaques qui avaient perdu de leur propre chaleur. Tu avais apprécié la lourdeur du geste, qui t’annonçait la fatalité de ton acte, tu avais apprécié tout ça, pendant quelques secondes. Tu avais revu, comme un mort en sursis, les souvenirs qui t’étaient si chers et qui avaient continués d’alimenter tes rêves devenus cauchemars, déformés par les paroles blessantes que vous vous étiez jeté à la figure, comme une série télévisée, chaque souvenir venait avec une parole suffisante, transformant un souvenir heureux en un cauchemar dément. Tu avais fermé les yeux, tu avais pris une dernière inspiration, tu avais ouvert les yeux pour constater le lieu où tu étais, la fatalité de ta propre situation, tu avais raffermi ta prise sur l’objet, tu avais souri, une dernière fois. Juste une dernière fois, un sourire brisé, détruit, si similaire à ce que tu étais devenu. Un cadavre ambulant, mort à peine vivant, et un vivant à peine mort. Et tu l’avais vu. Une hallucination, le manque de sommeil, le manque d’hydratation et de nutrition créant enfin les premiers dommages, les premières marques de ce qui était ta folie. Tu avais vu sa silhouette face à toi, et tu avais fermé les yeux, si fort, incapable de pouvoir soutenir le regard de ce qui n’était qu’une hallucination. Va-t-en, tu avais murmuré, à une hallucination, à une image créée par ton cerveau, qui te suppliait de ne pas le faire, qui te suppliait de ne pas tirer quand ton cœur te le demandait, te suppliait finalement d’appuyer sur la détente pour en finir parce que la douleur était trop grande, trop lourde à supporter. Et tu avais tiré, mais rien n’était sorti, et tu ne savais pas ce qu’il te fit le plus mal après ça. La fatalité de ce que tu t’étais apprêté à faire, la réalisation de ton geste, de ce que tu aurais incomber à tout le monde à ta suite, de ce que tu aurais fait tomber à ta suite, du chagrin que tu aurais amené à tous, de tout ce que tu aurais engendré. La fatalité d’un geste qui te paraissait sans conséquence pour toi, qui était libérateur, mais qui incombait aux autres de te trouver, dans cet état, de s’occuper de ton cadavre, encore chaud, de s’occuper de lui annoncer en trouvant le mensonge adéquat pour qu’il ne se doute de rien, pour que la culpabilité ne lui prenne pas aux tripes. La solution que tu avais trouvée t’était soudainement parvenue comme déraisonnée, complètement dénuée de logique et de raison, et pourtant, elle te paraissait si vraie, si réelle, si libératrice, si parfaite. C’était peut-être pour ça que tu ne quittais plus ton pistolet, désormais chargé, parce que tu ne savais pas quand tu basculerais à nouveau, et que cette fois-ci, la chance ne tournerait pas, ne ferait pas s’évaporer les balles que tu avais consciemment mises dans le barillet, et que cette fois-ci, ce serait la bonne. Tu en finirais selon tes termes, et uniquement selon tes termes.
A moins que l’on ne te flingue avant, ce qui s’avérait assez proche de la réalité également. Tes jours étaient passés dans un méli-mélo fugace de jours qui se ressemblaient tous, avec une routine qui te permettait de survivre, une routine qui te disait : encore un jour de plus, Sylhas, juste un. Et c’était ça dont il était question, tu n’arrivais pas à voir au-delà du jour du suivant, au-delà du jour même. Tu vivais au jour le jour, tu ne planifiais plus rien, tu restais à Kadara parce que tu étais incapable pour l’instant de l’en quitter. Tes journées se ressemblaient toutes, sans saveur, même quand Seth jetait enfin son bras dans un uppercut décent qui frappait ta mâchoire avec une véritable violence. Tu ne savais pas si l’humain le faisait à force de t’entendre hurler de te frapper plus fort, ou parce qu’il voulait te réveiller de l’état comateux dans lequel tu t’étais enfoncé jusqu’au cou. Les journées étaient les mêmes. Tu entraînais l’humain tôt le matin, tu rentrais, tu te douchais, tu essayais d’avaler quelque chose, ça ne passait pas, tu finissais le corps plié en deux au-dessus de tes toilettes, le corps tremblant de spasmes incontrôlables, tu trouvais un contrat stupide pour t’occuper la journée, tu finissais avec une blessure supplémentaire parce que tu étais devenu négligent, tu rentrais, tu vidais une bouteille, tu prenais un médicament, et tu te laissais emporter dans un sommeil à peine réparateur. Mais au moins, tu dormais, un peu, à peine. Et plus le temps passait, plus tu voyais les membres de ton équipage venir de moins en moins souvent, ils ne venaient s’enquérir de tes sentiments et de ton état que lorsque tu ne donnais, toi-même, plus de nouvelles, et ils venaient de moins en moins, jusqu’à ne plus venir du tout, jusqu’à ne plus venir du tout à ta porte. Jayleen venait par culpabilité, Rux était parti à Neo-Thessia voir sa fille, Seth restait sur le vaisseau, et les autres… Les autres, ils étaient absents du panorama. Pouvais-tu les blâmer ? Non. Tu étais imbuvable. Tu ne souriais plus, tu ne riais plus, tu parlais à peine, ton regard était mort, tes gestes étaient hachés, secs, autoritaires, tu ne respirais presque plus de toute façon. Au fond de toi, tu t’en voulais de les faire souffrir aussi, parce que ce n’était pas leur faute, ils n’avaient pas à subir tout ça, ils n’avaient pas à souffrir de ta propre souffrance, de ta propre détresse, mais tu ne savais pas faire comment. Peut-être, au final, que tout ça était inconsciemment fait pour qu’ils s’éloignent naturellement de toi, pour que ça fasse moins mal le jour où tu tireras entre tes deux yeux, comme tu le faisais pour chacune de tes proies. Pour que le jour où ta main reprendrait ce pistolet pour le poser à nouveau sur tes tempes, que ça fasse moins mal, pour tout le monde, pour que ton agonie s’étouffe dans le silence et que la réalisation de ta perte, de ton absence, ne fasse pas tant de mal. Triste réalité qu’était celle où tu n’étais devenu qu’un fantôme de toi-même, une copie passée de date, effacée par la cruauté de tes propres actions, un pantin à peine articulé qui commençait à s’enfoncer, de plus en plus, dans des affaires où, auparavant, tu tenais fort à ne pas t’en mêler. Là, tu t’en mêlais, parce qu’il y avait du danger, il y avait de la dangerosité dans ses choses-là, et tu trouvais un peu de vie à te mettre en danger. Tu trouvais un peu de vie dans tes sauts en voltige, quand ton cœur te demandait un peu plus, quand tu arrivais à trouver une bulle d’air pour sortir pour autre chose que te perdre dans une chasse de plus. Tu trouvais un peu de vie à foncer si vite que tu finissais par éviter un immeuble à la dernière seconde, avec un soupir rauque, à peine soulagé d’en réchapper. Parce que c’était toujours ça, tu étais toujours un peu déçu d’en réchapper, et tu te souvenais, sans mal, de la fois où tu aurais bien pu y passer pour de bon. C’était il y a trois jours, peut-être quatre, tu n’étais pas très sûr. Un contrat, comme un autre, mais tu t’étais frotté aux mauvaises personnes, tu t’étais frotté à des mercenaires que tu évitais comme