I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | Hey, i'm back, i'm back home Nexus | Quand tu étais petit, tu ne comprenais pas les gens. En fait, tu n’avais jamais vraiment compris les autres, même aujourd’hui tu avais l’impression de perdre tellement de cette compréhension par les barrières culturelles qui étaient impossibles à tomber. Tu avais appris à lire les autres, à les comprendre dans une certaine mesure, mais tu avais toujours l’impression d’oublier quelque chose, de perdre quelque chose dans vos discussions, parce qu’il n’y avait pas ce que tu connaissais, ces subharmoniques qui permettaient toujours une discussion sous-jacente, qui permettait d’exprimer tout ce que les mots étaient impuissants à dévoiler. Et avec tes pairs… Et avec tes pairs, ce n’était qu’à peine plus simple, et c’était peut-être avec eux que tu avais le plus de mal finalement. Parce qu’il y avait un passif de quand tu étais enfant, de quand on se moquait de toi, quand on te jugeait pour des choses qui n’avaient rien à voir avec toi. Alors, oui, quand tu étais petit, tu ne comprenais pas les gens avec qui tu vivais, tu ne les comprenais pas et tu essayais, malgré tout, tu essayais de vivre, de grandir comme n’importe quel autre enfant, de te bercer des illusions que l’on t’accordait, tu essayais de te dire que ton avenir était tout tracé, qu’il serait radieux, qu’il serait bien mieux que ton enfance, que ton adolescence, parce que ses périodes étaient teintées de déceptions, de moments d’angoisse et de doute. Tu ne pouvais pas être plus dans le faux. Tu pensais que tellement de choses s’arrangeraient avec l’âge adulte que tu avais oublié qu’au fond, tu étais toujours ce petit turien qui rêvait plus souvent des étoiles que des gens, qui rêvait plus souvent de ruines archéologiques à découvrir que de cœurs à chérir et à briser, contre ton gré. Parce que tu avais des rêves différents, tu avais des envies différentes. Quand, petit, les petites turiennes parlaient de fonder une famille, toi tu arpentais les musées avec ta mère pour observer tout ce que l’histoire avait pu vous rapporter, espérant un jour pouvoir apposer ta pierre à l’édifice. Quand, petit, ta mère te soufflait ses histoires d’amour qui coupaient le souffle à tant de joie, toi, tu la regardais, et tu lui demandais, simplement : pourquoi ? Pourquoi les gens cherchaient-ils autant quelqu’un dans leur vie, pourquoi les gens cherchaient-ils autant le réconfort d’un autre quand cette personne pouvait être aussi fatale pour eux ? Tu avais vu ta maman se briser, laisser tomber les armes, dans l’intimité de sa chambre alors que tu venais, le soir, pour réclamer une histoire avant de dormir. Tu étais peut-être parti, mais tu savais très bien que c’était à ton cause de ton papa, que c’était à cause de son départ que ta maman pleurait, qu’elle s’était arrachée des morceaux de plaque de désespoir et qu’elle vous regardait, toi et Arus, avec quelque chose de différent. Tu ne comprenais pas les gens, malgré toi, mais tu les lisais bien, tu arrivais à comprendre ce qu’il se passait, tu savais ce qu’était le chagrin avant même de l’avoir connu. Tu l’avais vu sur ta maman, sur ce visage si doux et si brutal, qui se brisait dans la lumière tamisée de la seule lampe de sa chambre, dans la façon dont son corps était courbé, les mains tenant une pièce, un t-shirt, comme seul mémoire d’un homme qu’elle avait aimé si fort, avec qui elle avait été prête à tout pour qu’il ne le soit pas. Tu l’avais vu souffrir, tu l’avais vu pleurer avec ses subharmoniques, de la seule façon que vous saviez le faire parce que contrairement aux humains et la majorité des races, vous ne pouviez pleurer des larmes, vous ne pouviez pas, ce n’était physiquement pas possible. Tu te souvenais sans mal, d’être resté dans l’entrebâillement de la porte, observant cette maman brisée jusqu’au cœur de son être par celui qui avait son cœur, par celui qui lui avait donné un espoir de bonheur avant de s’envoler pour des étoiles inconnues, pour une aventure, pour une chimère. Tu te souvenais d’avoir finalement ouvert la porte, et d’avoir posé ta main sur elle, elle qui ne t’avait pas entendue venir, qui ne t’avait pas senti tant son désespoir était grand et à quel point elle le contenait le jour pour que vous ne voyiez pas. Et de tes petits bras, tu l’avais enlacé, comme un enfant n’aurait jamais eu à le faire, et tu l’avais bercé un peu, du haut de tes quelques centimètres, de ton mètre à peine. Et tu avais soufflé, t’inquiète pas maman, ça va aller, on est là, tu… tu trouveras quelque chose de mieux, ça va aller maman. Et tu avais prié, tous les jours qui suivirent, pendant des mois, pour que ta maman trouve ce qui lui manquait terriblement sans comprendre la réalité de tout ça. Après tout, tu étais trop petit pour comprendre ce qu’était le chagrin d’amour, tu étais trop petit pour comprendre que ta maman venait de perdre l’amour de sa vie, son âme-sœur, celui qui réussissait à tout illuminer sur son passage, celui qu’elle aimait malgré ses erreurs, celui qu’elle aimait malgré tout au-delà des étoiles, malgré son départ. Tu ne pouvais pas comprendre.