la peste, ceux du gang le plus puissant de Kadara, en suite du collectif. Et ils t’avaient choppés. Peut-être t’étais-tu laissé chopper ? Peut-être. Nul n’aurait la réponse. La suite… Ouais, y’avait pas besoin de faire un dessin, hein. Tu étais retourné à ton appartement avec la mort dans l’âme, encore plus, quelques côtes cassées, un bras qui te faisait plus mal que de raisons, une coupure au cou, et des bleus, partout. Ils ne t'avaient relâchés que parce que tu pouvais être utile pour des informations ou de la sale besogne. Tu t'étais retrouvé face au leader, un galarien vicieux, avec qui tu t'étais curieusement bien entendu, malgré le sang dans ta bouche qui t'empêchait de parler correctement. Vous pouviez vous êtres mutuellement utiles, il t'avait relâché pour ça, et tu n'avais jamais été aussi content d'avoir reçu l'entraînement du Spectre. Et tu étais rentré, la gueule en sang. Et Jayleen t’attendait, avec Thanatos, devant ta porte, inquiète qu’elle était. Elle était tout inquiète, surtout pour toi, et tu ne comprenais pas. Tu étais passé devant elle, tu l’avais fais rentrer, et elle s’était occupée de tes blessures, sans un mot, dans un salon qui s’était rapidement retrouvé comme un centre de soin en tant de guerre. Des bandages, un peu partout, des packs de médigel qui traînaient, des tissus couverts de ton sang, et tes piqûres pour te permettre d’avoir suffisamment de soin pour que tu puisses te relever le lendemain ou le surlendemain. Il n’y avait pas eu un mot échangé, juste les couinements de Thanatos que tu essayais de rassurer de ta main libre, et ce, jusqu’à ce que la jeune femme décide de repartir. Et tu ne l’avais jamais vu ainsi. Jamais. Elle qui était si forte, qui avait la tête aussi dure, qui se décomposa en un sanglot devant la porte. Tu voyais ce qu’il y avait : de la culpabilité, de l’inquiétude, surtout, et beaucoup de peur, mais tu n’avas rien dit, tu n’avais rien dit jusqu’à ce qu’elle l’ouvre. Ne meurs pas, Sylhas. Tu nous repousses peut-être, je sais pas pourquoi tu le fais, mais s’il te plaît, ne meurs pas, pour nous, pour ta mère, pour lui, s’il te plaît, ne meurs pas.
Et ça t’avait frappé si fort, aussi fort que lorsque tu contemplais ton ex-amant devant toi. Ce que tu infligeais aux autres en t’infligeant quelque chose à toi. Ce que tu infligeais les autres quand ton corps refusait de manger et que tes hanches étaient désormais presque saillantes, que tes bras avaient perdu de ce muscle qui te permettait de te maintenir, que ta peau semblait avoir perdue tout ce que le soleil de tes origines t’avait donné. La rupture que tu t’étais infligé qui se répercutait sur les autres, sur l’amour de ta vie que tu voyais dans un état que tu ne lui avais jamais connu, même par le passé. Il était défait, détruit, et tu savais que c’était de ton fait, parce que tu avais pris la pire des deux décisions. Tu voulais être en colère qu’il soit là, parce qu’il avait transgressé la seule chose que tu lui avais toujours demandé, et parce qu’il t’avait fait souffrir, mais en le voyant, dans cet état, les yeux vides, le cœur aussi brisé que toi, le corps aussi martyrisé que le tien, tu ne pouvais juste pas lui refuser ta présence, tu ne pouvais pas le renvoyer chez lui comme tu renverrais n’importe qui. Tu ne pouvais pas, tu ne pouvais parce que tu avais besoin de lui, terriblement besoin de lui, et même si ça faisait mal, tu en avais besoin, tu avais besoin de voir que tout n’était peut-être pas si mort, que tout n’était peut-être pas si détruit, pas si enterré que ça, que votre lien était toujours là, juste ensevelie sous les débris de votre relation. Tu avais peur de savoir si c’était ton départ, ta décision qui avait précipité sa chute, son désespoir si palpable dans la façon qu’il avait de se tenir, d’éviter ton regard, de t’éviter d’une certaine manière mais pas totalement. Tu avais peur de savoir si c’était toi qui, inconsciemment, avait également signé son arrêt de mort. Parce que tu avais été égoïste, tu t’étais plongé dans ta propre mort lente sans penser que de l’autre côté du spectre, il devait souffrir autant que toi, même s’il était celui qui t’avait précipité dans cette chute, dans cette prise de décision que tu n’avais jamais voulu prendre mais que l’avait forcé entre tes mains. Tu avais été égoïste, ne pensant qu’à peine que lui aussi devait être détruit tant ta propre peine avait été suffisante à te mettre à genoux, à t’abaisser au suicide, à cet acte irréversible uniquement inversé et annulé parce que quelqu’un, une bonne âme, avait décidé que non, que tu ne le ferais pas, et avait retiré les balles d’un chargeur plein. Tu avais été incapable de voir cette peine, celle qui incombait cet homme que tu aimais tant, parce que tu savais, inconsciemment, que si tu commençais à y penser, tu en finirais pour de bon, tu n’arriverais jamais à t’en remettre, parce que c’était tout ce que tu refusais : le faire souffrir, le briser, encore et encore, tu ne pouvais pas, tu ne voulais pas et pourtant, maintenant qu’il était là, sous tes yeux, tu voyais bien les ravages de cette rupture sur ce visage que tu aimais tant, sur ce corps qu’il avait dû maltraiter à sa manière, et que tu avais mal à voir, parce qu’il ne le méritait pas, là encore. Il ne méritait tellement pas tout ce qu’il vous arrivait, et ce qu’il s’infligeait, même avec le mal qu’il t’avait incomber, qu’il avait engendré sur toi, tu ne pouvais pas voir une once de mérite à ce qu’il se faisait subir. Toi ? Tu l’avais cherché, cette merde, finalement. Tu avais tirer sur un de tes comparses, parce qu’il était devenu un renégat, une taupe, c’était toi qui était devenu comme ton père, abandonnant ce qui t’étais le plus important pour une quête de vengeance à la con, c’était toi qui avait mis un point final à votre relation et qui lui avait offert cette bague maudite, c’était toi qui avait titillé un peu trop près d’un terrain qui n’était pas le tien, et qui t’étais retrouvé à devoir compter seulement sur ton endurance et ce qu’il restait d’énergie pour respirer entre les charges biotiques que l’on t’envoyait. C’était toi, c’était ta faute. Sulin, il n’avait jamais rien demandé de plus que l’on ne l’aime, vraiment, qu’on l’aime pour qui il était au-delà du masque de glace qu’il pouvait si souvent porter, qu’on l’aime un peu, beaucoup, suffisamment pour que son cœur batte. Il méritait mieux que toi et tes pots cassés, toi et ton attitude si prompte à chercher le danger, à titiller le danger du bout des doigts parce que ça te faisait vibrer. Ça te faisait vibrer de côtoyer les immeubles à un mètre de distance, de devoir relever les manettes au dernier moment pour éviter un piqué fatal. Mais Sulin ? Sulin, il voulait juste du calme, de l’amour, et même ça… Même ça, tu n’étais visiblement plus capable de lui donner, de lui offrir, quand bien même ton cœur débordait d’amour pour lui, débordait si aisément de toute cette passion, de toute cette douceur pour lui, et lui uniquement.