Mais tu grandis avec le sentiment, sous-jacent, que tu n’en voulais pas. Que ce n’était pas pour toi, que c’était trop dangereux. Et toi, le petit turien peureux caché sous ton armure, pourtant, il était fasciné. Il était fasciné par ce que l’amour pouvait faire, mais il préférait se cacher dans les ombres, se cacher dans des relations où tu ne t’attachais jamais vraiment, des relations qui au final n’avaient jamais assez de valeur pour que tu restes, pour que tu te battes, parce que tu n’en donnais pas. Tu ne leur donnais pas de valeur. Il était plus simple de donner ton corps, de donner quelques minutes de ton temps plutôt que donner ce cœur qui avait déjà bien trop vécu pour un petit être comme toi. Tu ne pensais pas vraiment que les âmes sœur existaient, parce que si elles existaient, elles ne devaient jamais se séparer, et pourtant, tu avais vu celle de ta maman partir, en prenant avec lui un cœur qui battait si fort et un morceau d’âme qu’elle ne pourrait jamais retrouver. Alors, ça te faisait peur, terriblement, et tu ne voulais pas y croire. Il était plus simple pour toi de grandir en étant persuadé que soit c’était mauvais, c’était dangereux, soit ça n’existait pas vraiment, malgré les paroles de ta maman qui, un jour, avait pris le temps de t’expliquer, pour ne pas que tu tombes trop fort. Comme à chaque fois que tu grandissais un peu, à chaque fois que tu étais prompt à apprendre quelque chose de nouveau dans ce monde, elle te prenait, toi, seul, pour t’expliquer, parce que tu étais plus sensible que ton frère, tu étais étrangement plus solide et plus fragile que lui en même temps, et elle voulait te protéger, te protéger du monde, te protéger de ce qui pouvait faire mal. Te rattraper avant que tu ne tombes vraiment, te donner le parachute pour que tu puisses te relever après. Elle t’avait expliqué, tout, elle t’avait tout dit, le pourquoi ton père était parti, et pourquoi ça faisait si mal. Mais à cette époque, cette époque où elle te l’expliqua, où tu devais comprendre, tu n’avais qu’en tête le fait qu’il vous avait abandonné pour une chimère, pour une comète et que l’amour, ce n’était peut-être rien de plus que ça. Courir après une chimère en espérant en attraper un morceau, en espérant que ce soit suffisant, c’était faire souffrir l’autre pour des erreurs idiotes, c’était se blesser dans un processus dangereux, c’était se faire du mal sans le vouloir. Et toi, tu avais peur. Tu avais toujours été peureux. Et même aujourd’hui, tu pouvais te mentir autant que tu voulais sur ce dont tu avais peur. Les pyjacks, en rigolant avec un verre d’alcool plein, la mort seul, quand tu étais bien trop sobre et que tes yeux étaient fixés sur l’immensité de l’espace, te perdre, toi, quand il était tard et que tes confessions nocturnes ne touchaient que des oreilles éteintes. Tu pouvais te mentir autant que tu voulais, mais tu savais très bien la réalité derrière tout ça. La chose dont tu avais le plus peur, c’était d’être abandonné par une personne que tu finirais par aimer, par aimer vraiment à tel point que ton cœur ne t’appartiendrait plus, à quel point que, comme pour ta mère, tu te raccrocherais à un souvenir, à une odeur, à un vêtement, pour ne pas te laisser basculer dans les eaux du désespoir. Tu avais peur d’être abandonné, tu avais peur de t’attacher vraiment et de tout perdre. Parce que les histoires d’amour ne finissaient jamais bien, parce qu’il y avait toujours une entourloupe quelque part. Parce que les vraies histoires d’amour, celle du grand amour, de l’âme sœur, faisaient toujours terriblement mal, quelque part, que ce soit conscient ou non, ça faisait toujours mal et toi, tu avais peur d’avoir mal, tu avais peur de finir seul parce que, finalement, tu ne valais pas mieux qu’un autre, tu ne valais pas mieux qu’une chimère. C’était pour ça que tu ne t’ouvrais que très peu, juste assez pour permettre de la confiance, mais c’était pour ça que tu avais dû mal à ouvrir complètement le flot de tes pensées, le fond de tes réflexions, parfois bien trop sombres pour l’homme solaire que tu prétendais être en surface, et que tu étais, certainement. A force d’y croire, tu l’étais devenu, après tout. Alors, tu avais évité l’amour comme la peste, préférant t’attacher à des corps sans âme et sans prénom plutôt que de te laisser happer par quelque chose qui pouvait potentiellement te rendre heureux jusqu’au paroxysme mais qui en revanche, pouvait également te briser jusqu’au cœur même de ce que tu étais.
Tu l’avais évité devant les prêtresses lorsque tu avais reçu les bénédictions, lorsque tu devais confesser ta plus grande peur et pour que les Esprits t’en gardent. Tu t’étais confessé, les yeux fixés sur une statue, au-delà de toutes les femmes de foi qui étaient autour de toi. Tu t’étais confessé à des dieux probablement imaginaires, en oubliant que tu n’étais pas seul, en oubliant que ta mère était là, forcément. Tu t’étais confessé, et tu avais murmuré Ne me laissez pas finir seul, ne me laissez pas me faire détruire par l’amour, et être abandonné par ça. Protégez moi de l’abandon, s’il vous plaît. C’était tellement étrange, de demander telle chose, pour quelqu’un qui n’y croyait pas vraiment. Mais tu avais tellement vu de ravages de l’amour sur les gens autour de toi que tu n’en voulais pas, tu préférais tomber sous les ravages de la guerre, sous les ravages de la puissance militaire, de n’importe quoi d’autre, mais tu ne voulais pas tomber pour l’amour, parce que tu avais peur. Et tu te souvenais d’avoir vu l’une des prêtresse perte la totalité de sa posture, et qui s’était agenouillée devant toi, posant ses deux mains sur ton visage avec des subharmoniques qui imitaient les tiennes, et qui avait simplement poser son front contre le tien. Un geste si différent de sa symbolique habituelle. Elle te bénissait, directement. Elle te donna une pierre aussi, une pierre blanche que tu gardais plus ou moins toujours avec toi depuis ce jour, une pierre qui devait pouvoir t’aider, qui devait pouvoir te protéger. Et elle était retournée à son poste. Tu ne l’avais jamais revu, pas même quand tu étais passé au temple pour renouveler tes marques après ton service militaire, pour agrémenter ta carapace de quelques nouvelles lignes. C’était comme si cette