Raison pour laquelle tu fus si doux dans tes mouvements, si tendre dans la façon que tu avais de l’attirer à toi alors que ton souffle revenait, que ton crâne perdait un peu de sa brume pour retrouver la clairvoyance qu’il t’offrait, toujours, doucement. Soudainement, un peu de vie reprenait ses droits sur toi, reprenait un peu de réalité. Parce qu’il était là, contre toi, qu’il était en vie, qu’il n’allait certes pas bien, mais qu’il était là. Il était là, il était en vie, il était sain et sauf, et tu ne trouvais pas en toi le courage d’être en colère qu’il le soit, parce que tu avais terriblement besoin de lui, de sa présence, du poids de sa tête contre la naissance de ta carapace, de ton col. Tu avais terriblement besoin de sa chaleur qui venait réchauffer tes plaques ayant perdu quelques degrés par ta négligence, qui venait tout simplement réchauffer ton âme qui était tombée dans une chute vertigineuse. Tu sentis le sanglot réprimé par ton compagnon, et ta main se serra doucement, dans ses cheveux, alors que tes yeux se fermaient pour contrôler tout ton corps, pour rester stable, pour ne pas flancher quand bien même tes genoux tremblaient, un mouvement presque imperceptible. Ça te faisait tellement de bien, au cœur, à l’âme, au corps de l’avoir là, contre toi, même si c’était pour si peu de temps, même si c’était pour un court instant, tu te sentais mieux. Tu te sentais vivant à nouveau, tu te sentais curieusement bien plus en vie, bien plus à même de le regarder, de voir les ravages de tes actions sur lui, d’accepter enfin que tout ça, c’était ta faute et que tu n’étais pas tout seul à souffrir. Sa réponse, toutefois, une fois que tu l’aies lâché, doucement, toujours avec cette même délicatesse qui n’était que pour lui, elle eut le malheur de réveillé la vieille blessure, de rouvrir un peu la plaie, te poussant à fermer les yeux. Tu savais qu’il ne disait pas ça pour enfoncer le couteau dans la plaie, mais ça ne l’empêchait pas de venir gratter les bords pour voir si tu souffrais encore, ton esprit s’assurant que tu avais encore mal, que tu étais encore dans un chagrin désorganisé, dans une détresse palpable à la façon dont ton corps tremblait un peu, dont tes yeux cherchaient désespérément leur lumière, dont tes doigts se perdaient sur cette joue si douce, et ô combien fragile. La voix éteinte de ton compagnon asséna un nouveau coup à ton cœur, déjà blessé, déjà mourant, parce que tu ne l’avais jamais entendu ainsi, et tu ne pensais jamais l’entendre ainsi. Lui qui était si fort, malgré tout, qui était probablement plus fort que toi sur bien des points, lui qui était une puissance à laquelle tu ne voulais te frotter à moins d’être dans son camp. Tu pris quelques secondes pour réfléchir, pour remettre tes pensées dans l’ordre, pour ne pas te perdre, pour ne pas avoir le ton accusateur que tu pourrais avoir si souvent. Et tu l’observas, ton pouce continuant son chemin sur sa joue. Je… Je suis parti parce que tu m’as demandé de prendre une décision entre deux choix dont un que tu savais que je serais incapable de prendre. Ta voix était brisée, à des lieux de celle que tu avais haussé dans son laboratoire quand tu étais arrivé sans savoir le cataclysme que tu te prendrais quelques minutes après. Ta voix était cassée, comme un vieux disque rayé que l’on essayait de faire fonctionner malgré tout. Tu étais un vieux disque rayé, une vieille machine qui toussait et qui crachait à chaque fois qu’on essayait de la mettre en route, parce que tu n’avais plus rien, tu étais vidé. Complètement vidé, et tu avais si mal. Si tu avais raisonnable, tu l’aurais renvoyé chez lui, tu lui aurais dit de partir, tu ne l’aurais pas fait rentrer dans ton appartement. Tu ne l’aurais pas confronté au désordre qu’était devenue ta vie, les marques de la vie que tu ne menais plus, que tu laissais couler sur toi comme l’eau chaude avec laquelle tu te douchais. Les marques que ta chambre était devenue un terrain miné avec la présence d’un oreiller au bout du canapé, la preuve que ton bureau était devenu un enfer invivable avec les datapads éparpillés habituellement si organisés sur ton bureau, les preuves que le sommeil ne te suivait plus avec ses médicaments qui trônaient en légion de ton malheur, et cette bouteille, qui était probablement la cinquième cette semaine, devenue maîtresse de ton désespoir, et exutoire à ta folie. Ou était-ce l’inverse ? Tu ne savais pas, et tu t’en fichais. Tu vivais au milieu de reliques de ce que tu avais voulu pour vous deux, de ce fauteuil, dans un coin de la pièce, portant la couleur favorite de ton compagnon quand bien même tu ne l’appréciais guère plus, de cette étagère remplie de livres sur la science, sur lesquels il y avait un léger filet de poussière parce que tu étais négligent. Ces petits objets, petits artefacts et souvenirs de ce que pouvait aimer ton amant, dans le spectre large de ses intérêts, qui trônaient de ci de là. Ces cadres qui emplissaient les murs avec des photographies de la galaxie, du secteur, des plantes d’Havarl, de tous les paysages que tu avais pu trouver beau, mais que tu trouvais encore plus beau parce qu’ils avaient tous une signification lié à lui. Toutes ses petites choses qui te rappelaient, avec douleur, que cet appartement était pour vous, pas pour toi. Même ton lit, même ton lit était plus pour lui que pour toi. Un mobilier humain pour un turien, ça n’avait de sens que parce que l’amour de ta vie était humain. Tous ses objets qui te rappelaient ô combien tu étais stupide de le laisser loin de toi quand tout était aménagé pour qu’il puisse vivre ici, pour qu’il puisse s’y plaire, un peu. Tu avais même aménagé ta terrasse avec un télescope pour pouvoir observer le ciel de Kadara et les étoiles quand elles se présentaient, ainsi que des chaises pour les fois où il voudrait s’installer dehors et profiter du soleil de la planète. Tant de petites choses qui faisaient mal, curieusement, mais qui avaient réussi à garder l’espoir en dehors de l’eau.
Un espoir qui n’était pas totalement mort, tu le savais, mais qui s’était terriblement enfoncé dans les parties les plus obscures de ton cerveau à l’agonie. Mais le voir, là, au milieu de toutes ses reliques que tu avais choisi sans t’en rendre compte, c’était autant un rêve qui se concrétisait qu’un rêve inaccessible que l’on te mettait en plein visage, pour que tu te rendes d’à quel point ce n’était pas possible, à quel point tu rêvais les yeux ouverts. Depuis ta cuisine, tu l’observais alors que les boissons se préparaient, et tu voyais à quel point il était parfait dans ce décor, et à quel point tu avais envie de lui demander de rester, rester pour toujours, de ne jamais partir parce qu’il était ici chez lui. Parce que c’était autant son appartement que le tien, parce que c’était autant sa demeure que la tienne, parce que tu avais tout fait pour lui, pour un jour avoir le courage de lui dire de venir, de lui demander de quitter le Nexus pour toi, pour votre vie ensemble. Mais chaque jour qui passait te rappelait que ce courage-là, tu ne l’avais pas, tu n’arrivais pas à le trouver. Tes yeux se posaient sur sa silhouette fatiguée, sur sa posture défaite, et ta volonté tombait, petit à petit, cette volonté là de le garder en sécurité là où il n’y avait personne pour vouloir lui tirer une balle entre les deux yeux, là où il avait encore des gens qui l’aimaient aussi. Sa meilleure amie, sa mère, malgré tout, et Ashton, malgré l’animosité que tu avais pour lui. Il y avait des gens qui veillaient sur lui là-bas, alors que s’il venait ici… Oui, il y aurait l’équipage de ton vaisseau, oui, tu étais là mais… Ce n’était pas pareil, c’était tellement différent, tellement étranger, tellement dangereux. Tu fermas les yeux, à cette pensée, tes ergots tapotant nerveusement contre le bar, alors que tu respirais de nouveau, tu retrouvais cette faculté, parce qu’il était là, même si la douleur dans ta poitrine elle, ne disparaissait pas. Tu fermas les yeux, pour inspirer, doucement, retrouver son odeur qui ne quitterait pas les meubles, qui ne te quitterait pas la pièce avant quelque jour, pour ton odorat développé. Et tu relevas les yeux, à nouveau, alors que les machines t’annonçaient que c’était bon, que tu pouvais quitter l’espace de ta cuisine. Tu l’observas, encore, quelques infimes secondes, aussi bien se fondre dans ce décor un peu décharné, un peu bordélique parce que tu ne savais plus quoi faire de ta vie, ni même de tes affaires, à quel point cette image te faisait du bien, t’apportait une dose de bonheur perceptible dans la façon dont tes subharmoniques ronronnaient sans que tu t’en rendes compte. Tu avais peur, tu avais peur que cette entrevue finisse comme la précédente, alors que tu n’avais qu’une seule envie : le garder avec toi, même si ce n’était que pour une nuit, le garder avec toi jusqu’à ce que les étoiles meurent, jusqu’à ce que le temps vous rattraper, le garder avec toi, le chérir jusqu’à ce que vos souffles disparaissent et s’annihilent. Mais tu ne pouvais prédire l’issue de tout ça, alors tu préféras éloigner un peu cette peur pour le rejoindre, pour l’installer, lui donner ce thé que tu savais être son préféré, parce que tu n’avais pu t’empêcher d’en acheter quand tu avais fait un saut à Havarl. Tu t’installas, le corps lourd, et tu portas tes yeux sur lui. J’espère qu’il sera bon. Je n’ai pas progressé sur comment faire du thé depuis.. Depuis la dernière fois. C’était pour ça que tu avais acheté une machine, parce que tu étais incapable de le faire correctement, incapable de doser la quantité de ce truc poudreux blanc, de doser la quantité de thé à mettre, ni même la température de l’eau, tu étais juste incroyablement nul à faire un foutu thé. Et ça avait toujours été source d’hilarité, parce que tu étais un expert dans la création de ton café, dextro aminé, mais quand il s’agissait de faire un thé, tu perdais absolument tout ton contrôle, toute ta posture et tu te sentais très con. Curieusement, la mention de la dernière fois que tu lui avais fait du thé ne te faisait pas si mal. Ça piquait, bien évidemment, mais ce n’était pas aussi pire que tous les autres souvenirs que tu avais ruminé ces dernières semaines, surtout ces derniers jours et qui avaient été assassins pour ta conscience. Cette fois-ci, ça allait. Ça te déchirait toujours les côtes, ton cœur souffrait toujours, mais tu respirais, et le souvenir était doux, amusant, et enroulé dans cette bulle d’amour qui vous correspondait. Tu te souvenais avoir observé les ingrédients sur le comptoir de la cuisine de Sulin, et à l’image d’un dessin animé, on pouvait aisément voir des points d’interrogation tout autour de ta tête, parce que tu ne comprenais pas. Tu avais beau lire les instructions sur ton OmniTool, chaque page rajoutait une info supplémentaire, un truc différent. Tu avais fini par appeler Sulin, parce que tu étais débordé, tu étais complètement perdu, et tu ne voulais pas ruiner son thé.