personne avait disparue de la surface de la galaxie et que tu ne la reverrais probablement jamais. Et puis… La vie t’avait amené à rencontrer Aranea, que tu avais longtemps mépris comme l’amour de ta vie, le grand amour, et pourtant, il n’en était rien. Mais c’était la première fois que tu t’attachais vraiment à un autre niveau que celui auquel tu te tenais habituellement. Et quand elle décéda, loin de toi, loin de tes yeux, loin de tes mains, loin de ton cœur, quand elle relâcha ton cœur en même temps que son dernier souffle, tu avais l’impression de perdre, de te noyer, d’être seul face à ce qu’il restait de quelque chose que tu avais enfin essayer de comprendre, que tu avais enfin essayer d’affronter. Tu avais enfin essayé d’affronter ta peur, d’affronter cette peur crue de l’abandon qui était en racine depuis que tu étais petit, tout ça pour que ça te tombe des doigts. Tu ne t’étais pas pensé prêt à retrouver quoi que ce soit, qui que ce soit, et pourtant… Sulin. Sulin, c’était lui l’amour de ta vie, et tu ne le compris que trop tard, que lorsque ton cœur était déjà entre ses mains et toi, bien loin. Tu aurais voulu lui dire plus tôt, tu aurais tellement voulu lui dire plus tôt pour qu’il puisse te retenir vraiment, pour que tu ne partes pas en quête de cette chimère, en quête de cette vengeance pour quelqu’un qui t’avait, rétrospectivement parlait, bien plus fait de mal que de bien. Tu aurais aimé lui dire plus tôt à quel point tu l’aimais, à quel point il était important pour toi, à quel point il éclairait ta vie d’une manière que personne d’autre ne pourrait le faire, à quel point il possédait ton cœur, ton âme, ton corps, tout, et qu’il n’y avait que lui à tes yeux. Tu aurais aimé être capable de t’ouvrir à lui, de lui expliquer tout ce que tu avais sur le cœur, tout ce qui te brisait, tout ce qui te faisait peur, au lieu de tout camoufler sous des demi-mots parce que tu avais peur. Tu avais peur que ça aussi, ça ne soit pas réel, que ça aussi, on te l’écharpe, que ça aussi, comme pour ta maman, comme pour tout le monde, on te l’enlève, on t’abandonne. Tu avais peur, tu avais douté, toi aussi, et tu t’étais protégé contre ce qui était pourtant la meilleure chose qu’il t’était donné d’avoir. Et aujourd’hui, c’était ce qui te faisait souffrir aussi. Tous ses regrets, tous ses remords de ne pas avoir eu le courage de lui dire tout ça avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’il n’y plus rien, avant que tout ne soit abattu. Mais tu étais tombé, tu n’avais pas simplement loupé une marche sur laquelle tu souriais pour ta maladresse. Non. C’était comme si on t’avait poussé du dessus d’un vaisseau et que, depuis, tu dérivais dans l’espace dans l’espoir de trouver quelque chose à quoi te raccrocher, quelque chose pour respirer, pour poser tes pieds, pour vivre, finalement. Et tu observais, de si loin, les yeux de ton amant, de celui que tu aimais tant, empli de cet amour qui t’avait fait si peur, trop peur pour que tu avoues la réalité à temps, et dont maintenant, tu serais prêt à crever pour en recevoir les marques. L’entendre, doucement, souffler qu’il aurait dû essayer de te retenir, qu’il aurait dû s’imposer, cela faisait simplement miroir à tous les regrets qui s’accumulaient dans ta poitrine, comme une pile qui ne finirait jamais par désemplir. On le méritait, oui. Mais… Ce qui est fait est fait. Tu soufflais. C’était une triste vérité, et il n’y avait, cruellement, rien d’autre à ajouter. Les torts n’étaient qu’à peine partagés, tu refusais d’y croire, ce n’était pas.. Possible. Mais tu comprenais d’où venait la culpabilité de ton amant parce que la même s’était construite chez toi, trop tard. La réalisation était arrivée, trop tard. Comme toujours. C’était toujours trop tard pour toi. Tu n’avais pas su être là à temps pour ton père, tu n’avais pas su être assez au moment où il avait peut-être besoin que tu le sois, tu n’avais pas su être assez pour le retenir, tu étais arrivé trop tard pour faire autre chose qu’agiter la main. Tu avais pris trop de temps à réfléchir et à torturer ton petit crâne avec Aranea, tu avais pris trop de temps, tu étais arrivé trop tard et elle était partie, elle avait disparue, elle t’avait laissé, là, dans un appartement vide, elle t’avait laissé seul dans une galaxie où tu te sentais déjà cruellement seul. Tu avais pris trop de temps à comprendre l’intensité de tes sentiments pour l’homme qui se trouvait devant toi, tu avais pris trop de temps à comprendre qu’il était le bon, que c’était lui, l’amour de ta vie, et tu avais trébuché, tu étais arrivé trop tard, encore une fois. Et tu arrivais trop tard. Toujours trop tard. Tu loupais le coche, tu loupais le top départ, tu loupais le moment où tu devais être là. Tu loupais le moment où on avait besoin de toi. Tu loupais le moment où tu pouvais être vraiment là, tu loupais tout. Tu arrivais toujours trop tard. Et finalement, tu n’étais peut-être pas assez, pour tous ses gens à qui tu avais fait défaut.
Tu ne méritais même pas de te réfugier dans la douceur de la réaction de ton compagnon quand tu prononças ses mots qu’il avait déjà entendu une centaine de fois de ta part, parce que tu avais pris comme objectif celui qu’il s’aime comme tu pouvais l’aimer, qu’il se voit à travers des yeux, à travers les sentiments vertigineux que tu éprouvais pour lui. Et même si tu ne le méritais probablement pas, tu te laissas bercer dans ce petit morceau de normalité, de ce que vous étiez, avant, et ce petit morceau de passé qui ressurgissait, même s’il était terriblement modifié par rapport au passé. Parce que dans la réalité, dans la réalité de ce passé qui te manquait tant, tu aurais murmuré ça contre sa peau, pour lui faire comprendre à quel point il était parfait, à quel point chaque partie de son être était magique à tes yeux, à quel point son âme rayonnait à tes yeux, à quel point il était extraordinaire et à quel point il méritait qu’on lui offre la galaxie sur un plateau d’argent. Tu te serais rapproché de lui, tu aurais pris son visage entre tes mains, tes pouces se seraient perdus sur cette peau que tu aimais tant caresser, dans cette barbe naissante qui te paraissait si étrangère qu’elle t’était familière, tu aurais poser ton front contre le sien, tu aurais laissé tes subharmoniques chanter tout l’amour que tu avais pour lui, toute l’adoration que tu lui vouais comme s’il était un Dieu à lui tout seul, comme s’il était l’incarnation de l’amour, le vrai, le grand, l’incroyable, celui auquel tu ne croyais pas avant de le rencontrer sous un nouveau jour. Tu aurais capturé ses lèvres, tu l’aurais gardé contre toi, aussi longtemps que le temps pouvait vous le permettre, et tu lui aurais soufflé à quel point tu l’aimais, à quel point il était ta personne à toi, ton autre moitié au-delà des frontières de l’espèce, au-delà des barrières culturelles. Tu te serais perdu sur ses lèvres, tu te serais perdu dans son souffle, tu te serais perdu en lui, encore et encore, pour lui faire comprendre la perfection qu’il était à tes yeux. Parce que oui, tu le connaissais, tu le connaissais si bien que tu savais qu’il ne croirait pas tes paroles à moins d’en avoir la preuve, la vraie, celle qui comptait vraiment. Mais tu lui aurais soufflé, encore et encore, jusqu’à la fin de ton temps, à quel point il était parfait, et qu’il n’avait pas besoin d’être autre chose que lui-même. Tu aimais ce sourire qu’il n’aimait que si peu, tu aimais ses côtes qu’il trouvait trop saillantes, tu aimais ses cheveux en bataille, tu aimais sa timidité et la douceur qui en émanait. Tu l’aimais, tout entier. Lui, et ses défauts. Lui, et ses qualités ô si nombreuses. Et tu étais en train de mourir, petit à petit, sans lui. Mais tu t’en rendais compte, encore une fois, trop tard. Et tu sentais qu’à mesure que la conversation s’étirait, tu étais en train de le perdre, qu’il n’y avait peut-être plus rien pour vous. Même quand il t’expliqua le fond de sa pensée sur le pourquoi il ne pouvait t’en vouloir quand toi tu te martelais le cerveau de tous tes remords, de tous tes regrets, de toute cette culpabilité qui ne cessait de te coller à la peau. Parce que tu aurais voulu lui offrir le monde, tu aurais voulu lui offrir tout ce que tu avais à offrir, tu aurais voulu lui donner l’éternité. Et même si tu comprenais mieux, parce que tu chérissais aussi ses souvenirs, et tu ne les laissais pas être teintés par autre chose que l’amour que tu lui vouais, tu ne pouvais t’empêcher de t’en vouloir. Alors, tu murmuras, simplement. Je comprends. Parce que même si tu ne comprenais pas tout dans sa totalité, ce n’était peut-être, pour une fois, pas nécessaire. Ce n’était pas nécessaire quand ton esprit continuerait, de toute façon, de te faire comprendre que tu étais le coupable de votre malheur, que tu étais le coupable de votre défaillance, de votre déchéance, le coupable du fait qu’il ne restait rien de vous si ce n’est cet amour qui cuisait, qui brûlait, l’un pour l’autre, mais qu’il n’était peut-être pas suffisant pour réaliser les rêves que tu avais pour vous deux, que vous aviez pour vous deux. Ces espoirs que tu avais vu dans ce lopin de terre stupide, les rêves que tu avais construit dans cet appartement trop grand pour toi, ces espoirs que tu refusais de réaliser parce que tu savais très bien que tu serais incapable d’accorder ton amant la possibilité qu’il te rejoigne. Au fond, tu n’avais que peu de pouvoir sur lui, tu ne pourrais jamais éternellement lui refuser qu’il te rejoigne, et tu ne lui refuseras jamais ta porte, ta main, s’il venait à venir, de son plein gré. Mais ça, tu ne pouvais pas lui dire, tu n’arriverais jamais à lui dire, pas même quand il soufflait que cette vision de Kadara, elle lui plaisait aussi. Bien sûr qu’elle lui plaisait, mais vous saviez tous les deux que tout ceci, ce n’était qu’une chimère, une chimère inatteignable, une chimère qui était bien trop loin, une chimère qui ne semblait rien de plus à une illusion, à un rêve brisé par vos changements.
Parce que tu avais certes changé, mais tu voyais le changement chez ton compagnon, tu voyais toute la tristesse qui émanait de lui-même avec une certaine violence, avec une certaine cruauté pour ton cœur déjà abîmé. Vous aviez tous les deux pris les mêmes cassures, les mêmes coups de poing, aux mêmes endroits, et vous aviez tous les deux le même cœur brisé, le même cœur en branle qui ne demandait qu’une chose : que vous vous aimiez enfin, que vous acceptiez enfin que vous n’étiez rien d’autre que l’ombre de vous-même sans l’autre, que tu acceptes enfin qu’il vienne avec toi, qu’il prenne ta main et qu’il grimpe avec toi jusqu’aux confins des pouponnières d’étoiles que tu traversais si souvent seul avec un équipage duquel tu t’étais peu à peu détaché. Alors, tu acquiesças, silencieusement, à ses paroles, parce que oui, tu savais, mais tu ne faisais pas confiance en ta voix pour qu’elle soit égale, pour qu’elle ne se brise pas. Il était différent, mais tu l’aimais toujours autant, tu l’aimais toujours aussi fort, et il était toujours autant parfait à tes yeux. Il avait changé, il avait souffert, il était fatigué, il était ton reflet humain parce que vous aviez vécus les mêmes choses, dans les mêmes degrés ou presque. Et tout ce que tu voulais, c’était le prendre contre toi, lui souffler les mêmes merveilles que tu soufflais quand vous étiez dans l’intimité de sa chambre, tu voulais le réconforter, lui dire que tout irait bien, que tout irait mieux, mais tu savais mieux que le faire. Ce ne serait que remuer le couteau dans une plaie béante, une plaie qui faisait mal, qui s’agrandissait de jour en jour. Et quand la tornade commença à agiter ton corps, tes nerfs et ce qu’il restait de ton cœur émietté, tu t’accrochais à cet amour que vous aviez tous les deux pour l’autre. Tu t’accrochais à ce mince espoir que vous ne vous faisiez pas du mal pour rien, que vous n’étiez pas en train de vous détruire mais que vous essayiez de tout reconstruire. Sa remarque aurait dû te faire mal, et d’une certaine manière, elle te fit mal, mais tu savais mieux que t’énerver à nouveau contre ça. Ça n’avait pas d’intérêt, ça n’avait pas d’importance parce qu’il avait raison, alors, tu soupiras, las, face à sa froideur, face à cette attaque justifiée et méritée. Je ne sais pas. Parce que tu ne savais sincèrement pas s’il pouvait te faire confiance, parce que tu avais terriblement changé, et même si les fondations étaient là, le turien qu’il avait connu était enfoui bien trop profondément quelque part dans