Toutefois, tu n’avais pas le temps de t’attarder sur ce souvenir curieux, non, parce que tu avais posé cette question. Cette même question qui vous avait brisée mais qui était bien différente aujourd’hui, elle n’avait plus la même saveur. Elle était peut-être plus amère, mais elle n’était pas moins emplie de douceur, de ce besoin de juste savoir, de comprendre. De toute façon, tu n’avais pas le cœur, par l’énergie de t’énerver, de hurler à plein poumons. Tu l’avais fait suffisamment avant. Tu ne voulais plus le faire, tu ne voulais plus lui hurler dessus, tu ne voulais plus crier d’agonie comme tu l’avais fait contre ta porte, le cœur en miette et l’âme en deuil. Tu ne voulais pas lui faire de mal, tu voulais lui donner ce dont il avait besoin. Parce que même s’il t’avait fait un mal incommensurable à tel point que tu avais sérieusement réfléchit à en finir avec ta vie, tu étais toujours sien, et tu te plierais toujours en quatre pour le satisfaire, pour l’aimer, pour lui donner ce dont il avait besoin dans la mesure de tes propres possibilités, et… Aujourd’hui, tu avais besoin de ça. Tu avais besoin de t’oublier avec lui, tu avais besoin d’oublier la douleur dans ta poitrine, tu avais besoin de trouver l’espoir que vous aviez enterré, tu avais besoin de retrouver l’homme que tu aimais même s’il n’était plus le même, que tu n’étais plus le même non plus. C’était un besoin égoïste, mais tu avais besoin de te perdre avec son amour, de te perdre avec lui, de t’oublier enfin, parce que la spirale dans laquelle tu étais t’assassinait parce que tu ne le faisais pas toi-même. Et tu l’écoutas, sans l’interrompre, tes yeux fixés sur lui qui ne te regardait pas, qui avait la tête baissée, qui était probablement perdu dans ses propres paroles, dans ce qu’il te disait. Quand il mentionna la bague, tu ne pus empêcher le râle de tristesse qui s’échappa de tes subharmoniques, un seul, unique, faible, mais présent, volubile, et tu fermas les yeux à la douleur si vivace qui se ranima dans ta poitrine. Tu inspiras, longuement, levant les yeux, ne t’imaginant pas qu’entendre ces mots là, dans sa bouche, puisse te faire aussi mal, et pourtant. Pourtant, tu avais l’impression de perdre un peu d’air, un peu de vie, tandis que la douleur continuait de réveiller tes muscles endoloris. Tu gardas le silence, pendant un moment, tes yeux se fixant sur l’écran holographique illuminé de points, et tu l’éteignis, d’un mouvement sur ton omnitool. Tu ne voulais pas qu’il voit ça, tu ne voulais pas que vous soyez dérangé, alors tu mis également ton omnitool en silencieux. Tu ne voulais pas qu’il voit la cruelle réalité dans laquelle tu étais, à prendre des contrats minables parce que tu n’avais pas le cœur de prendre l’arme pour laquelle tu étais né pour faire de réelles choses. Et pourtant, tu ne voulais pas qu’il voit tout ça, mais il était si proche du datapad qui contenait tes lettres d’adieu, dont celle que tu avais fini par écrire pour lui, dans une folie nocturne, quand le sommeil ne venait pas même avec plusieurs somnifères. Il était si proche de cet objet que ça te faisait peur, mais tu ne pouvais y toucher. Alors, tu te raclas doucement la gorge avant de te lever un peu, pour faire avancer ton siège, éprouvant une grimace quand tes côtes te rappelèrent que ce genre de mouvement, ce n’était pas encore bon, parce que tu avais tiré sur le mauvais côté. Et tu te réinstallas, tes genoux touchant presque les siens alors que tu tendais une main, tendre, douce, en sa direction, sous son menton pour relever son visage. Regarde-moi. Ne te cache pas. Il n’y a que nous. Ne te cache pas de moi, ne te cache pas de mes yeux, ne te cache pas comme tu l’as fait pendant des années avant moi du regard des autres. Regarde-moi, je t’aime. Je t’aime toujours si fort, je t’aime toujours tellement, je meurs tellement sans toi. Regarde-moi, ne me refuse pas ton regard. Tu pensais alors que ta main glissait doucement pour se poser sur sa joue, pour que l’empreinte de tes doigts se glissent dans cette barbe mal taillée, pour que ton regard se pose sur lui, que tes yeux l’observent lui. Tu avais besoin qu’il te regarde, qu’il ne t’ignore pas de cette façon, tu ne pouvais pas le supporter, pas ici. Pas ici quand il était parfait dans ce cadre que tu avais établi pour lui, quand il était luminescent malgré sa peine, malgré sa tristesse, quand il était séduisant comme un diable dans sa propre tristesse. Quand tu l’aimais malgré les larmes, malgré la violence de vos propos, de vos actes, quand tu l’aimais malgré la blessure qu’il t’avait infligée et celle que tu lui avais infligé. Quand tu le voyais avec la pureté de sa tristesse, de son chagrin qui reflétait la tienne avec tant d’aisance et de sincérité, tant d’honnêteté dans un seul regard, dans ses yeux bleus dans lesquels tu aimais à te perdre si facilement, sans chercher le chemin du retour parce que c’était avec lui que tu étais bien, avec lui que tu étais en sécurité, avec lui que tu étais chez toi. Tu avais envie de t’enfouir contre lui, de caler ton nez contre son cou, de respirer son odeur jusqu’à l’asphyxie la plus totale, de te perdre dans ses bras, dans ses baisers, sans son étreinte jusqu’à ce que tu ne puisses plus respirer, jusqu’à ce que tu ne puisses plus que le sentir lui, uniquement. Mais… Vous aviez des choses à vous dire, des choses à réparer parce que la flamme était encore là, l’espoir était encore là, tout n’était pas détruit, sinon, il ne serait pas là, et tu ne serais pas capable d’être si proche de lui sans avoir envie de fuir. Parce que tu n’avais plus envie de fuir, tu n’avais plus envie de te battre. Je n’aurai pas dû te la laisser. Ce n’était pas à toi d’en porter le poids, mais… Mais tu méritais de savoir ce que tu représentais pour moi, jusqu’où j’étais prêt à aller pour toi, malgré tout ce que je suis incapable de faire. Je suis incapable de t’enfermer ici, de te demander de tout abandonner pour moi, même si j’en ai l’envie, ce serait égoïste de t’arracher à ce qui te passionne avec tant d’entrain, ce pour quoi tu t’es battu si férocement. Je ne peux pas t’arracher ça, je ne peux pas te le demander, pas pour moi qui me suis moi-même foutu ici, qui me suis enterré ici. Tu pensais, la cruauté de tes propres pensées se trahissant dans ton regard qui ne quittait le sien, dans le mouvement de ton pouce, léger, volatile, contre sa joue, parce que tu étais incapable de rompre ce contact, tu en étais bien incapable.