ton être, suffisamment pour qu’on ne le reconnaisse parfois plus quand les heures les plus sombres venaient assommer ton crâne. Mais ce n’était que le début, ce n’était que le début et tu attaquas aussi, parce que tu étais devenu ça. Tu étais devenu un attaquant injuste, tu étais devenu cet attaquant qui cherchait les issues, les portes sur le côté pour pouvoir frapper plus fort, toujours plus fort, pour te protéger. Parce que tu avais trop perdu, tu avais trop souffert, tu avais beaucoup trop mal. Et ta seule manière de te défendre, c’était d’attaquer, plus fort, encore plus fort et encore plus fort jusqu’à ce que tes poings saignent, jusqu’à ce que le sang ne soit plus que la dernière chose que tu pouvais voir, jusqu’à ce que ce sang bleu soit la dernière chose qu’il restait. Tu étais devenu injuste, et tu savais que tu l’étais dans ta remarque à Sulin, tu savais que tu l’étais, et il te le rendit, coup par coup, attaquant sur un point qui faisait si terriblement mal. Ce sujet, ce sujet maudit, ce sujet de peur. Parce que c’était ta seconde plus grande crainte, celle de revivre ce que tu avais déjà vécu et ce qui avait manqué de te tuer à petit feu, et qui t’aurait tué si tu ne l’avais pas rencontré, si tu ne l’avais pas vu sous un nouveau jour, si tu ne t’étais pas perdu en lui, dans ses sourires. Tu serais mort d’une balle perdue, tu serais tombé à genoux quelque part dans la galaxie, là où on ne serait pas donné la peine de retrouver ton corps, où on t’aurait laissé pourrir parce qu’après tout… C’était le risque de ton métier, et on n’allait pas retourner une galaxie pour toi. Tu ne savais même pas si quiconque se serait donné cette peine, au fond, à part ton équipage, et encore, beaucoup s’en fichaient, à ce moment-là. Si tu ne l’avais pas rencontré, tu te serais perdu, tu serais mort, comme un idiot, avec le regard tourné vers les étoiles en espérant trouver ce qu’il te manquait si cruellement après la vie. Tu aurais probablement lever la main en espérant attraper un morceau d’étoiles, ce morceau d’étoiles que l’on t’avait promis mais qui, comme toutes les promesses, finissait par être brisée. Tu te serais souvenu du rire, du sourire de Sulin, tu te serais souvenu de ces bons moments en tant qu’amis parce qu’il n’y aurait pas eu plus, tu te serais souvenu de pleins de choses et tu te serais endormi, au milieu d’une poudreuse, et tu te serais éteint en silence, comme une étoile. Tout ça, ça aurait été si tu ne l’avais pas rencontré au bon moment, si tu ne l’avais pas vu sous un nouveau jour, au bon moment. Mais tu ne pouvais toujours pas prendre le risque que ce cycle continue, parce que tu en finirais sûrement avant même qu’on ait la chance d’essayer de te tuer si jamais il venait à expier son dernier souffle dans tes bras. Tu avais peur, et il ne semblait pas comprendre que c’était cette peur, peut-être stupide, qui te contrôlait, qui contrôlait ta décision. Si ça ne tenait qu’à toi, cela ferait bien longtemps qu’il serait avec toi, qu’il n’y aurait même pas eu de rupture, rien. Mais tu ne pouvais pas lui en vouloir de t’en vouloir pour ça et de le remettre sur le tapis. Il avait raison, après tout. Encore une fois, tu n’avais pas su faire ce qu’il fallait quand il le fallait, et tu étais persuadé qu’aujourd’hui, si tu lui proposais, tu te prendrais un refus. Parce que maintenant, tu savais que Kadara n’était pas si terrible, parce que maintenant, tu mourrais littéralement à petit feu sans lui, et que maintenant, tu avais besoin de lui plus que jamais avant de te perdre, vraiment, tu avais besoin de sa lumière, de sa chaleur, de son affection avant de mourir. Parce que tu allais finir par mourir. Parce que j’ai peur, Sulin. J’ai peur de te perdre avec une balle perdue, avec un mercenaire qui ne t’aura pas du bon œil, j’ai peur qu’un jour revenir, et que tu ne sois plus là parce que je n’aurai pas été là. J’ai peur. Tu soufflais, toute colère passée, toute colère soufflée au prix de ce désespoir, de cette peur glaçante qui torturait tes entrailles avec la force d’un raz de marée. Tu soufflais, accompagné par tes subharmoniques qui chantait ton chagrin avec ce qui ressemblait à tes râles d’agonie, des râles de peur, de tristesse, de chagrin. Tu retrouvais ce que tu avais un jour entendu sortir de ta maman, ces râles de douleur, ces râles qui annonçaient tout : la perte, la peur, le chagrin, l’envie d’en finir.
Et vous vous faisiez du mal, chacun votre tour. Vous preniez vos armes et vous attaquiez, fort, pour faire mal, pour attaquer, pour blesser, pour faire réagir, pour trouver quelque chose. Et tu n’en pouvais plus. Tu n’en pouvais tout simplement plus, ton cœur en avait assez, ton corps en avait assez, tu avais mal, partout, absolument partout, et il n’y avait pas un coin de ton être qui ne souffrait pas. Et tu le regardais, tu voyais les larmes qui coulaient sur son visage et qui réveilla tes propres râles, tes propres larmes. Parce que tu étais fatigué de te battre contre lui pour des idioties, tu voulais juste le retrouver lui, tu voulais juste l’avoir lui, en débit de toute bonne conscience, tu ne le voulais que lui. Mais plus le temps s’écoulait, plus tu voyais la fatalité de ta visite. Il n’y aurait pas d’issue, il n’y avait pas d’issue et ça te brisait le cœur par avance, tu pleurais par avance tout ce qui allait devoir laisser derrière toi en partant. Tu voulais courir vers lui, essuyer ses larmes sur ses joues, mais tu te le refusais, tu n’y arrivais pas, tu étais piégé dans ton propre chagrin, le crâne tambouriné par tes subharmoniques qui ne t’écoutaient plus, qui essayaient de l’atteindre lui. Mais tu relevais les yeux vers lui, quand même, parce que même si ça faisait terriblement mal, même si tu avais l’impression qu’on te déchirait en deux, tu voulais le voir quand il prononçait ces mots qui étaient autant du baume pour ton cœur qu’un coup de poignard qui venait t’arracher un énième râle, un énième gémissement de tes subharmoniques. Tu entendais ses paroles, si facilement le miroir de ce que tu ressentais aussi, et tu essayais d’ouvrir la bouche, tu essayais de lui répondre, mais ta voix se brisait avant même que tu réussisses à parler, tu n’y arrivais pas, tu n’y arrivais tout simplement pas, parce que tu savais sur quel chemin dangereux vous étiez en train de vous diriger et il te faisait si peur, il te faisait si mal. Tu étais en train de mourir, tu étais en train de voir ton propre cœur se briser et pour peu, tu aurais pu entendre les fractures, tu pouvais sentir les battements qui ralentissaient, comme pour te protéger pour ce qui allait arriver ensuite, pour ce qui allait te détruire. Je le veux Sulin, tu sais que c’est pas… C’est pas la volonté qui m’en empêche, tu le sais. C’est la peur de te voir mort, putain. C’est la peur de ne pas reconnaître ton corps qu’on aura criblé de balles, la peur de ne pas être là quand tu auras besoin de moi, quand tu auras besoin que je sois là, la peur de te voir perdre tout ce que tu aimes, la peur que tu ne sois pas heureux avec moi, finalement. Il y avait une certaine crainte qui s’adoucissait à l’entente qu’Ashton ne serait jamais quelqu’un qui le rendrait heureux, mais tout le reste faisait si mal. Parce que tu l’aimais si fort, et ses paroles étaient le véritable miroir de ce que tu ressentais, c’était le véritable miroir de tout ce que vous aviez vécu. Il était sous ta peau aussi, toujours, il courrait encore sous ton épiderme, il était toujours dans ton crâne comme une présence rassurante, son odeur serait toujours celle que tu reconnaîtrais au milieu d’une foule, son sourire sera toujours celui qui réussissait à adoucir tous tes maux, toutes tes blessures, toutes tes plaies. A la fin du monde, il serait toujours celui qui aurait compte, il serait celui qui t’avait rendu terriblement heureux, il serait celui pour qui ton cœur serait toujours à lui. Son regard te brisait presque autant que ses paroles, et tu te sentais mourir, littéralement. Ton cœur se serrait, violemment, se contractait de telle façon que tu aurais pu croire à une maladie cardiaque si tu ne savais pas mieux que ça, ça c’était la même douleur que le jour de ton départ, le jour où tu avais refusé tout ce qu’il te demandait. Tu savais que c’était la douleur d’un amour trop profond en train de mourir, en train de s’éteindre comme une étoile, dans le silence, dans le chagrin, dans le désespoir de votre situation, et tu étais rappelé, encore une fois, qu’il s’agissait là de ta faute, la tienne. Si les paroles de ton amant n’étaient pas teintées de reproches, n’étaient pas teintés de colère, toi, tu l’étais, envers toi-même. Parce que vous vous détruisiez mutuellement. Vous vous étiez infligés des balles réelles, ces dernières minutes, vous aviez déterrés tout ce qui faisait particulièrement mal, à tel point que tu te demandais, sérieusement, s’il restait quoi que ce soit à sauver. Même quand il se rapprocha enfin, quand il brisa la distance qui vous séparait, enfin, tu te demandais ce qu’il vous restait. Quand tes subharmoniques ronronnaient enfin à son toucher, quand tu fermais les yeux pour profiter de la douceur de ses mains contre ton visage, quand tu laissais tes mandibules se frotter, doucement, à ses mains dans l’espoir de retrouver ce que vous aviez perdu, tu savais déjà quelle était l’issue, tu savais déjà les paroles qui allaient être prononcées par ton amant et qui brisaient ton cœur déjà fragilisé, déjà infiniment fragile. Tu souffrais tellement, ton cœur te faisait si mal et ouvrir les yeux était si difficile, pourtant… Pourtant, tu rouvris les yeux alors qu’une de tes mains se posait sur son poignet, très légèrement, comme un dernier acte pour empêcher ce qui semblait de plus en plus inévitable, ce qui allait vous tuer tous les deux. Tu savais où il amenait la conversation, tu savais ce qu’il te poussait à faire, à prendre une décision que tu refusais de prendre depuis un an, parce que tu croyais suffisamment en vous pour croire que cette distance, ce silence, tout ça, ne vous détruirait pas. Mais il avait raison, il avait cruellement raison. Tellement raison que ça en faisait mal, et à ce moment précis, tu le maudissais pour avoir si souvent raison, pour être si intelligent qu’il savait très bien ce qui allait se passer, ce qui découlerait de parole auxquelles tu n’arrivais pas à répondre. Ta gorgée était nouée, comme si on avait enroulé un cordon autour de tes cordes vocales pour ne laisser que tes subharmoniques chanter toute la panique que tu ressentais, toute cette tristesse qui venait à te briser, et qu’il devait entendre, de par sa proximité. Quand il s’éloigna, tu fis un pas pour le rattraper, un mouvement désespéré pour qu’il ne t’abandonne pas, parce que tu ne voulais pas voir la réalité qui se présentait à toi et celle que tu allais devoir affronter seul, à nouveau. Ta main ne réussit pas à le rattraper, il te filait entre les doigts, il disparaissait doucement entre tes doigts, il disparaissait doucement de ta vie. Sulin, non... Tu soufflais enfin, la voix si brisée que tu entendais ton traducteur galérer à traduire, à comprendre la réalité de tes paroles. Non, je t’en supplie Sulin, ne m’abandonne pas, pas toi. Ne me laisse pas, je t’en supplie, je vais mourir sans toi, je t’en supplie me laisse pas. Pas toi, pas toi. Ne me laisse pas, je t’aime, je t’en supplie ne m’abandonne pas comme tous les autres. Sulin, je t'en supplie non, ne me laisse pas, ne m'abandonne pas, ne me laisse pas mourir, je vais... J'ai peur, je t'en supplie, non. Ne me fais pas ça, ne me brise pas, je t'en supplie. Je t'en supplie. Mais rien ne sortit, les paroles restaient enfermées dans ta gorgée nouée, bloquée par ce qui était le chagrin, le désespoir, la tristesse la plus misérable de toute ta vie. Une tristesse qui ne pouvait être réelle que parce qu’il était l’amour de ta vie, et le seul qui avait une réelle importance. Le seul. Il était le seul et tu te sentais mourir à mesure que les paroles continuaient et que la question fatidique était posée, celle qui sembla te briser jusqu’au bout. Celle à laquelle tu n’arrivais pas à trouver de réponse exacte, celle où il n’y avait aucune bonne réponse parce que tu les avais déjà toute éliminée, tu les avais déjà toutes brisées et qu’il ne te laissait plus le choix. Tu n’avais plus le choix, il ne te le laissait pas. Alors, tu levais les yeux au ciel, laissant pendant quelques infimes secondes tes subharmoniques chantées pour la dernière fois, pour lui, pour lui et uniquement lui. Il n’y avait que lui.