Tu n’y arrivais pas, même si tu savais, pertinemment, que ça pouvait vous faire encore plus de mal, que ça pouvait vous détruire, au final. Tu ne pouvais tout simplement pas rompre ce dernier contact, tu ne pouvais pas, pas quand les efforts commençaient à être faits pour réparer ce qui avait été rompu, ce qui avait été brisé quand tu avais quitté son laboratoire, après des paroles assassines et des remarques aussi virulentes que cruelles de vérité. Tu voulais te battre pour lui, tu étais prêt à laisser couler le sang pour lui, mais tu ne voulais pas te battre contre lui, c’était ce que disait cette main, ces trois doigts posés sur lui, ton pouce contre sa joue, et les deux autres dans l’alignement de son cou, de son oreille. C’était ce que ce contact cherchait à faire passer. Mais tu ne pouvais pas juste souffler des actes à demi-mots. Tu ne pouvais plus. Je ne veux pas me battre contre toi, Sulin. Je ne veux plus me battre contre toi, pas quand ça fait si mal, pas quand c’est si douloureux, pour nous deux. Et je le répète, mais… Je n’aurai pas dû te laisser cette bague, pas sans t’en parler auparavant mais.. Je ne savais pas comment t’en parler, j’étais déjà loin, j’étais déjà beaucoup trop loin. Et quand je l’ai vu, ça a juste… Fait tilt, tu sais. Et je m’étais dit que ça aiderait à fixer les choses, à rattraper un peu de mes erreurs, à me faire pardonner auprès de toi, de ce que je t’ai fait subir en étant un idiot irréfléchi. Je… Je n’ai jamais voulu te la donner comme ça, dans ses circonstances. Jamais. J’avais imaginé des milliards de façon de te le demander, de te la donner, mais aucun de mes scénarios n’incluait celui-là, aucun de mes scénarios n’incluait que l’on se déchire de cette manière et qu’elle finisse ainsi, comme un objet maudit qui trône encore dans ma chambre et m’empoisonne à chaque fois que j’y passe. Je voulais te souffler mon amour sous le ciel de Neo-Palaven, peut-être, ou encore Havarl, là où on s’est rencontré, je… Ce scénario n’existait pas avant qu’il se produise. Parce que cette bague, ça a avait été révélation, achevée et gravée, modifiée sur Neo-Palaven, avec ta mère, au tout début de ton exil, quand tu cherchais rien d'autre qu'un éventuel bijou à garder de cette planète, de ce monde que tu aimais énormément. Tu avais vu cette bague, cet anneau si simple, si doux, et ça t'avait frappé, de toute la puissance qu'une révélation comme celle-ci pouvait faire. Tu le savais déjà auparavant quand tu traçais tes marques invisibles sur sa peau, mais ça, c'était autre chose. Tu baissais un peu la tête, très légèrement, de quoi rompre simplement le contact visuel, tandis que ta main tombait et quittait doucement sa joue pour se reposer mollement sur ton genoux, tremblante, comme la seconde qui s’accrochait désespérément au morceau de tissu que tu portais. Ça te faisait mal d’en parler, mais il fallait crever l’abcès, il fallait que les choses soient réparées, parce que tu ne tenais plus non plus, comme lui, tu crevais lentement, beaucoup trop lentement, dans une agonie qui te sciait de toute part à tel point que tu te demandais quelle version de toi était réelle. Laquelle était véritable, laquelle était vraie, laquelle tu devais présenter pour ne pas te sentir en imposteur dans ton propre corps, dans ton appartement. Pourquoi tout ça était si difficile, si confus, si prompt à dégénérer quand bien même tu refusais de t’énerver parce que tu n’en avais tout simplement plus l’énergie ? Quand tu étais épuisé, quand tu étais déjà à terre, le cœur béant et le corps martyrisé par tes propres bêtises. Je.. Je ne voulais pas te faire de mal non plus, je n’ai juste pas réfléchi, comme toujours. Je ne réfléchis pas toujours, malheureusement. Mais je ne pouvais juste plus l’avoir sur moi. Et je suis désolé, terriblement désolé. Tu étais en plein droit de la refuser. C’était à toi de fuir son regard, parce que tu savais que tu avais raison d’une certaine manière, et même si ça t’avait fait mal, de la récupérer, tu n’étais pas en colère à cause de ça. Tu avais été en colère parce que tu étais devenu un animal blessé, sortant les griffes et les crocs pour survivre, qui se parait de colère pour masquer la détresse, celle de se reconnaître rejeter, celle de se reconnaître finalement abandonner quand tu avais ouvert ton cœur entier dans un seul et unique petit objet. Parce qu’il y avait tout, dans cet objet maudit, il y avait eu la confession intime de ce que tu voulais pour vous, tes espoirs les plus fous, les plus ravageurs, les plus véritable, dans un seul petit objet en métal aux sillages cristallins. C’était ta plus belle déclaration d’amour et pourtant, la plus meurtrière, parce qu’aucun de vous deux n’était capable de la porter, n’était capable d’en assumer le poids après cette rupture, parce qu’elle faisait beaucoup trop mal. Alors, oui, quand il te l’avait redonné, ça avait fait mal, parce que tu l’avais senti comme une attaque, comme s’il piétinait ton amour, comme s’il piétinait toute la dévotion que tu avais pour lui et l’admiration que tu lui vouais, tu l’avais senti comme le rejet définitif de ta personne, de ton abandon. Et c’était ça, qui avait fait mal, qui t’avait envoyé spiraler dans une rage noire pour couvrir la détresse, pour couvrir le chagrin qui te scindait en deux avec cette violence en surplus. Mais tu te rendais compte que ce n’était pas le cas, et même si cela n’invalidait pas tout ce que tu avais pu ressentir, ni comment tu l’avais ressenti et