Et tu replongeas ton regard sur lui, le vide dans l’âme et dans tes yeux où pourtant tant d’amour était encore pour cet homme exceptionnel. Et pendant quelques infimes secondes, tu te retrouvas petit. Tu te retrouvas à la porte de la chambre de ta mère pendant qu’elle pleurait, pendant qu’elle contemplait le vide laissé par l’amour de sa vie, disparu. Tu te retrouvais petit, perdu, ayant peur, ô si peur, de cet amour qui avait détruit ta mère jusque dans les profondeurs de son être. Tu retrouvais pourquoi tu avais si peur de t’attacher, tu retrouvais pourquoi tout ça t’avait tant effrayé, pourquoi tout ça était si effrayant à tes yeux. Parce que tu étais en train de le vivre. Il avait beau être là, l’amour de ta vie, face à toi, il ne l’était déjà plus tien, il n’était déjà plus qu’un vide, une absence que tu allais devoir subir jusqu’à ce que ton corps n’en puisse plus, jusqu’à ce que ton esprit vacille et que tu fasses l’erreur qui te poussera à mourir, à t’oublier pour contempler les étoiles si fades comparées à lui. Tu retrouvais les mélodies terribles que tu percevais dans les subharmoniques de ta mère, mais dans les tiennes, tu retrouvais ce visage fatigué et brisé dans le reflet d’une des vitres du laboratoire, tu retrouvais ton cœur, morcelé, à qui l’on venait d’arracher la véritable raison de vivre. Tu retrouvais ce besoin d’enregistrer tout ce qui était lui. Son odeur, son visage, ses mimiques, son attitude, comme une dernière marque, comme une dernière empreinte. Et tu te retrouvais dans la situation inverse, tu te retrouvais brisé, tu te retrouvais au bord du gouffre, à vouloir mourir comme ta mère l’aurait probablement fait si elle ne t’avait pas eu, si elle n’avait pas eu ton petit frère. Tu voulais voir ta vie en finir parce que ta vie n’avait plus de sens s’il n’était plus là. Mais il te poussait à prendre cette décision, pour vous deux, alors que tu ne le voulais pas. Tu soupiras, la mort dans l’âme, dans le souffle que tu venais d’expier. Tu n’avais jamais été bon pour les au revoir, pour les adieux, jamais. On t’avait retiré tant de fois l’occasion de dire au revoir, de pouvoir dire ce que tu avais sur le cœur, ce que tu avais besoin de dire avant qu’il ne soit trop tard qu’une fois devant la possibilité de pouvoir le faire, les mots semblaient terriblement vides, tellement inutiles, tellement agaçants, et tu ne savais pas quoi dire. Mais tu ne pouvais pas partir sans acter ce qui s’était décidé sans que vous le vouliez. Tu ne pouvais tout simplement pas, il t’en voudrait bien plus. Alors, tu plongeas ta main dans la poche de ta veste, en retirant cette petite chose que tu gardais sur toi depuis toujours, depuis tellement de temps que tu l’en oubliais parfois, tu oubliais parfois que cette chose existait, que tu l’avais un jour acheté, faite gravée d’une citation de ton espèce, le genre de citation auxquelles tu ne croyais pas avant de le rencontrer lui. Mais là, dans la paume de ta main, encore cachée au vu de ton amant, elle semblait si lourde, parce qu’elle portait le poids de tous tes espoirs, de tous tes rêves pour vous deux, de toutes les belles choses que tu avais voulu construire avec lui. Tu posas tes autres doigts sur l’objet, la ligne rouge s’entortillant autour de l’acier argenté, avec une ligne blanche pour lui faire concurrence. Cette bague était maudite, tu pensais. A force d’espérer pouvoir un jour la lui donner, elle avait fini par peser si lourd qu’elle n’était peut-être même plus portable. Et pourtant, malgré tout ce qu’il vous était arrivé, tu n’avais cessé d’espérer, tu n’avais cessé d’espérer pouvoir un jour la lui donner, et maintenant que tu y étais. Ce n’était absolument pas dans les conditions que tu auras voulues. Tu étais à des lieux de ce que tu imaginais, tu étais à des lieux de tout ce que tu avais voulu quand tu étais venu ici. Et tout ceci, tout ceci avait un goût terriblement amer. Une amertume qui t’empoisonnait le cœur à mesure que tu observais l’objet comme l’arme du crime. Non, aujourd’hui, tu lui donnais. Tu lui donnais parce que si c’était le chemin que vous alliez prendre, tu lui donnerais tout, et ce tout, c’était cette bague. C’était tes espoirs, tes rêves, ton amour, tout. Parce que tu étais brisé, tu étais épuisé, tu étais las, tu étais… Tu n’étais plus toi-même. Alors, tu relevas finalement les yeux vers lui, ta main se serrant en un poing autour de l’objet maudit. Je viens mettre un point final. Tu soufflas, la voix enrouée, brisée jusqu’au cœur même de qui tu étais alors que tu plongeais ta main dans ton autre poche, là où l’objet que tu étais venu lui donner originellement trônait. Un bracelet, avec des perles dans lesquelles étaient incrustées, en plein cœur, des pierres provenant des différentes planètes du secteur, et tu avais pensé à lui, en le voyant sur une étale à Kadara. Tu avais pensé à lui, à votre rencontre sur Havarl, à tous les moments que vous aviez passés ensemble, à cette relation qui allait bientôt être du passé, un passé dans lequel tu te perdrais bien à nouveau et que tu changerais si tu le pouvais, ô que tu le changerais pour que rien de tout ça n’arrive, pour que tu ne fasses pas cette foutue bêtise. J’étais venu te donner ce bracelet, originellement. J’avais pensé à toi en le voyant à Kadara et… Je sais pas, c’est débile, hein ? Ouais. C’est probablement stupide, mais il me faisait penser à toi. Tu soufflas, la voix rauque alors que tu te rapprochais pour venir déposer les deux objets sur le bureau, ne mentionnant nullement la bague parce qu’il savait très bien la connotation que cela avait, c’était sa culture après tout. Celle à laquelle tu essayais tant de t’adapter, pour lui, pour le comprendre, pour le comprendre mieux que quiconque, pour le combler mieux que quiconque, et maintenant… maintenant, cette bague trônait là, représentatrice de tous tes espoirs, de tout ce que tu avais espéré pour vous deux, de l’amour inconditionnel que tu lui portais, sans frontières, sans limites. Elle était maudite, tu pensais. Elle ne pouvait qu’être maudite, ou alors, tu étais celui sur qui il trônait une malédiction, finalement. Tu inspiras à nouveau, profitant de n’être qu’à quelques centimètres de lui pour respirer une dernière fois cette odeur que tu aimais tant, la sienne. Tes doigts restaient doucement sur la bague, traçant les contours de cette bague si simple et pourtant si porteuse de tout, et tu finis par la lâcher, te reculant d’un pas pour pouvoir croiser son regard, une dernière fois. Et tu ne résistas pas, tu ne pouvais pas. Si vous deviez en finir ici, il devait comprendre, une dernière fois. Je t’aime, et ça ne changera jamais, sache le. Tu es le seul qui a compté et qui comptera, le seul. Il n’y aura personne après toi, pour moi, personne. Et si je dois finir ma vie seul, ce sera ce qui se passera, mais je ne pourrais aimer personne d’autre que toi, parce que même loin, même brisés, tu gardes mon cœur. Et je continuerais de chérir ce qu’on a eu, toujours, et.. Je t’aimerai toujours, demain, dans cinq ou vingt ans. Toujours. Mais… Tu t’arrêtas doucement, les yeux dans vague, fixés à tes mains tremblantes parce que tu avais juste envie de t’écrouler, de t’effondrer et de ne pas jamais te relever, de le supplier que ça ne se finisse pas comme ça. Que ça ne s’arrête pas ainsi, pas comme ça, pas aussi silencieusement, pas aussi durement, pas quand vos sentiments étaient à un tel paroxysme que ça en faisait mal, de l’aimer. Tu relevas un peu les yeux, et tu pris un dernier pas en sa direction, pour simplement poser ton front contre le sien, une dernière fois, une dernière marque d’amour, une dernière. Celle qui finit par te briser le cœur, pour le laisser en miette, véritablement. Tu le sentis se briser dans ta poitrine alors que ton front entrait en contact avec le sien, que ta main se posait contre sa joue, une dernière fois, pour essuyer les traces de larmes. Tu es l’amour de ma vie, Suli. Mais je te libère de ta promesse. C’est… Fini, pour nous. Ta voix se brisa sur ce dernier mot, l’impression de t’étouffer n’avait jamais été aussi forte, tes subharmoniques vibrant si fort que tu en avais mal, parce que c’était si douloureux, à prononcer. Ça faisait si mal. Je ne veux pas que ce soit fini, Sulin. Je vais mourir, sans toi. Je vais mourir, mais je peux pas t’emmener avec moi, je suis désolé, je suis tellement désolé. Je t’aime, je suis désolé de t’avoir pourri la vie à ce point, d’avoir pourri ton existence avec ma présence. Je suis désolé. Je suis tellement désolé. Tant de sentiments que tu ne pouvais exprimer avec des mots mais que tu exprimais avec ce baiser de ton espèce, avec des subharmoniques qui soufflaient pour toi tout ce que tu n’arrivais pas à dire, tout ce que les mots étaient trop faibles pour en capter la totalité, l’intensité. Tu avais si mal. Tu avais si si mal. Mais tu t’éloignas, parce que tu ne pouvais pas rester là, parce que tu n’en avais plus le droit. Alors tu fis un pas en arrière, un second, avant de relever les yeux vers lui. Cela faisait si mal, tu souffrais tellement. Mais il n’y avait pas d’autres issues, il le savait quand il te posa cette question. Il savait que c’était cette issue là. Il savait que vous en arriveriez là. Il te poussa à prendre cette décision, pour vous deux. Essaye d’être heureux, essaye de trouver le bonheur, je t’en supplie. Tu soufflas enfin avant d’inspirer une dernière fois, cette inspiration qui faisait si mal, qui tordait tes entrailles. Tu avais l’impression que de l’acide glissait dans ta gorge et venait aseptiser la totalité de ce que tu étais. Pourquoi cela faisait si mal ? Pourquoi vous en étiez arrivés là ? Pourquoi ? Tu n’en savais rien, mais tu vivais ta plus grande peur. Par ta faute. Ton échec. Ta bêtise. Et tu ne pouvais plus rester ici, pas quand tu avais l’impression d’étouffer, quand tu avais l’impression que tu allais t’effondrer devant lui et que tu ne pourrais plus te relever. Non. Il fallait que tu partes. Alors, tu te retournas, passant ta main devant le capteur pour que la porte s’ouvre enfin, vous délivre tous les deux de l’atmosphère pesante, triste, et désespérée qui vous entourait, et tu posas ta main contre le rebord de la porte, à quelques secondes de partir, et tu tournas à moitié ton regard, une dernière fois. Pour capturer son visage, pour capturer l’amour de ta vie, que tu venais de briser, à nouveau. Une dernière fois, et c’était la pire de toute. Au revoir, Sulin. Ta voix était brisée, tes subharmoniques aussi, et on sentait, sans mal toute la détresse, une détresse que les traducteurs ne pouvaient camoufler. Tu n’avais jamais su dire au revoir, tu n’avais jamais su comment faire, et pourtant, pour toutes les fois où tu aurais voulu le faire, cette fois-ci n’était pas l’une de celle où tu aurais voulu le faire. Dire au revoir, ça faisait mal. Dire au revoir à l’amour de ta vie qui t’aimait encore, dire au revoir à l’amour de ta vie qui allait encore souffrir par ta faute. Dire au revoir, tu aurais préféré t’en passer, cette fois. Et alors que tu retraçais le chemin inverse, tu te sentais petit à petit mourir, tu sentais ton cœur vaciller alors que tu passais la baie d’amarrage, tu te sentais nauséeux alors que tu grimpais la rampe. Et enfin, tu te sentis mourir, quand tu t’écroulas sur le sol de ta cabine, vidé, vidé d’énergie, vidé d’envie de vivre, vidé de tout. Ce n’était plus un trou béant dans ta poitrine, mais des abysses qui commençaient petit à petit à engloutir ce qu’il te restait de moralité, de vie, et tu pleuras. Si fort, si fort que lorsque le Leviathan décolla, tu ne t’en rendis qu’à peine compte. Tu pleuras jusqu’à n’en plus pouvoir, tu pleuras cet amour perdu, tu pleuras cette morte subite de ce que vous étiez, et tu contemplas, à nouveau, le vide, l’absence. Ton cauchemar qui se réalisait sous tes yeux, la peur de ta vie qui se réalisait sous tes propres yeux pour te donner libre cours aux idées les plus sauvages. Tout était fini.
Sulin Morlan & Sylhas Astros Just break my heart once and for all | |
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