vécu, tu te sentais soudainement quelque peu stupide, suffisamment pour te rendre compte d’à quel point ta vie était partie en dérive, comme un navire sans commandant, sans rien. Tu t’en rendais compte en te posant, soudainement, la question de l’heure et que tu n’étais même pas sûr qu’il était le matin ou le soir, que tu avais complètement perdu la notion du temps, de la vie, réelle. Tu soupiras, doucement, un soupir à fendre l’âme, parce que ton âme était fendue, et tu repris quelque chose qui avait tiqué ton esprit dans les paroles de ton compagnon. Qu’est-ce que tu espérais en me rendant cette bague ? Tu demandais, la voix brisée rien qu’à la mention de cet objet dont tu sentais encore l’aura, même si tu t’en éloignais le plus possible, parce que tu savais où elle était, tu savais où elle trônait, tu savais le poids qu’elle avait sur toi. Pourtant même brisée, ta voix essayait être douce, de se vouloir représentante de l'amour que tu avais pour lui, de la tendresse que tu n'offrais qu'à lui, de cette douceur qui lui appartenait, comme toi. Toi qui lui appartenait corps et âme malgré la rupture. Parle moi, Sulin. Je… Peu importe ce que tu diras, je.. Je vais pas m’énerver. Je suis fatigué d’être en colère, ça fait des jours, peut-être des semaines, que je ne fais que ça, d’être en colère pour tout et rien en même temps, d’être fatigué, d’être triste. J’ai besoin que tu me parles, que tu me dises ce que tu as sur le cœur, parce que je ne peux plus. Je me meurs, sans toi, et c’est ton absence qui me rend comme ça, et je n’en peux plus. Je ne tiens pas. J’ai failli en finir, Sulin. J’ai failli ne pas être là quand tu reviendrais. J’ai failli en finir. Mais tu ne pouvais pas lui dire, tu ne pouvais pas l’incomber d’une autre de tes excentricités, d’une autre de tes stupidités, tu ne pouvais pas lui dire. Et c’était peut-être le seul secret que tu enterrais, que tu emporterais dans ta tombe, c’était peut-être la seule chose que tu serais toujours incapable de lui dire.
Sulin Morlan & Sylhas Astros Watch that star die, eons without you. I'll stay with you, in your mind, every single day. | |
| Posté le Dim 1 Nov - 16:04 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | But now the day bleeds Kiss me hard before you go, summertime sadness. I just wanted you to know that baby you the best ◊ ◊ ◊ On parle trop souvent des premières fois, pas assez des dernières. Sulin n'avait aucune idée de ce qu'avait été son premier mot, son premier livre, ses premières émotions ressenties, la première personne qu'il avait aimé. Sulin ne se souvenait que peu de ses premières fois, elle n'avait pas grande importance à ses yeux. En revanche, ses dernières fois l'avaient marqué au fer rouge, ont pour la plupart laissé leur empreinte dans son âme ou au moins un souvenir vif. La dernière fois que Sylhas l'avait touché comme ça, ils avaient failli mourir. C'était un geste différent de celui là, un geste d'adieu, un geste malheureux. La dernière fois que Sylhas l'avait pris dans ses bras, ça remontait à si loin. Si loin quand il en gardait un souvenir pourtant prodigieusement intact pour s'être repassé la scène encore et encore. Leur dernier baiser, il ne préférait pas y penser. Ça faisait trop mal, la blessure n'avait jamais cicatrisé. Les dernières fois ont toujours un goût de plus jamais, un goût de nostalgie assaisonné d'un peu de regret peut-être, ça les rendait spéciales. Sulin était morcelé de regrets, il ne les comptait même plus. Il regrettait de ne pas avoir su voir Sylhas plus tôt, vraiment le voir. Il regrettait d'être trop timide, de ne pas savoir hausser la voix quand il fallait, d'avoir tant de difficultés pour comprendre les autres et communiquer avec eux. Il regrettait les derniers mots qu'il avait dit à l'amour de sa vie, son dernier geste impulsif qui lui avait fait tant de mal. Il regrettait de ne pas pouvoir être là, avec lui, dans cet appartement parce qu'il ne semblait pas suffisamment fort pour résister à la vie sur Kadara. Il regrettait tant de choses qui le bouffaient petit à petit, si bien qu'il pouvait presque les voir à la surface de sa tasse de thé. Ce n'était qu'une petite attention après tout. Une petite attention qui voulait dire bien plus que n'importe quel grand discours à ses yeux. Qui voulait simplement dire que même s'il n'y avait plus d'espoir, il l'attendait toujours. C'était beaucoup.
Pourtant, c'est vrai qu'il ne savait pas comment en préparer du thé. Quand il lui rappela, Sulin ne put s'empêcher de sourire. Il se rappelait parfaitement à quel point il avait ri en constatant que la préparation de cette boisson semblait être le talon d'Achille de l'invincible Spectre. Il ne s'était pas moqué, simplement amusé de la façon dont le turien voyait le breuvage comme une énigme à part entière. Il se rappelait très bien comment il avait essayé de lui expliquer, lui grand professeur qu'il est. Tenter d'enseigner à Sylhas comment préparer un thé reste à ce jour la leçon la plus difficile qu'il ait dû donner. Le dernier thé. Encore un souvenir palpable, toujours présent dans l'air, dans leurs cœurs. Même si ça faisait mal, toujours un peu mal, le bonheur qu'il avait à se le rappeler ici, avec lui, dépassait largement cela. Ça suffit même à ramener un peu de couleur sur son visage, un peu de vie à tout ça. Ça lui permettait d'être lui-même à nouveau, au moins un instant.
- Tu ne te débrouillais pas si mal que ça, tu manques peut-être simplement d'un peu... de pratique peut-être ?
C'était fugace, on pouvait à peine le voir mais ses yeux avaient brillé. Un seul moment où ils avaient retrouvé leur éclat d'origine, leur couleur aussi. Un bref éclair d'amusement, trop de tendresse aussi. Un peu de lui à nouveau, enfin. Et c'était grâce à lui. Tout tournait autour de lui, toujours. C'est pour préserver cet éclat qu'il n'avait pas répondu lorsque Sylhas lui avait fait remarqué qu'il était parti après avoir fait le choix qui s'imposait, que Sulin lui avait imposé. Le scientifique avait simplement dégluti, baissé les yeux tristement, accablé par la culpabilité et le manque. Accablé par l'envie de lui hurler qu'au fond, qu'au fond il pouvait en être capable. Qu'il le fallait. Qu'il était capable de prendre tous les risques pour lui, d'abandonner sa carrière, ses quelques proches, ses élèves, son quotidien si cher à ses yeux, les lieux qu'il aimait et le Nexus pour qui il avait une affection sincère. Que si lui était capable de tout laisser tomber simplement pour deux yeux verts, lui pouvait prendre le risque de le perdre pour deux yeux bleus. Quitte à en crever si ça arrivait, de toute façon c'est déjà ce qu'il se passait. Il n'avait pourtant pas répondu, incapable de s'exprimer correctement et ne souhaitant pas relancer l'affrontement. Il préservait l'éclat, la lueur d'amusement.
- Je suis sûr qu'il sera délicieux.
Le brun prit la tasse entre ses doigts, un peu trop chaude pour être bue mais rassurante au toucher. Elle ressuscitait un peu son corps engourdi par le silence, la douleur et le manque de nourriture. Il lui sourit, peu sûr de lui comme à chaque fois, encore plus aujourd'hui. Il se sentit encore moins prêt à s'affirmer après le râle qui s'était échappé de son amant, sûrement contre sa volonté. Il lui avait fait mal, terriblement mal. Maintenant qu'il ouvrait les yeux, maintenant que l'empressement des premières minutes était passé, maintenant qu'il observait enfin la façon dont le turien vivait, il le comprit. Il observa les boites d'anti-douleur et la serviette tâchée de sang, il remarqua l'écran holographique au moment où Sylhas l'éteignit pour lui épargner la terrible vérité. Il remarqua la violence pure, la honte, la culpabilité dévorante qui traînait par terre et salissait les murs.
- Tu es blessé ?
Il le lui fit remarquer les sourcils froncés alors qu'il avisait la poitrine du turien, amoché sans trop savoir par quoi. Il ne l'avait pas vu ça non plus, et ça lui faisait si mal. Le contenu du datapad à ses côtés l'aurait simplement tué, il n'en avait pas conscience, il ne le voyait même pas, obnubilé par la santé de son amant qu'il avait malgré lui détérioré. Alors Sulin se recroquevillait sur lui-même, de plus en plus, il se cachait comme il savait si bien le faire, de plus en plus. C'est sûrement pour ça que Sylhas l'obligea à voir la vérité, parce qu'il avait toujours été plus doué que lui pour ça. Son cœur s'arrêta un instant quand il le confronta de la plus douce des manières à ses yeux verts, à toute la peine qui lui avait infligé. Son cœur s'arrêta et les battements reprirent de plus belle, il les sentait dans sa lèvre. Sylhas exigeait de l'honnêteté, la situation aussi. Après l'avoir écouté, il s'y plia.
- Je ne l'ai pas refusé.
Il secoua la tête, une ou deux fois. Ce geste... ce geste avait été si maladroit. Il n'avait pas réfléchi, il avait agi comme un fou, il avait pensé à se sauver lui, il n'avait pas pu se résoudre à laisser leur relation comme ça, en voulant faire mieux il avait fait pire.
- Tu n'es pas le seul à ne pas avoir réfléchi. Quand tu es parti en la laissant la, je me suis senti si mal. C'était comme si tu abandonnais, qu'on s'abandonnait d'un commun accord et qu'il ne restait plus que ça de ce que nous avions, tu comprends ? Comme si... comme si cette bague était une ruine d'une époque passée et révolue. Je ne pouvais pas nous envisager comme ça. C'était trop dur. Et j'espérais...
Il sourit un sourire triste, épuisé, épuisé de sa propre naïveté et de ses espoirs, encore et encore. Il espérait toujours un peu plus, toujours encore un peu. Même quand il se répétait en boucle que ça ne servait plus à rien, que c'était terminé, qu'il finirait seul et triste, il continuait d'espérer à mieux. C'est peut-être ça qui le tuait à petit feu, finalement. Ça et l'absence.
- J'espérais que tu pourrais me la donner plus tard. Quand ça irait mieux. Je sais que c'est idiot.
Il serra sa tasse à s'en faire saigner, luttant pour ne pas détourner le regard quand Sylhas l'avait déjà fait.
- Tu m'as tellement manqué Sylhas, j'ai cru en crever.
Et ça, ça c'était ce qu'il aurait dû lui dire quand il était venu sur le Nexus. Quand tout ce mal n'avait pas été fait, quand ils étaient encore un peu entier malgré leurs cœurs qui battaient dans le vide. Ça, c'était ce qu'il n'avait pas dit mais qu'il avait rêvé tant de fois de révéler, peu importe les conséquences. Or, il fallait faire tomber les masques. La glace n'avait plus sa place entre eux, pas en ce moment, pas quand ils saignaient tous les deux aussi fort, aussi abondamment.
- Je n'ai jamais voulu te faire ça, j'ai simplement agi de manière irresponsable et impulsive. Regarde...
Il releva un peu sa manche, pour lui montrer qu'il portait le bracelet. Il le portait depuis quelques jours, quand il a commencé à sentir le manque lui ronger les os, quand il a commencé à voir sa santé mentale décliner, quand il a commencé à souffrir au point qu'il ne l'envisageait plus de la même manière. Ce bracelet, c'était une façon comme une autre de préserver leur lien. Ces pierres qui venaient de si loin, ces pierres qui se tenaient là unies, ces pierres étaient un peu comme eux. Ces pierres ne pouvaient plus se séparer, malgré le fait qu'elles soient si différentes, malgré le fait qu'elles viennent d'endroits si éloignés. Il l'avait noué à son poignet au beau milieu de la nuit, il s'y était raccroché comme une lueur d'espoir, une de celles qu'il aimait tant entretenir.
- Je ne voulais pas, je te le jure. Je suis tellement désolé.
Sa voix se brisa mais il tenait bon, il le devait. Il resta droit, rabattit sa manche la main tremblante, rendu fébrile par cette démonstration d'affection, ces excuses dont il n'était pas coutumier. Il trempa ses lèvres dans le thé pour avoir une bonne raison d'éviter son regard, pour reprendre un peu de contenance. Il était atrocement sucré, ça l'encouragea à espérer. Certaines choses ne changeaient pas, ne changeraient jamais.
(c) oxymort |
| Posté le | | |
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |