| Posté le Mar 25 Aoû - 18:52 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | Hey, I'm back, I'm back home I think I've seen this film before and I didn't like the ending. You're not my homeland anymore, so what am I defending now? You were my town, now I'm in exile, seein' you out ◊ ◊ ◊ Il y avait tellement plus de choses dans ses excuses que ce qu'il n'y paraissait, tellement de regrets et de fatigue émotionnelle, une prise de conscience qu'il sentait malgré lui dans sa voix. Juste parce qu'il savait à quel point c'était sincère, juste parce qu'il ne voulait pas l'accabler encore plus, Sulin fit l'effort de se redresser. Il le fit parce qu'il savait ô combien Sylhas souffrait de la situation, ô combien il avait déjà payé le prix fort de sa terrible erreur. Mais lui alors ? Lui n'avait-il pas souffert de cette situation ? Quand il rentrait chez lui le soir, qu'il sentait ce vide autour de lui, ce vide l'envelopper et cette absence peser ? Quand il se mettait à sourire en s'imaginant ce que Sylhas aurait dit en entendant tel discours, en voyant tel foutu film avec lui ? Quand il se plaisait à se torturer en imaginant à quoi aurait pu ressembler leur vie si tout ça n'était pas arrivé, s'ils auraient fini par s'installer ensemble, s'il aurait pu être pleinement heureux ou si ça aussi ça on lui aurait refusé. Si leur relation aurait fini par devenir toxique comme toutes les autres, s'ils ne se seraient pas déchirés mutuellement. Des fois il se disait que c'était mieux comme ça. De rares fois. Le reste du temps, il s'enfonçait simplement dans l'idée que Sylhas était le grand amour qu'il avait attendu toute sa vie et que l'univers lui avait pris pour on ne sait quelle raison mesquine et cruelle. Quoi qu'il en soit, le Morlan prit sur lui parce qu'il l'aimait encore. Il l'aimait encore suffisamment pour mentir sur ces choses là, pour essayer de paraître moins triste qu'il ne l'était, moins hésitant, moins accablé par les doutes que le turien avait fait naître en lui. Il le faisait parce que l’égoïsme avait fait son temps et que son cœur se détruisait en le voyant si mal, si mal à cause de lui.
- Ne t'excuse pas.
Il avait presque envie de rajouter que tout allait bien, qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Ce mensonge était cependant trop odieux pour être formulé, même pour apaiser. Si l'impératif pouvait suggérer une certaine dureté, il n'en était rien. Il se faisait plus doux, plus chaud, presque félin en ronronnant ces quelques mots, les chuchotant comme au coin du feu. Il semblait vouloir apaiser un peu ces plaies qu'il avait lui-même rouvertes en se montrant si froid, si protecteur envers lui-même. La façon dont il lui avoua ne pas vouloir partir fendilla de nouveau un peu plus sa carapace, il continua sur le même ton.
- Alors ne pars pas.
Il le disait comme si ça allait de soit, comme 1+1 font deux. Pourtant il savait que rien n'était aussi simple que ça, absolument rien. Il ne savait même pas combien de temps ils avaient daigné lui accorder sur le Nexus avant qu'on ne le force à s'en aller. Pourtant il n'avait pas envie d'y penser pour le moment, son regard se faisait tantôt fuyant, tantôt enveloppant comme s'il souhaitait capturer chaque minuscule détail de la vision qu'il avait devant lui, aussi triste soit-elle. Et finalement, c'est lui qui lui demande de ne pas s'excuser. De ne pas s'excuser pour l'avoir évité, pour s'être soustrait à son amour, pour avoir de nouveau préféré la protection au risque de se laisser de nouveau entraîner sur cette pente glissante. Peut-être n'avait-il pas à s'excuser, en effet. Peut-être qu'il avait eu le droit de ne pas vouloir de nouveau vivre cette solitude accablante qui lui avait pour la première fois de sa vie donné envie d'hurler à plein poumons, d'hurler comme un forcené. D'hurler à la galaxie entière, d'hurler aux étoiles à quel point il souffrait et à quel point il se sentait mal, désespéré, malheureux, abandonné, et par dessus tout seul. Seul de nouveau quand tout ce qu'il avait toujours voulu, c'était quelqu'un pour partager sa vie. Seul, encore et encore. Seul en voyant le vaisseau quitter la baie d'amarrage, seul en entendant tous ces murmures mesquins, seul au milieu des autres, seul la nuit, seul toujours. Il se demandait parfois pourquoi la solitude ne lui avait jamais pesé autant qu'après le départ de Sylhas, comme si on lui avait retiré les couleurs, le sel de la mer, les saveurs d'une bonne cuisine. Comme si tout n'était plus que fade et édulcoré, comme si on lui avait pris une part de lui. Peut-être qu'il n'avait pas à s'excuser pour ça, quand bien même l'éviter n'avait fait que creuser un fossé entre eux, amplifier l'absence, rendu la douleur sourde mais pas absente.
- J'ai mes torts moi aussi.
Il disait ça sérieusement, pas seulement dans un insultant effort pour se montrer poli. Il avait ses torts, il ne l'avait pas empêché de partir. C'était un de ses plus grands regrets. Il n'avait pas su s'affirmer, se montrer assez présent pour lui dire que non, que c'était hors de question. Qu'il n'irait pas là-bas, que ce n'était pas ce qu'Aranea voudrait et que lui aimerait qu'il cesse de s'en soucier. Peu importe à quel point cela pouvait sembler égoïste, peu importe à quel point cela pouvait paraître mesquin. Il aurait dû lui dire, lui dire que c'était hors de question. Il aurait dû être suffisamment présent, à l'écoute pour qu'il se sente suffisamment en confiance pour lui parler de ça, pour qu'ils trouvent une solution ensemble. C'était trop tard désormais.
- T'éviter et être désolé n'a rien arrangé et n'arrangera jamais rien. Ce qui est fait est fait. On ne peut pas revenir en arrière, je ne t'en veux plus Sylhas.
Je suis heureux d'avoir pu faire un bout de chemin avec toi, qu'il aurait dû dire. Les mots restèrent coincés dans sa gorge, parce que c'était trop dur de continuer à faire comme si plus personne n'espérait quoi que ce soit les concernant. Comme si eux aussi avaient fini par ne plus croire en cette histoire que beaucoup moquaient avant même qu'elle ne commence réellement. Alors il ne rajouta rien, rien du tout, et il le laissa poursuivre sur son état de santé moral actuel. Ses mots lui brisèrent le cœur, parce que c'était aussi terrible qu'il se l'imaginait, peut-être plus. Le scientifique fit quelques pas de côté, semblant vouloir contourner le bureau qui les séparait mais s’immobilisa finalement, les yeux négligemment posés sur le bout de ses chaussures. Il retourna à sa place en s'imaginant l'avoir pris dans ses bras au lieu d'avoir posé cette stupide question.
- Pas si horrible que ça, hein ?
Kadara, ça semblait si loin. A en croire l'Initiative, c'était un véritable coupe gorges. Sulin n'était pas du genre à croire l'Initiative, ni les gens qui parlaient sans réellement savoir ce qu'ils évoquaient. Il lui posait la question avec crainte, en ayant peur de la réponse mais en ayant bien conscience de la nécessité d'une telle question. Lui qui avait voulu la rejoindre avec tant d'assurance, cette dangereuse planète. Il finit par rebondir sur quelques uns des propos qu'il avait tenu, évitant toujours son regard alors qu'il le corrigeait presque avec fermeté.
- Tu ne ressembles pas à un mercenaire fatigué. Tu ne ressembleras jamais à un mercenaire fatigué. Tu es...
Tu es mien, je réponds à chaque parcelle de ton être, ton âme rayonne si fort qu'elle éclaire bien mieux que n'importe quelle lumière artificielle de n'importe quelle station de cet univers si vaste et si cruel. Tu ne seras jamais comme les autres, parce que tu es spécial pour moi.
- Tu es différent. Tu le seras toujours.
Il prononça ces mots avec une rapidité folle, nerveusement. Comme s'il expliquait quelque chose de pourtant particulièrement évident à ses étudiants. Il préférait répliquer là-dessus plutôt que sur le fait que le turien n'était pas sûr lui même de tenir le coup. Ça aussi, c'était plus facile. La suite renforça la glace, suffisamment pour que le Morlan sente une colère froide s'emparer de lui. Une colère comme seul un grand amour est capable de déclencher. Sulin n'aimait pas que l'on doute de lui. Il détestait ça de toute son âme quand c'était Sylhas qui le faisait.
- Les nouvelles vont vite, à ce que je vois. Je ne savais pas que tu y prêtais attention.
Un dîner. Un dîner et quelques verres et on l'imaginait déjà marié à Ryder. Incroyable. Ça lui aurait donné des envies de meurtre s'il n'était pas grand pacifiste et convaincu que la violence ne résolvait jamais rien.
- En effet, il m'a beaucoup aidé quand tu es parti. Après tu aies été exilé, il m'a permis de te défendre face au Conseil. Quand tu as refait ta vie sur Kadara, il m'a épaulé. Quand les gens jasaient à propos de tes frasques et de ma relation avec toi, il les réprimandait. Le Pionnier Ryder a en effet beaucoup fait pour moi dernièrement. C'est quelqu'un de bien.
Il laissait planer un doute de la taille d'un vaisseau spatial volontairement, quand bien même il savait que Sylhas en serait fou. Et de jalousie, et de douleur. C'était quelque chose qu'il estimait mériter pour avoir osé insinuer qu'il était prêt à recommencer quoi que ce soit après lui. Que tout ce qu'ils avaient échangé malgré le naturel peu démonstratif de Sulin ne valait rien à ses yeux. C'était dur, particulièrement risqué, presque cruel, mais c'était à ses yeux amplement mérité.
(c) oxymort |
| Posté le Mar 25 Aoû - 18:54 | I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | Hey, i'm back, i'm back home Nexus | Les regrets étaient comme des ballons, des ballons de baudruche que tu cherchais quand tu étais petit, et que tu n’arrivais jamais à prendre parce que tes ergots n’étaient jamais assez bien taillés pour qu’ils restent entre tes mains. Les regrets étaient des ballons que l’on attachait à des objets pour que l’objet puisse voler. Mais les regrets pouvaient également être des ballons plus lourd, semblables à des boulets que l’on traînait comme des prisonniers, qui empoisonnaient le corps autant que l’esprit. Et tes regrets à toi… ils étaient passés de petits ballons de baudruches que tu éclatais doucement en réparant tes méfaits à de gros boulets d’acier qui t’empêchaient d’avancer comme tu le voudrais. Ils étaient devenus le poison de ton esprit et de ton corps, te rendant incapable de bouger avec l’aisance habituelle qui caractérisait ta classe, qui caractérisait tout tes enseignements au final. Tu avais l’impression quasi constante d’être dans des sables mouvants qui essayaient de t’aspirer vers le fond, toujours plus bas, toujours plus profondément et que plus ça allait, plus tu semblais te noyer ou prompt à finir dans des abysses sans lumière, sans une once de vie. Peut-être que c’était ça qui t’attendait au final ? peut-être que tu finirais le bout de ton chemin, seul, à contempler les étoiles pendant que le souffle était retiré de tes poumons, pendant que tes yeux perdaient leur clairvoyance, pendant que tu dérivais dans une marée d’étoiles. Ce n’était pas une mauvaise façon de mourir, en soit, mais tu finirais seul, et cette perspective, de plus en plus, t’effrayait à un point où là encore, tu n’arrivais plus à dormir. Parce que tu avais peur. C’était une constante chez toi. Déjà petit, tu avais peur quand tu explosais ses petits ballons de baudruche par accident. Ce n’était qu’un sursaut, qu’un léger mouvement, une légère panique qui faisait courir ton cœur à une vitesse lumière, mais c’était suffisant pour montrer que tu avais besoin de t’endurcir. Adolescent, c’était le regard des gens qui t’effrayaient le plus, et leur jugement vis-à-vis de qui tu étais et tout ce que tu étais et représentais, c’était les mouvements brusques qui arrivaient à te mettre sur la défensive, et les bruits un peu trop élevés qui réussissaient à te faire sursauter. Plus âgé, tu t’es endurci. Tu as appris à contrôler tes peurs les plus anodines pour qu’elles deviennent de véritables atouts, pour que tu sois capable de regarder la mort en face et de l’envoyer se faire foutre aux confins de l’univers. Aujourd’hui, ta peur la plus profonde n’était pas celle de ta propre mort mais celle de la personne que tu jugeais être comme ton âme sœur, aussi niais que cela puisse paraître. Tu étais tombé amoureux à de nombreuses reprises dans ta vie, adolescent, jeune adulte, adulte, peu importe la période, tu avais rencontré l’amour sous différentes formes. Parfois, ce n’était qu’un flirt taquin qui camouflait ton besoin d’affection, qui comblait ton besoin d’être tactile. Alors tu avais découvert le plaisir de la chair et ton premier amour était celui pour la chair, rien que la chair. Parce que c’était facile, c’était sans attache, ça ne te demandait pas de développer des sentiments et des points d’encrages quand tu n’étais pas sûr de la direction que prenait ta vie et quand tu n’étais pas sûr que les gens en face de toi ne te faisait pas marcher pour t’humilier un peu plus. Après tout, c’était arrivé. Mais tu avais connu l’amour, les premiers mots doux soufflés dans l’intimité d’une chambre, d’un parc, d’un café, une main dans l’autre, un sourire aussi innocent que du sucre. Tu t’étais perdu dans des sourires que tu avais finalement quitté en partant pour ton service militaire, parce que c’était là-bas que ta vie commençait d’une certaine manière. Là-bas, tu avais renoué avec l’amour simple de la chair, du sexe dans sa forme la plus pure, dans le simple but de pouvoir relâcher la pression entre deux tours de garde. A ton retour, c’était différent. Tu avais grandi, tu t’étais endurcie, tu avais perdu de ton innocence. Et tu avais rencontré des gens, des visages, des corps, tu en avais aimé certains, pour quelques mois, quelques semaines parfois, rien de plus. Et il y avait eu elle.
Elle, elle était particulière. Elle était une tornade au milieu d’un désert aride et calme, elle était un tsunami en plein milieu d’une rivière. Elle était folle. Elle était d’une violence que tu ne voyais que rarement chez les humains, toujours prompt à l’ouvrir quitte à se prendre des mandales, toujours prompt à vouloir avoir raison, toujours prompt à cogner, à frapper, à s’énergiser, encore et encore. Elle était le déclencheur de bien de tes poudres, elle alimentait tes propres côtés malsains sans que tu le saches. Elle alimentait ta jalousie, ta possessivité parce que c’était quelque chose qui l’excitait, qui exultait certains de ses sens et certains pans de sa réalité, de sa conscience. Ça ne te faisait pas peur à l’époque. Tu étais insouciant, tu étais jeune, tu étais aveugle. Tu t’étais retrouvé, très vite, autour de son petit doigt, et elle autour du tien. Vous étiez comme deux pendants d’une même pièce, turbulents, impulsifs, de véritables ondes de choc quand vous étiez tous les deux sur le terrain. Mais elle t’alimentait. Elle t’alimentait de la pire des manières. Mais tu l’aimais, fort. Sa mort fut brutale, parce que soudainement, tu te retrouvais seul et parce que tu étais vidé. Elle t’avait tout pris en quittant ce monde, elle t’avait arraché ton énergie, ta vitalité, ta motivation, tout. Et il fallait que tu t’endurcisses encore, et encore. Aujourd’hui, tu savais que si cette relation avait continué, si elle avait encore été en vie, vous vous seriez auto-détruit. Vous vous seriez empoisonnés l’un l’autre jusqu’à vous écorcher vif, parce que vous vous alimentiez mutuellement, vous étiez tous deux des bombes à retardement qui s’envoyaient les tics et les tacs comme des balles de ping-pong. Vous vous seriez tués. Et vous seriez morts tous les deux. Suicide. Erreur sur le terrain. Dispute de trop. Tes ergots dans sa gorge, son omnilame entre tes yeux. Dans tous les cas, tu le savais, cette histoire se serait mal finie, vous auriez forcément mal fini. Parce qu’au-delà des apparences d’une relation idyllique où la confiance et la fusion étaient là, il y avait bien plus. Personne ne sait ce qu’il se passe derrière les portes fermées, et dans votre cas, personne ne savait vraiment, personne. Après tout, il t’avait fallu du temps aussi pour comprendre, pour arriver à la réalisation que tu t’étais trompé sur une bonne partie de la ligne. Tu l’aimais, énormément, mais tu savais aussi qu’il y avait parfois plus de disputes et de sexe énervé qu’il n’y avait de mots doux accompagnés de baisers amoureux. Il y avait plus de tension qu’il n’y avait de calme, et vous étiez déjà, avant sa mort, en train de vous tuer. Vous aviez projeté de vous marier, tu avais pensé la demander en mariage en espérant que tout ça se calmerait, que la furie se tairait, que ta jalousie perdrait de son intensité. Mais rien n’aurait pu te certifier tout ça. Tu l’avais aimé, énormément. Et ça, ça ne changerait jamais. L’amour que tu avais eu pour elle ne changerait jamais, les moments les plus agréables de votre couple non plus, et tu ne saliras jamais son image en parlant de ces petites choses qui désormais te donnaient envie de te gratter les plaques, mais il y avait bien plus que ce que vous donniez à voir. Ton deuil, tu ne l’oublierais pas, la peur, la crainte et le chagrin qui en découla, non plus. Jamais. Quand tu trouvas Sulin, c’était tout de suite différent. Il y avait quelque chose de terriblement différent, quelque chose de magnétique, quelque chose d’instinctif, mais loin du même instinct que ce que tu avais eu avec ta précédente compagne. Et tes peurs étaient revenues, parce que tu ne savais pas dans quoi tu mettais les pieds, et tu étais foudroyé par une peur que tu pensais maîtriser depuis des années mais qui, finalement, avait toujours été là, en sous-tâche, noyant le reste de tes problèmes dans d’autres paquets. Mais quand tu trouvas Sulin, il y avait une inquiétude qui ne s’était jamais pointée, celle qui te berçait encore aujourd’hui malgré tout : que rien ne serait comme avec Aranea. Parce que tu avais appris de tes erreurs, et tu savais ô combien tu avais été injuste avec elle aussi, de la même manière qu’elle l’avait avec toi et qu’elle t’avait brisé sans le savoir. Mais ce fut votre manière de fonctionner : violent, brut, amer. Avec Sulin, c’était différent. Tu voyais tes rêves se reconstruire avec lui, avec ses sourires, avec les réveils doucereux à ses côtés, avec la domesticité avec laquelle tu t’étais presque installé chez lui, volant sa nourriture quand il n’était pas là et que tu revenais de mission, trop épuisé pour penser à aller chercher de quoi manger, dans la facilité que vous aviez à vivre ensemble, à cohabiter même si ce n’était pas toujours sur de longues périodes parce que tu ne pouvais pas non plus t’imposer chez lui. Mais tu avais vu la facilité avec laquelle vous communiquiez, avec laquelle tout se passait si normalement, si aisément. Et tu avais vu dans sa figure une personne que tu n’avais jamais cherché parce que tu n’y croyais tout simplement pas, mais qui était pourtant ce dont tout le monde parlait. Une âme-sœur, un terme niais que tu n’aimais absolument pas, que tu trouvais terriblement lointain de la profondeur des sentiments et des espoirs, des rêves que tu avais forgé sur votre relation. C’était tellement en deçà de la réalité, et tu ne pouvais résumer cet homme en un seul mot, en une seule locution quand il était rapidement devenu un soleil dans tes journées, et une lune pour tes nuits, quelque chose de constant, une présence fiable, un amour dans lequel tu te perdais aisément, sans jamais avoir l’impression que tu finirais par imploser ou exploser. Non, avec Sulin, c’était simple. C’était ton amour à toi. Et aujourd’hui, tu étais persuadé qu’il était l’amour de ta vie, et qu’après lui, tu ne trouverais probablement rien d’aussi intense, d’aussi puissant, d’aussi incroyable. Et au fond… Tu ne chercherais pas. Si ce que vous aviez eu était tout ce que vous auriez, alors soit. Tu continuerais à chérir la douceur de ses souvenirs comme des trésors, et tu finirais ta vie seul. Triste. Malheureux comme une pierre, peut-être, mais c’était ainsi. Au fond, tu ne voulais personne d’autre que Sulin. Il était le seul à trouver grâce à tes yeux, parce qu’il était parfait à tes yeux. Il était aussi lumineux qu’un soleil, aussi luminescent que toutes les plantes que tu avais pu rencontrer, et tu l’aimais comme il était. Tu aimais ses sourires, ses petites habitudes curieuses – même celle de faire des listes, ce qui clairement, t’intriguait plus que tout au monde – et ses quelques manies, tu aimais la douceur qui émanait de lui sous le masque froid qu’il portait régulièrement. Tu aimais la façon qu’il avait de te regarder, de te toucher, de te parler, tu l’aimais, si fort. Et même avec la distance, cet amour ne perdait nullement en valeur. Il grandissait, chaque jour un peu plus, continuait de faire battre ton cœur. Et si pour toi, ça, ça ce n’était pas la définition de l’amour de ta vie, tu ne savais pas ce qui serait suffisant à l’être. Parce qu’il l’était. Sulin était l’amour de ta vie, et tu n’avais jamais autant été certain de toute ton existence, et tu avais peur de le perdre. Tu avais peur qu’il t’abandonne, tu avais peur qu’il lâche prise sur ce que vous aviez vécu, sur le temps que vous aviez eu à vous deux et sur le temps que tu espérais encore était à venir. Parce que toi, toi, tu n’abandonnais. Tu ne vous abandonnais pas, même aux confins de la galaxie, dans cet appartement que tu avais aménagé à moitié pour vous, que tu avais aménagé pour une vie à deux, un cocon pour celui que tu aimais au milieu d’un trou de renégat, pour qu’il y soit heureux malgré tout. Tu ne lâchais pas prise, au contraire, tu maintenais tes espoirs, là, contre ta poitrine, contre le vide béant laissé par son absence. Tu ne lâchais rien, et tu te le refusais. Tu ne pouvais pas faire une croix sur vous, sur le vous du passé et sur le vous que tu voulais voir dans le futur. Parce que c’était comme ça, Sulin était l’amour de ta vie, et tu ne comptais pas laisser tomber celui qui illuminait si aisément tes journées. C’était comme ça.
Alors, quand il te disait de ne pas t’excuser, ça te paraissait impossible parce que tu avais tant à te faire pardonner. Tu avais tant à réparer, tant à t’excuser auprès de lui parce que tu le brisais, tu le voyais. Tu l’avais brisé, tu l’avais abandonné quand tout allait bien, tu avais couru après une chimère en pensant que cette dernière te libérerait à jamais de l’emprise de ton propre passé. Tu avais couru après une comète en pensant que celle-ci ne t’exploserait pas à la tronche, et pourtant, tout t’avait explosé en pleine figure, et tu priais, si fort, pour qu’il reste quelque chose à reconstruire au bout du chemin, parce que tu l’aimais suffisamment pour y croire si fort. Tu l’aimais tellement que tu étais prêt à abandonner tout ce que tu connaissais pour l’inconnu si l’inconnu était avec lui. Tant que l’inconnu n’était pas Kadara, tant que l’inconnu ne l’obligeait pas à quitter des choses qu’il aimait pour toi. C’était des conditions que tu rajoutais par peur qu’il ne se perde, lui aussi. Sulin… Tu sais très bien que j’ai un milliard de choses à me faire pardonner et que je ne pourrais jamais assez te demander ton pardon pour toute la merde que j’ai engendré. Tu soufflais, encore une fois dans un murmure. Même si tu n’explicitais pas toutes les choses pour lesquelles tu avais besoin d’être pardonné, il les savait. Tu le savais. Il n’y avait rien de plus à ajouter, si ce n’est ta culpabilité qui te soufflait, encore et encore, que tu n’aurais jamais les épaules pour supporter tous les pardons à murmurer, à souffler, à crier si ça te permettait d’obtenir le pardon réel de celui que tu aimais. Parce que ce que tu avais fait était grave, c’était imposant, c’était meurtrier, et il aurait été plus facile pour toi de te tuer en mission plutôt que d’en arriver là où vous en étiez aujourd’hui. Même le ton employé par ton amant, ce ton que tu connaissais très bien parce qu’il te l’avait souvent adressé, ne réussissait pas complètement à faire ployer la culpabilité déjà bien installée en ton sein suite à ta prise de conscience de tes bêtises, de ta bêtise, de ta stupidité et surtout, de ton instinct qui avait tout ravagé sur son passage comme un tsunami inarrêtable. Et tu sentais, encore, du bout des doigts, comme un objet fantôme, le ballon de baudruche entre tes doigts, ce regret que tu essayais de percer mais qui, pour une fois, refusait de ployer sous tes ergots, qui refusait de se percer pour que tu puisses trouver un peu de réconfort dans ce timbre que tu aimais tant et que tu chérissais. Je suis là. Je ne pars pas. Tu soufflais, presque comme une promesse, comme l’écho de ce qui avait été partagé sur cette baie d’amarrage, lorsqu’il ne restait plus rien que des promesses. Tu ne pouvais pas lui dire que c’était éphémère, il n’avait pas besoin, il le savait. Tu savais que ceci était éphémère, que cette liberté accordée était éphémère, et tu le savais encore plus parce que les images étaient encore vives, celles de ton départ, celles de ce qui avait tout brisé et fissuré. Les images de ton départ, de la tristesse dans ses yeux après un dernier baiser, une dernière caresse de ton front contre le sien dans ce geste terriblement intime propre à ton espèce, avant que tu ne rejoignes la rampe, quand ta main quitta la sienne pour rejoindre le vide abstrait qui vous séparait, ce vide intersidéral qui rejoignait celui qui se creusait dans ta poitrine. Quand ton autre main quitta sa peau, douce, opaline, après une dernière caresse, une dernière promesse tacite que tu reviendrais, que tu ne l’abandonneras jamais, que tu ne l’oublieras jamais, d’une certaine manière. Ta voix ne pouvait s’élever parce qu’elle se serait brisée alors tu avais véhiculé autant que tu pouvais par des gestes, par des petits actes, par des riens qui signifiaient des tout. Quand il avait murmuré cette même promesse qui venait à te briser, qui venait à t’insuffler de l’espoir là où tu pensais qu’il n’y aurait plus rien, qu’il te laisserait là alors que c’était toi qui l’abandonnais. Quand tu avais tourné ton regard pour observer ce magnifique vaisseau qui était tien mais qui n’avait plus la même saveur parce qu’il ne te permettrait plus de le rejoindre aussi aisément qu’auparavant. Quand, avant que la porte ne se ferme, tu l’avais regardé une dernière fois avant que la voix de Jayleen, brisée elle-aussi, ne te ramène à la réalité : que vous partiez, que c’était fini. Quand tu avais laissé tes subharmoniques pleurer de tout leur saoul avant de t’effondrer au premier mouvement du vaisseau en dehors du Nexus, quand tes jambes avaient ployé pour te laisser t’effondrer, seul, dans ce cargo, et que l’on t’avait laissé seul, ici, pendant des heures, à chercher le réconfort d’une présence fantôme, à le chercher dans les odeurs qui restaient sur toi, à le chercher dans ta mémoire, dans ton souvenir, pour imprimer son visage pour que tu ne l’oublies jamais. Quand tu cherchais, sur tes vêtements, son odeur comme un forcené, comme un fou qui espérait ne jamais perdre l’odeur de celui qu’il aimait, quand tu t’étais enfermé dans ta cabine pour te laisser pleurer à ta manière, à nouveau, loin des yeux de tous, incapable d’observer la galaxie qui se déployait sous tes yeux. Tu chérissais, comme un fou, les souvenirs de votre dernière nuit, et tu pleurais, à ta manière. Tu souffrais, à ta manière, et on te laissait tranquille, on te laissait cultiver cette folie en secret, derrière les murs cloisonnés de ta cabine. Alors, quand il te disait de ne pas partir, tu le voulais, sincèrement, mais tu savais que tu ne pouvais pas lui accorder l’éternité, même si tu le voulais. Tu n’avais pas d’éternité à offrir sur le Nexus, seulement quelques visites quand le Nexus jugeait que tu avais mariné suffisamment loin d’eux, que tu avais suffisamment pris de coups pour venir récupérer un peu, et que tu pouvais enfin revivre un peu dans les yeux, dans la douceur de ton amant, dans son étreinte, dans son sourire, dans toute sa personne, car c’était dans son ombre, dans son aura que tu te sentais vivre.
C’était pour toutes ses raisons aussi que tu ne pouvais pas l’abandonner, que tu ne pouvais pas faire une croix sur votre relation, et que tu ne pouvais pas croire, non plus, qu’il ait ses torts dans cette histoire. Il n’en avait pas. Tu n’en voyais aucun. Il avait été parfait, il l’était toujours. Il avait été d’une patience olympienne que tu n’aurais probablement pas eu à sa place. Et quels torts tu as dans cette histoire ? Tu.. Tu as été parfait, bien trop avec moi, alors que je le méritais pas, et je le mérite toujours pas. Je vois pas quels torts tu aurais là dedans. Et tu étais sérieux, ce n’était pas simplement pour apaiser la conscience de ton amant, une conscience aussi morcelée et abattue que la tienne. Tu essayais sincèrement de savoir ce qu’il pouvait avoir d’aussi pesant sur la conscience pour se reprocher quoi que ce soit dans cette histoire quand tu étais pourtant le principal fautif de tout ça. La seule chose, peut-être, et encore, tu ne voyais pas de quoi le lui reprocher, c’était qu’il ne t’ait pas forcé à rester, forcer à ne pas foncer comme un taureau sur cette mission stupide, sur cette vengeance inadéquate. Et… Tu ne pouvais pas lui en vouloir de ne pas l’avoir fait. Tu savais que ça aurait probablement suffit pour te remettre les idées en place, pour te réveiller un peu de ce coma dans lequel tu avais été bercé, pour te ramener à la réalité, à lui. Mais, non, il t’avait laissé y aller. Contre toute bonne raison, il t’avait laissé partir, et c’était ton choix qui avait mené à votre perte malgré tout. Et tu ne comprenais pas. Tu ne comprenais pas comment il pouvait ne plus t’en vouloir. Tu ne comprenais sincèrement pas, et tu le regardais, complètement médusé, incrédule face à sa remarque. Il avait raison, s’éviter comme deux comètes qui essayaient de ne pas rentrer en collision n’allait rien à arranger, et les excuses ne feraient qu’apaiser un peu des rancœurs qui continuaient de vous ronger, doucement, mais c’était déjà ça de pris. Alors, tu soufflas, doucement. Pourquoi ? Tu n’avais pas besoin de faire directement référence à ce que tu demandais, il saurait. Il était intelligent, bien plus que toi, il savait ce que tu demandais, il savait où était dirigée ta question. Il savait très bien que tu ne comprenais pas, que tu ne comprenais pas pourquoi il ne t’en voulait pas parce qu’il avait toutes les foutues raisons de cette foutue galaxie de t’en vouloir, tu pouvais même lui en servir d’autres sur un plateau d’argent. Peut-être qu’au fond, tu voulais qu’il t’en veuille, pour une raison qui t’étais obscure. Tu ne pouvais pas concevoir qu’il n’y avait pas un degré de rancœur dans son cœur face à ton comportement, ça te paraissait complètement abstrait. Pourtant, tu le croyais, toujours.
Même aux confins de l’univers, tu lui faisais confiance, aveuglément, tu faisais confiance en son jugement, tu faisais confiance en son cœur, tu lui faisais, tout simplement confiance. Toujours, et c’était pour ça aussi que tu ne pouvais pas jouer l’indifférence avec lui, tu ne pouvais pas jouer la même carte qu’avec les autres, celle de celui qui va bien quand tout s’effondre, quand tout tombe et qu’il ne reste que les cendres et les ruines d’une vie, d’un futur potentiel. Tu croyais toujours si fortement en votre histoire, en lui, que tu ne pouvais tout simplement pas concevoir que ça ne s’arrangerait pas un jour. Et pourtant, tu n’étais pas connu pour être un optimiste. Non, ce n’était pas toi l’optimiste. Tu étais même généralement l’inverse, mais c’était une preuve que le contact de Sulin t’avait changé, en bien, et que tu étais prêt à parier ce qu’il te restait d’avenir sur vous. Sur vous uniquement, sur rien d’autre. Et tout paraissait si simple quand tu acceptais seulement de le laisser venir avec toi, et pourtant, tellement de contraintes venaient obscurcir ton jugement pour que rien ne se fasse. Tu savais qu’il ne suffisait qu’un mot de ta part, s’il le voulait toujours, pour que tout s’arrange, qu’il ne suffisait que d’une phrase, s’il voulait toujours de toi, pour que le futur espéré et voulu se profile véritablement, mais tu ne pouvais pas, tu n’y arrivais pas. Parce que tu n’avais pas confiance en toi. Au fond, c’était peut-être ça le cœur du problème. Tu avais confiance en lui, mais en toi, non, pas pour ça. Tu avais confiance en toi quand il s’agissait d’abattre un ennemi à 100 mètres avec ton sniper, mais tu n’avais pas confiance en toi pour surmonter ta crainte la plus infâme, celle qui dévorait ton cœur et ton esprit. Et pourtant tu l’avais déjà fait une fois, avec lui. Qu’est-ce qu’il t’empêchait de recommencer ? C’était une question à laquelle tu cherchais encore réponse. Une réponse que tu ne trouvais pas dans sa figure, dans sa silhouette, et quand elle bougea, quand il bougea du bureau pour faire quelques pas sur le côté, tu aurais presque repris espoir qu’il brise cette distance avant que tout cet espoir ne se brise à nouveau et que tu laisses retomber, mollement tes mandibules qui s’étaient légèrement écartées dans un acte d’espoir. Tu déglutissais, doucement, difficilement, alors que la question brisait tes défenses, ou du moins, ce qu’il en restait. La planète est jolie, c’est… un bon point. Ce sont les gens qui font la différence, le regard des autres sur moi, sur ceux qui ne sont pas nés là-bas. Et sur le fait que je ne me sens à ma place nulle part si ce n’est dans tes bras, Sulin. tu pensas, doucement, sans oser le dire, sans oser le murmurer, sans oser le rajouter. C’est dangereux, mais ce n’est pas aussi terrible que l’Initiative veut le faire croire, et je ne m’y sens pas chez moi. Tu finissais par rajouter, le regard fuyant, refusant de rencontrer celui de ton amant parce que pour peu, il comprendrait sans mal l’implication derrière tes paroles, et que tu avais peur, à nouveau de te prendre un mur de glace. Et tu ne voulais pas, pas quand il commençait peut-être enfin à se réchauffer, et que la neige commençait doucement à fondre. Tu reposas toutefois ton regard sur lui quand il surenchérit sur la façon dont tu te présentais, et tu esquissas un rire à ses paroles, un rire triste, fatigué, un peu amer. Tu avais toujours été différent, tu l’avais toujours été et tu le seras toujours, d’une manière ou d’une autre. Que ce soit dans les bases fondamentales de ton être et de ton physique que beaucoup de tes pairs jugeaient désagréables ou dans la façon que ton amant avait de te voir. Tu reconnaissais sans mal la nervosité qui prenait par à son timbre, et tu esquissas l’ombre d’un sourire. On était loin des sourires lumineux que tu lui offrais à lui et à personne d’autre, mais c’était déjà un début. Différent. Tu répétas, doucement, avant que tes yeux ne se posent sur tes mains, sur la peau de cuir foncée qui recouvrait tes muscles, tes os, avant que tes subharmoniques ne commencent encore une fois à chanter des larmes qui ne pouvaient couler de tes yeux. Toujours différent, oui. Pour toi comme pour les autres, mais je suis le mercenaire fatigué, parce que c’est ce que je suis devenu, Sulin. Tu relevas les yeux vers lui à cette remarque. Il ne le voyait peut-être pas de la même manière que toi tu le voyais. Peut-être qu’il ne voyait pas la différence dans l’éclat de ton armure naturelle, dans l’éclat de tes yeux qui était passé de date, dans tes peintures qui se craquelaient doucement sous le moindre mouvement que tu faisais, sous les cicatrices qui s’étaient accumulées de ci de là sur ton corps. Peut-être qu’il ne le voyait pas, peut-être qu’il n’était pas conscient de ses détails. Peut-être qu’il ne voulait pas le voir, peut-être qu’il ne voulait pas voir que tu avais complètement perdu ton éclat.
Un éclat qui se perdait encore plus quand tu te rendais compte de ta propre bêtise, de ses paroles prononcées trop vites avant même que tu aies le temps de les rattraper alors que tu n’avais aucun droit de le murmurer. Tu pouvais le penser autant que tu voulais, tu voulais être jaloux à en crever, mais tu n’avais aucunement le droit de lui en parler, pas quand tu n’étais plus là. Tu mériterais probablement aisément le datapad qu’on pourrait t’envoyer en pleine tronche ou l’ordre de déguerpir d’ici, tu mériterais aisément tout ça, et tu essayas de t’excuser, mais Sulin prit la parole avant toi, avant que tu n’aies le temps de complètement attraper la lourdeur de ce que tu avais eu le malheur de dire. Et tu contemplas, sans mal, ce que tu venais de faire, ce que tu venais de déclencher : la colère de ton amant, de quoi remettre tes subharmoniques dans un état incontrôlable, impossible à calmer. Et tu soupiras, autant las par ta propre bêtise que par l’insolence involontaire dont tu avais fait preuve. Ne fait pas semblant de croire que je ne prête pas attention à ce qui te concerne, ce n’est pas parce que je suis à l’autre bout de cette foutue galaxie que je ne m’intéresse pas à toi. Tu soufflais, le timbre las et les yeux divaguant dans le vide. Tu savais que ta remarque allait probablement mettre le feu aux poudres, également, mais… Tu ne t’étais pas attendu à la salve qui suivit. Oh que non. Tu t’étais attendu à ce qu’il te foute dehors, pas qu’il te traite injustement comme ça. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il te remettre en pleine tronche toute tes erreurs, toute ta culpabilité, tout ce qui te faisait souffrir et dont il était conscient de la souffrance. Et pendant quelques instants, tu restas silencieux, complètement abasourdi par la violence des propos de ton amant, par la violence de ce qu’il insinuait, du flou qu’il laissait délibérément pour que ton cerveau commence à faire son petit bout de chemin, pour qu’il commence à croire ce que tu redoutais le plus, et tu sentis la jalousie poindre, en premier lieu, cette jalousie morbide qui t’asphyxia, te coupa soudainement de tout air et tu clignas légèrement tes yeux, essayant de reprendre un peu de constance. Tu levais une main, pour la poser contre ton menton, essayant de respirer, essayant de trouver un brin de réalité dans tout ça, et tu levas les yeux sur lui, brûlant de douleur et d’une colère noire sous-jacente parce qu’il défendait le fumier qui t’avait toujours craché dessus, et ce, depuis bien avant que vous ne soyez ensemble. Il t’avait toujours détesté, toujours méprisé, et avait toujours eu ce comportement dédaigneux à ton égard. Alors entendre de la bouche de ton amant autant de bonnes choses à son sujet, ton cœur se brisait, tout simplement, et ta stature se retrouvait doucement pour composer ce masque que tu portais si bien. Ce masque, fermé, stricte, et froid qui caractérisait si bien ta colère. Un masque qui n’était pas sans fissure puisque tes yeux continuaient d’exfiltrer toute la douleur que tu ressentais à ses paroles. Un léger grognement vibra en dehors de tes subharmoniques alors que tu faisais un pas, juste un seul, pour te décoller du mur. Quand j’ai refait ma vie à Kadara ? Parce que tu pensais que j’ai refait ma vie, peut-être ? Je suis SEUL dans une ville où tout le monde, par défaut, me DETESTE, Sulin. Mais J’AI refait ma vie ? Je suis celui qui refait sa vie ? C'est à peine si je survis ! Tu esquissas un rire mauvais, un rire amer et triste alors que tu tournais tes yeux, inspirait un grand coup pour que la colère passe, pour qu’elle s’épuise un peu. Tu n’avais pas le droit d’être en colère, parce qu’il avait le droit de se reconstruire, c’était ce que tu te disais en permanence. Mais il y avait l’ombre de cette promesse qui tenait toujours, et c’était à elle que tu t’accrochais. Tu t’accrochais à l’amour que tu avais pour lui pour ne pas te laisser partir dans les tréfonds d’une colère que tu savais parfois dévastatrice, tu t’accrochais à l’espoir de l’amour qu’il avait encore pour toi. Est-ce que tu sais que le Pionnier Ryder m’a déjà ouvertement craché dessus dans MON bureau ? Qu’il me méprise et ce depuis des ANNEES ? Que MES frasques, comme tu dis, il était bien content qu’elles soient là pour pouvoir se rapprocher de toi quand je n’étais pas là. Il ne réprimande les gens qui jasent que parce que tu es là, mais qu’il était bien content de faire partie de ceux qui jasaient avant que mes frasques foutent tout en l’air. Est-ce que tu sais à quel point il avait ENVIE de me voir tomber et que ce n’est pas GRACE à lui que j’ai réussi à avoir un avocat dans cette foutue station ? Tu répliquais à nouveau, tes subharmoniques grognant sur des fréquences plus hautes que d’habitude, tremblantes et vibrantes à mesure que ta colère stagnait à un certain niveau, que ta jalousie et ta douleur s’exfiltrait. Tu n’avais jamais fait confiance au pionnier, pas même quand il avait aidé ton amant à obtenir ce qu’il voulait. Tu avais confiance en celle qui t’avait toujours été neutre, presque indifférente, et celle qui t’avait rapporté certains agissements du pionnier à ton encontre, la pionnière Turienne. La jeune femme qui en avait bien plus dans le crâne que le pionnier humain, et qui avait été prompt à essayer de t’avoir les bonnes grâces d’un avocat, avec l’aide du conseiller turien, parce qu’elle sentait qu’il n’y avait pas que ce que le conseil voulait bien voir, et que ce n’était visiblement pas la première fois que de telles rumeurs circulaient, et même si ce n’était pas directement de ton ressort, elle avait essayé, elle avait fait de son mieux, à son échelle. Et tu te rappelais les paroles d’Ezra, sans mal également. Tu pris une dernière inspiration, pour calmer tes nerfs, pour calmer la colère naissante, pour calmer la jalousie maladive qui te brisait toujours un peu plus. Je suis ravi qu’il ait été là pour toi parce que je t’ai fait énormément de mal que je pourrais jamais réparer, mais s’il-te-plaît, ne me dit pas que c’est quelqu’un de bien. La colère s’estompait à peine, mais la tristesse s’en mêlait et ta voix se brisait à tes paroles, et tu reculas à nouveau pour ne pas commettre d’impair, pour t’adosser à nouveau au mur. Tu étais fou de jalousie, et Sulin le savait très bien, c’était pour ça qu’il jouait là-dessus, c’est pour ça qu’il venait te frapper là où il savait que ça ferait mal. Et il avait raison. Tu le méritais pour avoir aborder un sujet qui ne te regardait pas, mais c’était cruel. Et soudainement, tu avais juste envie de partir et d’aller écorcher ce petit con pour que le Nexus ait une véritable raison de te foutre dehors, finalement. Une vraie raison valable. Tu soufflais une dernière fois, avant de lever les yeux vers ton amant, ton regard devenu froid comme la glace qu’il t’avait démontré à ton arrivé, démonstration d’une colère sourde et d’une jalousie qui empoisonnait ton jugement. Tout ce qu’il veut, c’est t’avoir dans son lit. Tu rétorquas finalement, la voix encore trempée de ta colère, acerbe, cynique, brûlant. Tu étais en colère, parce que si tu avais mérité énormément de choses dans ce qu’il te disait, il y avait un part de vérité qu’il devait savoir. Et le pionnier Ryder était loin d’être aussi pur d’intentions qu’il le laissait paraître. Après tout, il avait été l’un des premiers à ouvertement désapprouvé votre relation, à toi et à Sulin, et maintenant monsieur vous défendait ? A d’autres. Tu étais peut-être con, mais il y avait bien des choses qui ne trompaient pas, et on ne pouvait tromper un odorat de turien, on ne pouvait tromper les intentions cachées dans ce que les humains ne contrôlaient pas mais pouvait être identifié par les autres espèces. Et Ryder ? Ryder, c’était juste une pourriture.
Sulin Morlan & Sylhas Astros I have wondered about you Where will you be when this is through? | |
| Posté le Mar 25 Aoû - 19:23 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | Hey, I'm back, I'm back home I think I've seen this film before and I didn't like the ending. You're not my homeland anymore, so what am I defending now? You were my town, now I'm in exile, seein' you out ◊ ◊ ◊ Le pardon. Le pardon, c'était quelque chose qu'il prétendait avoir accordé. C'était quelque chose censé absoudre tous les torts, tous les péchés. C'était censé permettre de passer à autre de chose, de tourner la page. Pourtant Sulin, il n'était pas assez naïf pour penser qu'une telle chose existait. Il savait parfaitement que pour des fautes aussi graves, il y avait toujours de terribles conséquences. Ce qu'il s'était passé, ce que Sylhas avait fait, planerait toujours comme une ombre au dessus d'eux. Mais lui, lui il prétendait pardonner. Pourquoi, qu'il lui souffla. Parce que. Parce qu'il souhaitait réellement le faire. Parce qu'il aurait aimé que ce soit possible. Parce qu'il ne voulais pas rajouter plus de souffrances à celui qu'il aimait toujours d'un amour brûlant, ardent, et pourtant si naturel. Parce qu'il aurait aimé qu'un tel geste soit aussi efficace qu'il en avait la prétention. Qu'il agisse comme un baume magique, rédempteur. Ce n'était pas le cas, bien sûr qu'il lui en voulait toujours. Bien sûr qu'il le maudissait parfois pour les choix qu'il avait fait, en s'endormant la gorge nouée, les yeux fermés pour ne pas laisser de larmes couler. Il en avait trop pleurer de cette histoire, il en avait trop souffert. Il aurait aimé que tout soit aussi simple, oui. Ce n'était pas le cas.
- Peut-être. Mais tu n'as plus besoin de t'excuser. S'il te plait.
Parce que le pardon, le pardon dans sa forme la plus pure n'existait pas. Et ce qu'il aurait aimé avoir le courage de lui dire, c'est qu'il préférait l'entendre dire n'importe quoi plutôt que ça. Plutôt que d'énièmes excuses, l'entendre ressasser le passé, remuer le couteau dans de trop nombreuses plaies. Il aurait préféré l'entendre dire mille conneries toutes plus ahurissantes les unes que les autres, l'entendre parler du beau et du mauvais temps, de l'actualité, toutes ces choses qui lui auraient données l'impression de retrouver l'avant. L'homme qu'il aimait, leur quotidien qui commençait doucement à s'installer. Pourtant, il l'en avait empêché. En étant si froid, en l'évitant. Il craignait la chute, Sulin. Il craignait la chute d'un tel procédé. Tout était si compliqué, tout était si peu logique, tout ça ne lui ressemblait pas. L’entendre dire qu'il ne partait pas lui remua le cœur de la pire des manières. Il eut envie de lui rappeler qu'il ne partait pas, pour l'instant. Mais il n'en eut pas la force, il n'eut pas ce courage, cette fermeté. Il préféra se lover un instant contre cette idée, qu'il ne partirait pas. Que tout pouvait être comme avant, l'espace d'un instant. Il eut de nouveau envie de le rejoindre et de le serrer enfin contre lui, avec une violence qui ne lui ressemblait pas. Il eut envie de lui dire combien il lui avait manqué, combien c'était dur de continuer à vivre sans lui. Il n'en fit rien. Quand le turien lui fit comprendre qu'il ne voyait pas où étaient ses fautes dans cette histoire, Sulin n'hésita plus. C'était clair dans son esprit, suffisamment pour que les mots s'échappent sans difficulté.
- J'aurais dû te retenir.
C'était court, mais cruellement vrai. Sulin avait passé une très longue partie de sa vie à se détester pour être aussi introverti, aussi timide, incapable d'aligner plus de trois mots en public, complet qu'une fois derrière un microscope ou une lunette d'astronomie. Derrière ces cinq petits mots, il y avait tout ça. Il disait : pardon d'être aussi effacé, pardon de ne pas avoir su dire non, pardon de ne pas avoir su te comprendre, pardon d'avoir douté si souvent de nous, pardon d'être moi et d'être parfois si difficile à aimer. Sauf que tout ça, il n'était tout bonnement pas capable de le faire, de le dire. Et Sylhas, Sylhas n'aurait probablement pas compris lui qui s'acharnait à vouloir l'aimer sans réserve sans trop que le scientifique ne sache pourquoi.
- Je ne suis pas parfait Sylhas, et tu mérites beaucoup plus que ce que tu ne sembles le croire. Je te l'avais déjà dit, tu te souviens ?
Il avait dû lui dire en effet, un soir accoudé à son bureau alors qu'il observait le Spectre se torturer une énième fois pour on ne sait quelle raison. Il aurait aimé lui demander à quoi il pensait, si c'était toujours elle qui occupait ses pensées. Il aurait aimé avoir suffisamment d'assurance pour discuter réellement, bien plus qu'à demi-mots. Au lieu de ça, il s'était simplement levé, avait posé ses mains sur ses épaules, chuchoté qu'il ne méritait pas ce qu'il s'infligeait. Qu'il méritait bien plus. Qu'il méritait tout ce qu'il était disposé à lui donner. Sylhas, c'était un être tellement plus complexe que ce qu'il souhaitait faire croire aux autres. C'était un être qu'il comprenait si facilement et qu'il n'avait pas su retenir quand il aurait dû. Il n'avait pas su s'imposer, taper du poing sur la table et dire tout haut ce qu'il exigeait. Une énième fois, il avait préféré détourner le regard, murmuré quelques mots acerbes à l'écart, ignorer l'urgence et se persuader que rien de grave ne pouvait réellement arriver. Il avait eu tort, et beaucoup savaient à quel point c'était une chose rare. Quant à cette question implicite, ce pourquoi suspendu dans l'air, Sulin prit un moment pour y répondre. Il se demandait comment dire la vérité sans trop en dévoiler, sans lui montrer à quel point il se sentait assoiffé de son contact, de son amour. A quel point le manque était dur à supporter.
- Je ne sais pas si je suis capable de t'en vouloir. De t'en vouloir vraiment. Je ne veux plus que l'on perde du temps aux excuses, ce ne sont que des mots. De ridicules mots, insignifiants. J'aimerais que tout soit comme avant, c'est peut-être pour cette raison que je ressens ce besoin de te pardonner. Ça ne veut pas dire qu'il ne subsiste plus rien, plus aucune rancœur, plus aucun regret. Mais j'ai réfléchi, j'ai pris de la distance. Je ne t'en veux plus comme avant.
Et de toute façon, il lui manquait trop pour songer à ses erreurs. Quand Sulin pensait à lui, c'était pour se remémorer les bons moments, pour pleurer son absence, pour se souvenir de l'éclat de ses yeux quand ils étaient ensemble, quand ils étaient heureux. L'eau avait coulé sous les ponts, suffisamment pour qu'il n'ait plus la force de ruminer à propos de ce qui aurait pu être possible et de ce qui ne l'est pas à cause des actions irréfléchies du turien. Il n'en avait tout simplement plus la force. Le scientifique avait adopté une position plus stable, le bassin reposant contre le bord d'une des paillasses derrière lui, les bras croisés. C'était pour s'empêcher de bouger, pour empêcher son traître de corps d'aller vers lui inconsciemment, pour s'empêcher de trembler, de céder. Quand il décrivit à sa demande à quoi ressemblait la vie sur Kadara, Sulin sentit sa volonté chavirer un peu plus. Il semblait tellement loin quand il en parlait, tellement loin de lui. Le scientifique hocha doucement la tête, assimilant les informations. Ce n'était pas bien, ce n'était pas correct, c'était même un peu cruel, mais il était heureux de savoir que Sylhas n'avait pas pu trouver sa place là-bas. Que sa place était quelque part toujours auprès de lui. Ça le rassurait, le soulageait suffisamment pour qu'il ose un sourire un peu pensif, un peu rêveur.
- Si c'est aussi joli que tu le dis, ça ne doit pas être si terrible.
Il laissa un moment le silence planer, conscient de n'avoir repris qu'une part infime des informations que lui avait donné Sylhas. Il s'en moquait, c'était celle qu'il avait envie de retenir. Les images qu'il en avait vu lui avait permis d'avoir un certain aperçu de la lumière chaude qui régnait sur la planète empoisonnée. Il s'imagina un instant comment il se sentirait une fois la peau réchauffée par cette lumière si particulière. Il se souvenait comme il avait aimé celle d'Havarl quand il s'y trouvait, comme elle lui manquait. Il s’imagina vivre à Kadara et s'y plaire, une énième fois. Pourtant, il lui fallait revenir à la réalité et ce très vite. Le Morlan ne put s'empêcher de tiquer légèrement quand Sylhas se définit une nouvelle fois comme étant un mercenaire fatigué. Mercenaire. C'était donc ce qu'il était devenu.
- Ne te réduis pas à ça, tu es bien plus que ça.
Une chose qu'il lui aurait dit en temps normal les deux paumes de chaque côtés de son visage, mains qu'il aurait sûrement laissé s'égarer sur les tracés violents de sa poitrine, sur les détails de son armure. Cette fois, il se contenterait simplement de le regarder avec ces yeux là, ceux qu'il utiliserait à ce moment là. Avec le même amour à l'intérieur, la même supplication pour qu'il se voit davantage comme lui le voyait.
Et puis finalement, déluge, averses, apocalypse se déversait sur eux alors que le sujet fâcheux venait d'être abordé. Ashton Ryder et toutes ses bonnes intentions, Ashton Ryder et son sourire éclatant digne d'un prince charmant, Ashton Ryder avec qui il aurait sûrement gagné à refaire sa vie mais qu'il n'aimait pas, pas vraiment, pas comme il aimait Sylhas. Peut-être qu'il aurait pu s'il s'était donné cette peine, peut-être qu'il aurait pu y croire lui aussi et commencer quelque chose de neuf, quelque chose de beau avec lui. Mais il se sentait si fatigué, il avait la sensation que toutes ses larmes avaient enfin été épuisées. Il n'avait plus la force pour faire entrer quiconque dans son cœur, plus l'envie. Une chose que Sylhas semblait ignorer, Sylhas qui préférait croire de stupides racontars plutôt que de faire confiance en l'amour infini qu'il avait dit lui vouer. Ses mots le percutèrent comme autant de balles contre sa peau humaine, cette peau si fragile, si faillible. Il sentit son cœur se révulser, se contracter violemment, ses battements résonnant jusque dans sa gorge. Il fut pourtant au début enveloppé d'une étrange chaleur en entendant sa première phrase si primitive, si instinctive, qu'il aurait dû détester mais qu'il ne pouvait s'empêcher de répéter encore et encore dans sa tête. Ça prouvait qu'il se souciait toujours de lui, ça prouvait une énième fois que lui non plus n'avait pas perdu espoir. Pour le reste, Sulin eut pour une fois bien du mal à gagner son calme, il s'y aida en serrant les mâchoires. Ses bras croisés restèrent immobiles alors que ses pognes se crispaient sensiblement, ses jointures tournèrent au blanc pale alors qu'il encaissait les coups.
- Oh, vraiment. Et comment suis-je censé le savoir ? En le devinant ? En lisant un de tes messages peut-être ? Ah non, j'oubliais, tu ne m'en envoies jamais. Puisque tu as décidé que tout ce que j'ai pu dire, faire, puisque tu as décidé que tout ça n'avait pas plus de valeur que quelques racontars idiots lancés par des idiots ? Puisque la confiance que tu as en moi est si facilement ébranlée, pourquoi devrais-je te croire ? Qu'est-ce qui me garantie que tu n'as pas trouvé un autre idiot pour t'aimer ?
Si son ton ne montait pas, Sylhas pouvait sans mal entendre la colère sous-jacente qui bouillonnait sous le calme apparent. Sulin en vérité, était bien plus bouleversé qu'en colère. C'est peut-être pour cette raison qu'il avait laissé échapper tant de choses, tant de craintes et de sentiments refoulés. Ses mots sur le Pionnier Ryder le laissèrent dans un premier temps sans voix.
- Comment peux-tu...
Il laissa sa phrase en suspend longtemps, bouche-bée. Sulin n'était pas suffisamment naïf pour ne pas se rendre compte que les actions du Ryder n'étaient pas aussi inintéressées qu'il voulait le faire croire. Et à vrai dire, il n'avait pas grand mal à croire ce que Sylhas lui racontait à son propos. Néanmoins, Ashton avait effectivement été là quand son turien ne l'était pas, Ashton avait écouté ses plaintes sans fin avec patience et insinuer que tout ça n'avait été fait que pour se venger de vieilles rancœurs envers Sylhas ou pire encore, pour quelque chose d'aussi trivial que du sexe lui ôtait tous les mots de la bouche en plus de le faire rougir violemment. Il détourna d'ailleurs le regard, gêné au possible qu'on puisse le vouloir lui, l'introverti, le rat de laboratoire. Ou si ce n'est lui, seulement son corps. Ce qui était finalement bien pire, bien plus blessant.
- Evidemment.
Il acquiesça plusieurs fois, lentement. Un rictus amer vint déformer ses traits, quelque chose qui ne lui ressemblait pas.
- Evidemment, si quelqu'un fait preuve d'empathie envers moi, d'un peu de chaleur, de bienveillance, c'est uniquement par défiance pour toi ou pour obtenir mes faveurs sexuelles. Evidemment.
Parce qu'il n'en tenait plus, il finit par se redresser, les membres néanmoins toujours autant crispés par la colère et la tension qui régnait dans l'air. Sulin, il avait pourtant conscience de n'avoir jamais fait les bons choix en matière de cœur. Sulin, il savait plus ou moins que Sylhas ne méritait pas tout ce qu'il s'apprêtait à faire pleuvoir sur lui, qu'il disait au moins un peu la vérité. Mais Sulin était aussi blessé dans son ego, dans son amour propre. A ses yeux, Sylhas venait tout juste de cracher sur tout ce qu'ils s'étaient promis, de s'essuyer les bottes sur leur relation et toute la confiance qui en découlait.
- Et s'il avait déjà eu ce qu'il voulait, hein ? Et s'il était encore là malgré tout ?
C'était bas, c'était mesquin, c'est peut-être pour cette raison que Sulin grimaça comme s'il venait de mordre dans un citron juste après lui avoir dit ça. Juste après avoir insinué qu'en effet, il était passé à autre chose au moins sur ce plan là. Il se sentit obligé de continuer, incapable de laisser planer le doute plus encore.
- Ta jalousie t'empoisonne tellement que tu ne vois même plus ce qu'il se trouve pourtant sous ton nez. Moi. Moi qui t'aime et moi qui ne vit plus depuis que tu es parti, depuis que tu as quitté ma vie. Moi qui ouvre chaque matin mon terminale en espérant lire un message de toi. Moi qui me demande chaque foutu soir où tu es, ce que tu fais, avec qui. Et tu as le culot de venir ici et de me demander si oui ou non, je me suis rapproché d'Ashton ? Et tu prétends t'intéresser à moi en prenant au sérieux quelques on-dits colportés par les mégères du Nexus ?
Le scientifique et son inséparable calme inébranlable semblaient s'être perdus, curieusement. Nul doute que Sylhas était bien le seul à pouvoir le mettre dans cet état là. Sulin passa une nouvelle fois sa main sur son front, passablement excédé par cette conversation sans queue ni tête. Il retrouva pourtant un peu de son calme habituel, la mort dans l'âme et les yeux perdus, presque larmoyants.
- Si c'est pour ça que tu es venu Sylhas, pour t'assurer que je suis aussi seul que je l'étais avant toi, pour t'assurer que je suis toujours aussi triste qu'après toi... ce n'était pas la peine.
Parce que c'est le cas, indubitablement. C'est le cas, et ça lui fait tant de mal de l'admettre.
(c) oxymort |
| Posté le Mar 25 Aoû - 19:27 | I'll relinquish one bullet. Where do you want it? Profession : Ancien Spectre, désormais chasseur de primes et d'artefacts Habitation : Kadara, mais aussi beaucoup sur ton propre vaisseau, le LWSS Leviathan | | Hey, i'm back, i'm back home Nexus | Quand Sulin soufflait, doucement, que tu n’avais plus besoin de t’excuser, tu avais dû mal à y croire, toi qui était si difficile à donner ton propre pardon. Quand il demandait, avec ce ‘s’il-te-plait’ qui brisait ton pauvre cœur déjà bien assez martyrisé, tu avais véritablement dû mal à y croire parce que tu savais, tu savais très bien tout ce que tu avais à te faire pardonner, et tu savais, aussi, que jamais aucune de tes excuses ne sera suffisante pour couvrir tout le mal que tu avais déployé autour de toi et sur lui, sans le vouloir. Tu ne pouvais y croire parce que tu étais difficile, il était difficile d’obtenir ton pardon plein et entier, et ce, depuis que tu étais petit. Faute à un père absent, qui t’avait laissé avec une mère endeuillée en secret et un petit frère trop petit pour comprendre la situation, parce qu’il t’avait donné son rôle alors que tu n’avais que cinq ans, et que tu n’étais pas capable, à ce moment, de comprendre que cet au revoir là, il était pour de bon. Parce qu’il avait été le premier à te laisser tomber, le premier à enfoncer la première lame de ce qui était ta peur inconditionnelle, la plus puissante, la plus violente et celle que tu n’avais avoué à personne, de même que personne n’était véritablement au courant de ce qu’il se passait avec ton géniteur. C’était quelque chose pour laquelle tu n’avais pas le courage de parler, tu n’avais pas le courage de mettre des mots forts dessus parce qu’il n’y avait rien. Tu ne savais rien, au final. Parti chasser une chimère en t’abandonnant avec la promesse de te ramener un morceau d’étoiles, à jamais et éternellement disparu dans les abysses de la galaxie. La seule chose que tu savais, c’était qu’il était vivant, pour tous les messages qu’il essayait de t’envoyer par différentes adresses pour essayer de recevoir, un jour, une réponse positive de ta part, pour trouver une part de l’amour que tu lui avais offert plus petit mais qui désormais s’était muté en une haine viscérale, cette haine des origines, des premiers temps, qui avait forgé la continuité de ton caractère et ton incapacité à pardonner quand les fautes étaient graves. Tu n’étais pas capable d’absoudre aussi facile que certains, tu n’étais pas capable de fermer les yeux aussi aisément sur des choses qui t’avaient fait mal, sur des moments qui te brisaient au-delà de toute commune mesure. Alors, oui, quand Sulin te disait que tu n’avais plus besoin de te pardonner, tu ne pouvais tout simplement pas y croire. Tu croyais en une part de ses paroles, parce que ta confiance en ce qu’il pouvait te dire était absolue, comme l’avait toujours été. Une confiance aveugle au-delà, également, de toute commune mesure et de toute raison logique, mais une confiance puissante tissée et forgée par un lien et un amour indéfectible à tes yeux, même s’il t’arrivait, dans les nuits les plus sombres, de celles où tu ne trouvais délibérément plus le sommeil par peur des cauchemars, de craindre cette confiance, de craindre ce qu’il pouvait se passer dans ton dos que tu ne voyais pas, que tu ne sentais pas. Tu passais tellement de temps avec l’impression d’avoir un couteau sur la gorge, que même les choses les plus anodines récoltaient ta méfiance. Mais tu n’étais pas un homme de pardon. Tu étais un homme de regrets, de remords, de culpabilité abondante, probablement aussi abondante que l’amour que tu vouais pour l’homme qui était en face de toi. Tu avais terriblement de mal à pardonner, parce que le pardon n’effaçait jamais la réalité de ce qui avait amené à de telles excuses, et que les torts, ceux-ci même, seraient toujours là, d’une manière ou d’une autre, dans un cauchemar, comme une ombre, comme un boulet, comme un ballon de baudruche. Comme un petit ballon de baudruche qui ne voulait pas ployer sous tes ergots, qui ne voulait pas ployer et se percer sous tes mains, qui pour une fois, demeurait bien vivace, flottant dans l’air avec tous les droits qu’il possédait, et ça faisait toujours mal. C’était les sujets qui revenaient, souvent, comme des balles de ping-pong, lors des disputes incessantes, lors des règlements de compte, c’était la rancœur qui revenait, parce que si le pardon était accordé, plein et entier, la rancœur restait toujours, d’une certaine manière. Maîtresse du poison, maîtresse du venin, la rancœur était ce qui finissait toujours par tout pourrir même quand les choses semblaient s’être stabilisées de nouveau. Et toi… Toi, tu avais peur de finir ronger par cette culpabilité, par cette rancœur, par cette amertume qui te dévorait lentement mais sûrement, qui t’enlevait petit à petit l’éclat que tu avais un jour eu, la jovialité avec laquelle tu te présentais et la légèreté avec laquelle tu pouvais être. L’amertume, le manque, la fatigue, la lassitude, c’était des choses qui te pourrissaient au même titre que cette culpabilité. Et les remords qui ne voulaient pas éclater, qui ne voulaient pas se taire, qui continuaient de remuer le couteau dans la plaie, toujours un peu plus profondément jusqu’à ce que tu n’aies plus de souffle, jusqu’à ce que tu sois complètement asphyxié et qu’une bombonne d’oxygène ne suffise plus à ce que tu respires.
Parfois, tu regrettais de ne pas être mort là-bas. Et tu savais que bon nombre te frapperait et te hurlerait dessus pour tel sentiment, telle remarque, et la personne qui était devant toi, cet homme fragile que tu avais appris à aimer avec autant de révérence, il serait probablement le premier à pâlir devant le sentiment. Parfois, tu regrettais d’avoir eu ton pistolet dans la main pour pouvoir tuer celui qui voulait pourtant ta mort, tu regrettais de ne pas faire parti de ceux que l’on appelait les dommages collatéraux, ceux qui avaient une petite inscription par-ci, par-là. Après tout, c’était le risque du métier que de finir avec une balle entre les deux yeux, c’était le risque quand on ne faisait pas attention, c’était le risque quand on trouvait plus fort que soit, quand on accordait sa confiance trop facilement. Alors, oui, parfois, tu regrettais de ne pas être mort là-bas, de ne pas avoir échapper ton dernier souffle là-bas, parce que tu serais parti avec tous les bons souvenirs qui teintaient votre relation. Tu serais parti avec le souvenir de tes bras autour de sa taille, lorsque le réveil sonnait, pour le garder 5 minutes supplémentaires contre toi, contre les sourires qu’il t’offrait quand tu finissais par débouler dans son bureau comme un boulet de canon parce que tu avais trouvé quelque chose de fantastique à lui partager et que ce n’était qu’à lui que tu voulais le montrer, contre toutes les petites attentions que tu trouvais de ci de là quand tu revenais de mission et qu’il savait que tu finirais forcément par aller t’effondrer chez lui, pour les confessions nocturnes qui avaient tant de fois réchauffé ton cœur glacé par les épreuves et celles que tu avais murmuré en ne sachant pas s’il les entendrait, pour toutes ses petites choses qui paraissaient si triviales, ni anecdotiques mais qui suffisaient à te rappeler pourquoi tu étais encore là, pourquoi tu étais encore debout. Ces souvenirs où si ses doigts parcouraient ton armure pour y trouver les arabesques blanches qui teintaient ton armure rouge, c’était parfois les tiens qui couraient sur sa peau pour y trouver la place de tes marques sur sa peau, où tu imaginais sans mal poser ses quelques couleurs sur sa peau d’opale. Ses marques qui n’étaient pas sans significations, qui n’étaient pas sans portée et sans importance, surtout dans une relation inter-espèce comme la vôtre. Le port de ces marques-là était similaire à l’échange de bagues humain, au final. Et c’était stupide, c’était peut-être précipité, mais à l’époque déjà tu voulais voir tes marques sur son corps, tu voulais voir le rouge de ton armure sur sa peau, avec des arabesques courant sur son épaule, sur la naissance de son cou, sur ses côtes, sur son ventre, sur son avant-bras, là où tes doigts glissaient sans rien d’autre que la volonté d’immortaliser un chemin, une aventure, un espoir, une possibilité. Tu avais fini par le faire naturellement, presque mécaniquement, et tu savais que tu étais encore capable de le faire aujourd’hui, de tracer ces lignes invisibles pour donner forme à ce qui se rapprochait le plus du mariage humain, pour le faire véritablement tien. Tu te souvenais du chemin sans même te forcer à y penser, quand ton pouce partait de la naissance de son cou, de ce creux, et descendait doucement le long de son torse pour s’arrêter entre ses pectoraux, avant que ton pouce ne reprenne sa course sur ses côtes, glissait sur sa peau avec l’aisance de la souplesse de sa peau, avec l’aisance de celui qui sait où les arabesques naîtront, où les lignes seront droites et où elles seront anguleuses, là où elles seront tranchantes et là où elle seront souples. Tu te souvenais d’avoir tracer ce même chemin avec tes lèvres, d’avoir voué un amour révérencieux à ce corps que tu savais qu’il n’avait pas toujours aimé et que tu t’employais à chérir. Tu voulais qu’il soit tien, dans toute la vérité de l’exercice, dans toute la profondeur de tel rituel qui demandait bien plus que des lignes invisibles sur une peau d’opale, tu voulais qu’il soit ta famille. Et si ce rêve s’était tarit avec ton exil, il demeurait là, dans ta poitrine, battant fermement avec la passion de ton amour, avec la croyance d’un jour, peut-être, ça se fera. Peut-être qu’un jour, tu pourras l’emmener à Neo-Palaven pour recevoir les bénédictions des prêtresses turiennes, comme tu avais reçu les tiennes il y a de ça des années quand tu étais passé par cet exercice, pour devenir toi-même et honorer ta famille dans chaque chose que tu faisais. Quand tu t’étais agenouillé pour prier les esprits qui guidaient votre religion pendant qu’elles apposaient cette peinture acide sur tes plaques d’armure, d’abord sur ton corps – une volonté, la tienne – puis sur ton visage que tu devais relever, le cou complètement exposé par soumission à la coutume, aux Esprits, à ce pour quoi tu dévouais avec ses marques. L’union que tu voulais pour toi et Sulin était différente, mais l’exercice n’était pas si différent de ce que tu savais être la coutume humaine. Des échanges de vœux, des promesses, et le marquage final. Un marquage qui ne pouvait délier un lien, qui ne pouvait être contesté par quiconque, pas même la Hiérarchie turienne, pas même l’Initiative. Parce que l’Initiative, au fond, ne pourrait rien faire contre ça, ne pourrait pas vous briser si la chaîne de la Hiérarchie de Neo-Palaven, si le Temple, finissait par t’absoudre tes fautes par le mariage, par l’union. Mais tu ne voulais pas que tout ça, que cette union si importante à tes yeux ne soit réduite qu’à un simple moyen de contourner l’ordre du Conseil. Non, tu avais besoin que ce soit plus, que ce soit réel, que ça ait plus de sens que celui d’emmerder le conseil. Non, tu voulais le faire pour lui, pour toi, pour vous, pour la symbolique réelle, pour enchanter cet amour que tu lui vouais, que tu pensais subsistait encore dans les décombres de votre relation, qui semblait toujours exister dans les yeux fatigués de ton amant. Tu voulais qu’il soit tien, véritablement, pour l’amour et seulement pour ça, pour la même motivation première qui te poussa à tracer les lignes imaginaires sur son corps. Pas pour t’absoudre de fautes, d’erreurs, pas pour t’accorder un pardon imaginaire à des regrets et des remords bien trop ancrés.
Des remords que tu n’étais pas le seul à posséder, à en croire les dire de ton amant. Une remarque qui planta, sans mal, un énième couteau dans ton cœur déjà accessoirisé de plusieurs depuis ton départ. Mais celui-ci, tu ne l’avais pas vu venir, tu ne l’avais pas prévu. Tu ne pensais pas, naïvement, que telle chose pouvait empoisonner son cœur, que tel regret pouvait le pousser à se flageller également. Et tu sentais, sans mal, toutes les petites choses que cette phrase recelait, tout ce qui faisait parti des tristes incertitudes et insécurités de ton amant, ce que tu avais essayé de panser au fil du temps mais dont tu savais être loin de la véritable réalité de leur complexité. Tu comprenais tout le sens de ses paroles comme il avait dû comprendre, sans mal, le sens des tiennes il n’y a pas si longtemps, parce que vous aviez toujours parlé à demi-mots quand le sujet était trop épineux, trop tortueux, et que vous n’arriviez pas à aligner les mots justes pour décrire quelque chose de fort, qui vous empoisonnait. Après tout, il disait ne pas avoir su te retenir, mais tu n’avais su parler, tu n’avais pas su voir ce qui était devant toi et rayonnait comme le soleil de tes jours, tu n’avais pas su te confier pleinement à lui, tu n’avais pas su lui expliquer, tu n’avais pas su lui dire la terrible torture que tu t’infligeais, et lui expliquer les méandres d’un cerveau qui cherchait une issue, seul. Tu n’as pas à t’en vouloir pour ça, Suli. Tu soufflais, la voix enrouée, rauque à cause des sentiments qui t’empêchaient de parler avec la même confiance que celle que tu portais d’habitude en sa présence, avant tout ça. L’usage du surnom t’avait échappé, incapable de retenir cette petite marque d’affection qui n’était certes pas utilisée seulement par toi, tu le savais, mais qui était quand même bien trop souvent la façon que tu avais de l’appeler, dans vos bons moments, dans vos bons souvenirs. Je n’ai pas su te parler, te le dire, t’expliquer. Et ça faisait mal de le dire, de reconnaître, une fois de plus, tes erreurs dans cette histoire. Parce que tu lui avais fait défaut, tu lui avais été injuste en fonçant dans cette bêtise sans même le consulter de prime abord, sans même chercher à avoir son avis parce que ça ne semblait pas le regarder, parce que tu ne voulais pas l’inclure dans quelque chose qui ne dépendant pas de lui, qui à ton sens, ne dépendant pas de vous et qui t’aurait permis de véritablement pousser tout le passé en arrière et de le laisser là-bas. Il s’est avéré, naïvement, que ce fut votre chute quand ce n’était supposé être que la dernière manière, pour toi, pour vous, de couper le cordon avec un fantôme qui n’avait cessé de t’empoisonner, que ce soit par des hallucinations au petit matin, ou des tics caractériels que tu avais pris et dont tu n’arrivais pas à te défaire. Qu’elle t’avait donné en ne sachant pas que ces tics-là seraient poison pour ta personne, et que tu essayais, encore, de t’en défaire, mais plus tu essayais, plus tu avais l’impression de t’enfermer dans un nouvel étau. Tu ne pouvais comprendre et tu n’arrivais pas à comprendre pourquoi Sulin s’en voulait, pourquoi ses remords étaient là quand tu étais pourtant le seul garant de l’erreur qui avait coûté si cher à votre histoire, à votre amour. Parce qu’au final, à la fin de la journée, c’était toujours toi qui avais sauté sur cette requête comme un assoiffé aurait sauté sur une source. Avec de bonnes intentions, avec des promesses que tout irait bien par la suite, qu’après ça, c’était fini, tu avais chuté. Ce fut la douche froide, la cascade qui te tombait dessus et qui t’enfonçait si pied sous terre, si rapidement, et tu l’entraînas dans ta chute, sans le vouloir. L’enfer était pavé de bonnes intentions, comme ils disaient. Ça ne pouvait pas être plus vrai, ça ne pouvait être plus vrai quand ta vie sans lui était devenu ton enfer personnel, celui construit avec des souvenirs qui te faisaient autant de bien que de mal, avec des rêves brisés et des espoirs dispersés aux quatre vents, dans les pouponnières d’étoiles où tu trouvais si souvent le miroir de qui tu étais et à quel point tu étais tombé, et bas. Et à quel point, aujourd’hui, tu ne méritais certainement plus la patience et l’amour de Sulin quand bien même il te soufflait que si. Tu avais trop fané, tu avais trop viré et penché pour cette violence facile pour pouvoir ne serait-ce que mériter de poser la main sur lui. Tu t’étais perdu en chemin. Encore une fois. Et tu te souvenais, très bien, de ce souvenir qu’il faisait ressurgir, ce souvenir qui n’était pas sans sens, qui n’était sans symbolique.
Après tout, ce souvenir il datait d’avant que tu partes, d’avant que tu fuis la réalité comme un lâche, avant que tu ne partes en course contre une comète pourrie jusqu’à la moelle et que tu tombes sur un nid de serpent qui s’étendait jusque dans les racines même du gouvernement. Tu te souvenais de ces mots, murmurés avec la douceur qui accompagnait si souvent la voix de Sulin en ta présence, et tu te souvenais, sans mal, de l’avoir regardé sans savoir quoi répondre, sans savoir quoi dire, les yeux perdus, dans le vague alors que le tumulte dans ton crâne continuait de faire rage, mais qu’au fond, il y avait cette petite voix qui te demandait de rester, pour lui. Une voix que tu avais ignorée, parce que tout le reste faisait bien plus de bruit. Déjà à ce moment précis, tu ne te pensais pas légitime pour toute cette patience, pour tout cet amour, pour toute cette bienveillance vis-à-vis de ton corps laminé par le temps et de cet esprit qui ne savait pas plus où voguer, et qui ne savait plus comment voguer normalement sans avoir l’impression de se perdre dans un bassin d’acide. Tu ne pensais pas mériter la douceur de ses paroles, la douceur de ses gestes, mais tu l’avais cru, pendant un instant, tu l’avais cru. Tu l’avais cru alors que ton front s’était reposé contre le sien, que tous tes doutes s’étaient évaporés pour quelques minutes alors qu’un souffle avait quitté tes lèvres, ta gorge, ton corps, un souffle que tu ne pensais pas retenir. Tu l’avais cru, pendant un moment, et ça aurait dû être suffisant pour te retenir, pour te garder avec lui ici, avec lui qui était vivant, mais tu étais parti quelques jours plus tard et l’enfer commençait quelques temps plus tard. Je me souviens. Tout comme tu mérites bien plus que ce que tu penses mériter. bien plus qu’un pauvre turien cassé qui est en train de se noyer dans le manque de ton contact, de ta chaleur, de ta personne, en tout cas. Bien plus qu’un pauvre type qui a tout foutu en l’air parce qu’il est stupide et qu’il n’est pas foutu de voir la réalité en face, ouais. tu rajoutais, inconsciemment, incapable de souffler ses paroles parce que tu savais qu’elles seraient refusées par le scientifique mais aussi parce qu’elles tournaient trop autour de toi, de tes incertitudes, de tes inquiétudes réelles, et que c’était quelque chose que tu ne savais pas exprimer. Si tu étais malhonnête, tu dirais que c’était faute à ta culture – ce qui n’était pas totalement faux, non plus, mais si tu étais honnête, tu savais très bien que c’était faute à ton endurcissement, à l’éducation militaire que tu avais interprété comme telle, comme un moyen de t’endurcir un peu plus, de te fermer pour que les choses te touchent moins, pour que tu vois moins le mal que tu étais capable de faire. Tu ne pouvais parler de tes incertitudes si tu te persuadais qu’elles n’existaient pas. Le déni, le grand retour. L’histoire de ta vie, finalement. Le compagnon de ta vie, et, peut-être, le seul qui restera à la fin dans la galaxie t’avalera pour en finir. Et tu es parfait, à mes yeux, tu devrais le savoir depuis le temps que je te le dis. Tu finissais par souffler, parce que cette confession était simple, elle était aisée parce que tu l’avais soufflé tant de fois par le passé, toujours avec autant d’honnêteté. Tu l’avais soufflé sous le ton de l’amusement quand il t’apportait un café alors que tu tenais à peine debout à rédiger des rapports qui ne pouvaient plus attendre, tu l’avais soufflé contre ses lèvres comme une déclaration d’amour silencieuse quand tu te sentais simplement d’humeur à lui rappeler à quel point il était incroyable, extraordinaire et que tu étais terriblement chanceux de l’avoir, et tu l’avais soufflé, de nombreuses reprises sous différentes formes contre sa peau, contre son cou, contre ses côtes, sur ses cuisses, contre son épaule et son dos, contre ses cheveux qui te fascinaient tant, partout où tu pouvais déposer tes lèvres, dans une manière de faire honneur à cet homme que tu aimais si fort, que tu aimais tellement et que tu prenais plaisir à chérir de toutes les manières qu’il t’était donné d’avoir. Et à chaque fois, tu le pensais. A chaque fois, ça te paraissait vrai parce que ça l’était à tes yeux. A chaque fois, tu le pensais sincèrement, et cette fois-ci, ça ne loupait pas, tu le pensais aussi, tu le pensais si fort, et pour peu, on pouvait entendre le s’il te plaît, aime toi comme je t’aime, vois toi comme je te vois, toi qui brille si fort, toi qui illumine tout sur ton passage, toi qui est aussi beau que la glace, que le cristal, toi qui est l’étoile qui brille le plus fort ; aime toi comme je t’aime. Une confession réelle, un sentiment on ne peut plus réel également, on ne peut plus vrai, et qui ne perdait pas en intensité, jamais. Et qui, plus le temps passait, te confirmait que ça n’allait probablement jamais perdre en intensité, et que pour toujours, tu lui vouerais cette révérence qu’il était le seul à avoir de ta part. Il était le seul à posséder ton corps et surtout, ton cœur, pleinement, et à avoir le choix d’en faire ce qu’il voulait : le détruire, le chérir, l’annihiler, le protéger. Il était le seul possesseur de tout ce pouvoir que tu lui avais laissé délibérément entre les mains pour qu’il en fasse ce qu’il jugeait bon. Tu lui offrais le pouvoir de faire ce qu’il voulait de toi : un pantin, une marionnette de ses désirs, de te briser jusqu’au cœur même de ce que tu étais, de te briser à la racine pour te reconstruire. Et ses paroles… Ses paroles cruelles de sens, et qui auraient dû être un baume pour ton cœur, ton esprit malade, mais qui finalement, ne rajoutaient que de l’incompréhension, parce que ce n’était pas ce que tu connaissais. Tu connaissais les remords, les regrets, la rancœur que l’on t’envoyait au visage avec la force d’un fusil de précision. Tu connaissais ses choses-là, mais tu ne connaissais, finalement, pas le pardon, le vrai. Celui où on ne pardonne pas vraiment, mais où on laisse les choses se faire pour passer à autre chose, pour continuer. Tu ne connaissais pas, et tu ne savais pas comment faire, quoi faire. Tu ne savais pas comment faire pour digérer ça, pour comprendre, et tu soupiras, doucement, parce que tu étais las de ton cerveau qui ne savait plus agir correctement. Je… J’essaye de comprendre, sincèrement, mais… Ca me paraît tellement impossible que tu ne m’en veuilles pas vraiment. Mais je te crois. Toujours. Tu finis par rétorquer, après quelques infimes minutes de silence, le regard fuyant parce que tu ne voulais pas qu’il voit tout le trouble qu’il avait semé dans tes yeux, tu ne voulais pas qu’il voit à quel point ses paroles avaient semées une obscure réalité dans ton crâne, celle que tu ne comprenais pas encore parce que toi, à sa place, tu ne te serais jamais pardonné. Et tu ne te pardonnais pas, preuve en était. Tu n’arrivais pas à te pardonner, à arrêter de te flageller en pensant que ça ferait parti tes torts, tes actions débiles, irréfléchies, inconsidérées. Et tu ne voulais pas qu’il voit ça dans ton regard désespéré, dans tes yeux vidés de toute luminosité, dans tes iris pourtant si habituellement lumineux en sa présence. Tu ne voulais pas qu’il souffre parce qu’il voyait que toi, tu étais perdu. Tu étais perdu, et tu l’aimais si fort que ça en faisait mal de vous voir comme ça.
Parce que déjà tout te faisait mal. Ton appartement te faisait mal et son absence dans celui-ci te faisait mal, tes souvenirs te faisaient mal et te donnait sérieusement envie de te laisser tomber aux prises de mercenaires qui te cherchaient sans te trouver avant de se retrouver avec une énième balle dans le crâne. Il te manquait, cruellement, et même au-delà des confins de la galaxie, tu trouvais le moyen de le trouver, de l’imaginer, de voir son absence comme un poids lourd qui t’empêchait d’avancer correctement parce qu’au fond, il n’y avait qu’avec lui que tu avais envie d’avancer. Son absence était, elle, si présente que lorsque tu finissais par te balader dans Port-Kadara ou dans les badlands, tu ne pouvais t’empêcher de trouver des endroits qu’il aimerait, qu’il aimerait voir et étudier, et que tu aimerais lui montrer, lui faire découvrir, comme un enfant qui montrait un trésor à la personne qu’il chérissait le plus, fier d’une découverte anodine. Mais que ces endroits, tu les découvrais seul, sans lui, quand tu n’avais qu’une envie : découvrir avec lui, explorer avec lui, finir de grandir et vieillir avec lui. Tu te souvenais avoir trouver cette petite falaise, dans les badlands, celle qui surplombait un terrain vague, dénudé de toute présence d’hors la loi ou de gangs infâmes, avec quelques arbres luminescents de ci de là, autour d’une source chaude. De la petite falaise, le coucher de soleil était absolument magnifique, vertigineux, presque, et tu t’étais imaginé avec lui, tu t’étais imaginé lui dire à quel point tu l’aimais devant ce coucher de soleil, tu t’étais imaginé construire quelque chose sur ce petit lopin de terre abandonné, tu t’étais imaginé dessiner tes marques sur lui sous ce coucher de soleil, sous les yeux de cette planète à la beauté meurtrière. Parce que peut-être que la planète n’était pas si terrible, finalement, peut-être que… Non. Tu chassas cette idée de ton crâne, cette idée que tu ne voulais pas admettre quand bien même elle résoudrait tout, pour peu qu’il le voulût encore. Et tu savais, d’une certaine manière, que tu avais induit la possibilité en mentionnait que la planète n’était peut-être pas si horrible que ça, pas aussi horrible qu’on aimait la dépeindre, tu le sentais dans les paroles de ton amour. Possible, oui. Il y a de chouettes endroits, il y a quelques bons points. Tu ne pouvais te résigner à mentir, et à annihiler tout ce que tu venais de dire sur Kadara, parce que Sulin aurait très bien compris là où tu venais en venir, là où tu allais dans tes paroles, et tu savais que ça ne ferait que renforcer la volonté égoïste que tu avais de le garder à l’abri quand bien même il te disait qu’il était capable de se débrouiller. Toutefois, tu laissais planer la réalité derrière tes mots. Oui, ce n’était pas mal, oui, ce n’était pas si terrible que ça, mais tu n’es pas là, et je ne veux pas te risquer en te faisant venir, je ne veux pas prendre le risque de te perdre ou que tu perdes ton bonheur en venant là. Parce que ça, c’était aussi la cruelle vérité que tu n’arrivais pas à dire. Tu ne serais certainement pas celui à amener le sujet aujourd’hui, non, parce que tu savais très bien que ça mènerait à une énième dispute à ce sujet-là, et ton cœur ne supporterait pas la lourdeur de celle-ci. Ton cœur se briserait, encore et encore, parce que tu étais égoïste, pour son bien. Parce que tu ne voulais pas le perdre, parce qu’il méritait d’être heureux, et que tu avais peur qu’il perde tout en te suivant, et qu’il n’ait plus rien à gagner, plus rien de bon. Tu avais peur que tu ne sois pas suffisant à son bonheur, tu avais peur de n’être pas suffisant à son bonheur, à son épanouissement. Tu avais juste… peur. Tu avais terriblement peur, comme le gamin que tu pensais avoir laissé derrière toi le jour où tu avais reçu tes marques, le jour où tu t’étais rendu à Neo-Palaven pour procéder à ce rituel long, rigoureux, épuisant, et difficile qui consistait à mettre de la peinture acide sur tes plaques. Mais ce petit garçon, ce petit turien peureux, au fond, il était toujours là, et encore plus sous le regard couvé d’amour que le scientifique te portait en assumant, à nouveau, que tu étais bien plus que ce mercenaire-là. Ton souffle se perdit en voyant son regard remplit d’amour, un regard que tu savais lui renvoyer avec un sourire, léger, de tes mandibules qui se décollaient enfin un peu de ton visage, très légèrement. Non, c’est vrai, je suis aussi un commandant revêche dont l’équipage subit les humeurs. Il s’est perdu, le turien que tu as connu. Tu rétorquais finalement, avec un petit sourire discret, tandis que tu balançais ta tête de droite à gauche en signe de négation à ses paroles. Mais c’était vrai, il était loin le fier commandant et fier soldat pour lequel il était tombé amoureux, il était loin celui plein de confiance pour tout ce qu’il faisait, il était loin le turien plein d’énergie pour tout. Il n’était probablement pas si loin, pas si perdu, mais il te fallait du temps pour te reconstruire, et tu ne savais pas si tu voulais le faire sans lui. Après tout, il était la raison de ta première reconstruction, de ta renaissance et d’un regain de tout ce qui t’avait été enlevé brutalement. Il était la raison pour laquelle tu n’avais pas viré renégat à cent pour cent, il était la raison pour laquelle tu avais continué de te lever, et curieusement, même à des étoiles l’un de l’autre, tu continuais de te lever pour lui, pour les espoirs que tu entretenais avec lui. Tu continuais de regarder les astres de cette galaxie pour lui, pour trouver un semblant de lumière comme celle qui émanait de lui quand tu n’étais plus qu’une ombre du commandant que tu fus. Aujourd’hui, on pouvait parfois se demander qui était le commandant, toi ou ta pilote tant elle prenait parfois les décisions quand tu n’étais juste pas d’humeur à autre chose qu’aboyer ou à ruminer dans ta cabine.
Et ô Esprits que tu aurais préféré être dans ta cabine à cet instant précis, à ruminer sur à quel point il te manquait et à quel point tu le voulais juste dans tes bras. Ô Esprits que tu aurais préféré être à des lieux de tout ça, que tu aurais préféré te taire. Parce que la salve que tu te pris dans la tronche en premier lieu te fit extrêmement mal, de celles qui ne sont faites que par l’amour de ta vie, et qui ne font mal que parce qu’elles sont faites par cette personne, et personne d’autre. Mais cette salve, elle alimenta aussi ta colère, cette colère brûlante qui n’arrêtait pas de rugir sous ta poitrine. Un des traits qu’il avait pourtant réussi à calmer lorsque vous étiez heureux, encore. Cet aspect colérique et très prompt aux colères noires et virulentes, il avait réussi à le taire, à le faire respirer ailleurs, à lui donner de l’espace pour qu’il ne surgisse plus, et là, pourtant, à ce moment précis, il revenait à la charge, pour te protéger, d’une certaine manière. Tu savais que la colère était plus simple à gérer que la brûlure qu’il t’infligeait, que la douleur qui se répandait sous ton armure, sous ton masque et rendait chacun de tes mouvements, chacun de tes regards bien plus froid, bien plus violent, faisant ressortir la totalité de la violence propre au physique, considéré disgracieux par certaines des autres espèces, de ton espèce. Si ton armure naturelle ne te servait pas comme bouclier aux salves lancées par ton amant, par celui que tu aimais qui savait très bien sur quels points frappés, ta colère réussissait à masquer au moins toute la peine que tu pouvais ressentir. Les pleurs de tes subharmoniques étaient transformés en grognements audibles, et tes ergots s’enfonçaient dans ta chair pour alimenter un peu plus cette rage qui semblait prendre possession de toi, avec la jalousie qui en rajoutait un poids. Tu es injuste, Sulin. Tu crois peut-être que je n’ai pas envie de t’envoyer de messages, peut-être ? Que je ne me retrouve pas tous les soirs à vouloir t’en écrire un, rien que pour te dire que ça va, mais que je rebrousse chemin parce que je me dis que ça ne te ferait finalement que du mal ? Tu me connais si mal ? Tu laissais planer la question pendant quelques secondes, rien que pour savoir si effectivement, ton amant te connaissait si mal à croire que tu n’envoyais pas de message simplement pour le plaisir du silence radio quand tu mourrais d’envie de le faire, quand tu mourrais d’envie de lui écrire, de tout lui dire, de tout lui raconter, qu’il soit au courant de tout, de ton malheur, de tes quêtes stupides, de tes petites victoires quand tu réussissais à te lever le matin sans avoir fondamentalement envie de retourner sous ta couette, quand tu réussissais à passer une nuit sans cauchemarder. Mais que tu n’en faisais rien. Non, il n’y avait que des brouillons de message à son sujet, mais pas un seul que tu réussissais à envoyer, pas un seul que tu avais réussi à expédier, par peur, par lâcheté. Et ça faisait mal, terriblement, de te rendre compte que peut-être, peut-être que ton amant ne te connaissait pas. Peut-être que c’était la colère sous-jacente que tu discernais dans sa voix qui rendait tout soudainement plus brut et plus injuste. Peut-être, et tu préférais y croire plutôt que de croire que ton amant, finalement, ne te connaissait pas suffisamment pour savoir que ce silence radio te tuait à petit feu. Et tu ne m’en envoies pas non plus, que je sache, quand bien même tu sais très bien que ce genre de choses finiraient par tomber à mes oreilles, quand bien même je suis loin. Alors oui, quand on me souffle que tu te rapproches de quelqu’un, et que je n’ai rien de ton côté si ce n’est un silence pesant… Je suis sensé faire quoi ? Et quand tu m’évites délibérément alors qu’on m’autorise ENFIN à venir te voir, pour essayer de réparer les dommages que je nous ai causé, comment suis-je sensé le prendre si ce n’est dans le sens de ce que j’ai entendu ? Comment je suis sensé prendre ses informations quand j’ai l’impression que tu m’abandonnes toi aussi, que tu nous abandonnes, que tu oublies nos promesses, que tu oublies tout ce qu’on s’est juré ? Comment je suis sensé me sentir quand j’ai l’impression qu’il ne reste plus rien si ce n’est des ruines de ce que l’on était et de ce que l’on aurait pu être ? Comment je suis sensé agir quand j’ai l’impression que tu tournes la page sans moi, sans me le dire ? Ton timbre était monté, ta voix également, bien que tu essaies de la garder à un niveau approprié pour que les autres scientifiques du labo n’aient pas l’idée de convoquer la cavalerie ici et que tu finisses, finalement, encore une fois, dans une cellule pour le reste de ton séjour. Tu voulais tellement croire en ce nous presque devenu utopique avec les racontars que tu avais entendus, tu voulais toujours y croire, parce qu’après lui, il n’y aurait jamais plus rien. Ton cœur avait assez donné, beaucoup trop pour pouvoir permettre à une autre personne d’espérer pouvoir prendre possession de ton cœur et de tout ce que tu avais construit avec Sulin, même s’il te rendait tout ça avec un petit mot d’adieu. Tu souffrais terriblement de ce doute, de toute cette indécision, de toute cette confusion qui était entre vous et qui te tuais à petit feu. Tout ça, toute cette merde qui alimentait ta colère, mais surtout ta frustration, ta jalousie, et ta peur. Toutefois, tu savais aussi que tu étais injuste de lui reprocher de ne rien t’envoyer quand tu avais demandé à ce que le silence soit de mise jusqu’à ce que tu sois sûr de pouvoir revenir, avant que les choses se soient calmées, pour son bien, pour sa réputation, pour son travail, pour qu’il ne soit pas tant affilié à ta personne. Un choix injuste mais que tu pensais bon, à l’époque. Triste réalité qu’elle ne l’était pas.
Tu savais que tu avais toi-même été injuste dans tes paroles, dans ta colère, mais il fallait que Sulin voit la réalité de comment le pionnier humain agissait avec lui, quelque chose qui n’était pas seulement de ta propre vision, mais de celle de pleins d’autres autour de toi. Des choses qu’il semblait ignorer, consciemment ou non, des choses qui n’étaient visiblement pas venu à ses oreilles quand bien même tu avais déjà essayé de lui parler, de lui dire de faire attention au pionnier parce qu’il y avait des choses qui ne pouvaient pas te tromper, pas toi, ni aucun autre turien dans les environs. Et s’il te ne te faisait pas confiance, il n’avait qu’à s’adresser à la pionnière qui t’avait rapporté ce qu’elle avait senti chez lui, ce qu’elle savait de lui pour avoir eu bien trop souvent à se frotter à ses épines à tel point qu’elle refusait presque systématiquement les missions qu’on lui proposait, qu’on lui forçait avec le pionnier humain. Tu ne savais pas s’il était simplement xénophobe au possible, ou s’il était simplement dédaigneux de toi et de sa pair pionnière, mais dans tous les cas, il n’avait pas les intentions les plus pures, pas les intentions pures qu’il prétendait avoir. Mais voir Sulin bouche-bée par tes paroles, soudainement soufflés par ce que tu avais pu dire, et pu faire remarquer, ça te montrait que tes paroles n’allaient certainement pas avoir l’effet escomptés, et qu’il allait encore prendre position pour cet enfoiré qui se jouait probablement sans mal de ton amant. Et lorsque les paroles tombèrent, la colère laissa place, pour quelques minutes, à la frustration de te voir incompris par celui que tu aimais. Tes paroles avaient été mal interprétées, mal comprises, encore une fois, et ton propos se perdait dans le tumulte de tout le reste, parce que ce n’était visiblement pas ça qui comptait aux yeux de ton amant. Ce n’était pas la véracité de ce que tu affirmais avec autant d’ardeur que lorsque tu lui disais que tu l’aimais, non. C’était tout le reste. Tout le reste, tout ce qu’il interprétait et que tu n’insinuais qu’à peine. Alors, tu soupirais, de fatigue, d’énervement, de frustration, avant de passer ta main, crispée, contre ton visage alors que les grognements se faisaient moins volubiles, moins forts, moins puissants. Non. Ce n’est pas ça, Sulin. Tu sais très bien que je suis heureux que tu puisses trouver quelqu’un qui t’apporte ce dont tu as besoin, mais j’ai simplement peur qu’il ne soit pas complètement honnête avec ses intentions, avec toi et que tu te retrouves piégé par ces mêmes intentions, et que tu finisses encore blessé. Et tu ne mérites pas d’être blessé, mon cœur. Tu ne mérites pas qu’on te blesse encore et encore parce qu’on veut simplement quelque chose de toi mais que toi, tu n’auras rien en retour, rien de plus qu’un énième cœur brisé. Ta voix s’était faite plus douce pour prononcer tout ça, même si la frustration restait perceptible dans ta voix, dans le timbre que tu employais, mais tu essayais de reléguer un peu plus loin la colère, celle-là même qui brûlait tes entrailles de la même manière que la jalousie t’empoisonnait. Tu le voulais heureux, bordel, seulement heureux, et tu savais, intimement, que le pionnier ne pourrait jamais le rendre heureux parce que ses intentions n’étaient pas pures, n’étaient pas honnêtes. Quand bien même il te détestait, si ses intentions étaient réelles et véritables, tu lui aurais laissé Sulin, tu te serais effacé, tu l’aurais laissé se reconstruire, tu aurais cédé ta place pour qu’il puisse retrouver l’amour, le bonheur, la bienveillance, et l’épanouissement. Tu l’aurais fait sans rechigner, sans hurler parce que c’était son bonheur qui comptait, toujours. Quand bien même toutes les fautes que tu avais pu faire, toutes ces dernières avaient été réalisées dans le simple but de pouvoir le rendre heureux, de pouvoir lui donner ce dont il avait terriblement besoin et ce dont les gens l’avaient si souvent privés. Toi, inclus. Et ça te brisait de ne pas être capable de le rendre heureux, de lui donner ce qu’il méritait pourtant si fort. Il méritait tout le bonheur du monde, et toi, tu étais là à remuer le couteau dans une plaie béante qui était également chez toi.
Une plaie qui s’agrandit à l’injonction de ton amant, une injonction qui provoqua une réaction si vive chez toi que tu ne réussis pas à la contrôler. Tes genoux tremblèrent, très légèrement, ta main quitta ton biceps pour se poser sur un meuble à ta gauche, tes ergots s’y accrochant avec la force de celui qui a peur de s’écrouler, de s’effondrer, parce que c’était vrai. Tu avais peur de tomber. Cette remarque, elle était injuste, elle était violente, elle te faisait mal. Si mal. Si mal que tu ne pus contrôler le couinement particulièrement volubile qui s’échappa de tes subharmoniques. Un seul, un seul et unique avant que tu ne reprennes le contrôle sur elle, sur ces cordes vocales insupportables qui souhaitaient absolument détruire toute ton image, toute la constance qu’il te restait. Mais tu avais l’impression que s’il t’avait frappé au visage directement, que s’il t’avait craché dessus et foutu à la porte, que s’il avait décidé de te quitter pour de bon, tout ça aurait fait bien moins mal que l’attaque pernicieuse qu’il venait de te porter. Un coup bas et malsain qu’il savait faire mal. Il savait à quel point tu travaillais sur ta jalousie mais aussi à quel point c’était dur parce que c’était ancré en toi et ça avait été alimenté par ton ex-compagne, d’une certaine manière. C’était terriblement mesquin, et tu ne pouvais pas le regarder, tu ne pouvais pas le voir, tu ne voulais pas le voir. Tu voulais sortir d’ici, tu voulais t’échapper, tu voulais retourner sur ton vaisseau pour pleurer sur cette relation détruite, sur ton amour qui te hurlait de ne pas abandonner, de continuer quand même, de pleurer sur tout ce qu’il n’y avait plus, sur tout ce qu’il manquait et qu’il y avait encore. Tu fermais les yeux, attaqué en plein cœur, attaqué en plein dans ce qui faisait véritablement mal, dans ce qui te brisait et te mettait à genoux, prêt à supplier quiconque de t’achever, finalement. Tu entendis la suite de ses mots, cette même salve qui te faisait mal, qui te rappelait que tu n’étais pas le seul à souffrir, et qui enfonçait, encore et toujours, plus de pieux là où tu en avais déjà mis toi-même par culpabilité, par faute. Mais il avait implanté un doute que tu ne pouvais retirer désormais, ce doute même qui venait alimenter ta jalousie, celle-là même qu’il te crachait à la figure. Toute ta colère remontait doucement à mesure que tu relevais les yeux vers lui, des yeux transformés en deux pics de glace, de ceux qui sont là pour te protéger, pour protéger ce que tu ressens, pour protéger ce qu’il te reste de substance, de consistance. Mais tu ne pouvais juste pas, tu n’y arrivais pas. Tu n’y arrivais pas, à garder cette carapace, ce masque, pas sous la colère que tu subissais de la part de Sulin, une colère méritée, tu en avais conscience, mais qui était toujours pavée de cette injustice dans ses propos, une injustice qui brisait autant ton cœur en mille morceaux qu’elle alimentait ta colère froide, ta colère brûlante de froideur. Parce que j’ai peur, Sulin. Tu soufflas, le timbre brisé, la voix complètement rauque et cassée à force de retenir tes subharmoniques qui ne demandaient qu’à sortir, qu’à s’échapper. J’ai peur que ces on-dit soient vrais, j’ai peur qu’il y ait une part de vérité là-dedans et que tout ce qu’on a échangé soit fini, qu’il n’y ait plus rien, et que je veux savoir. Mais ta voix reprenait un peu de grain, reprenait un peu de valeur, reprenait un peu du sel de ta colère, reprenait un peu de ta hargne, de ton angoisse. Elle s’alimentait de tout ce que tu pouvais bien ressentir pour en faire un melting pot dangereux, pour toi, pour lui, pour vous. Même pour Ashton s’il venait à croiser ton chemin. Alors oui, j’ai le culot de te demander. J’ai le culot de te demander parce que je t’aime toujours autant, parce que je t’aime à en crever et qu’apprendre ce genre de choses me bouffe. Oui, ma jalousie m’empoisonne, comme tu dis, et je suis incapable de te voir devant moi parce que je te rappelle que tu m’as ignoré, même si je le méritais, tu m’as ignoré ! Comment je suis sensé me sentir et agir quand il se passe ça ? Comment je suis sensé croire que tu crois encore un temps soit peu à nous ? Comment ? Et je t’aime, putain. Je t’aime et je me laisse crever dans ce trou qu’est Kadara, et encore plus en entendant que tu te rapproches de cet enfoiré, parce que ça ressemble simplement au fait que tu nous abandonnes quand j’ai enfin la possibilité de réparer ce que j’ai endommagé ! Ton timbre avait encore grimpé, la colère et le désespoir se mêlant avec une teinte glaciale de ta propre tristesse, de ta douleur. Parce que je t’aime, tous les jours un peu plus, et que ça me tue de te voir avec un autre, et qu’avec la distance, je ne sais pas, je sais pas si tu as toujours confiance en moi, en nous, en tout, je ne sais pas, et ça fait un an, ça fait un an que ça dure. Et que je ne peux plus supporter ce silence. Je ne peux juste plus. Tu soupiras finalement, ta colère retombant doucement pour qu’il ne reste plus que le désespoir, la douleur des attaques qu’il t’avait envoyé. Et c’était peut-être la première fois depuis longtemps que dans ta colère, tu étais devenu aussi honnête. Tu ne t’étais probablement jamais ouvert autant à Sulin. Mais le dommage était déjà fait, et tu avais bien trop mal. Même si ce n’était que des sous-entendus, que ce n’était qu’un seul sous-entendu, qu’il était unique, il avait brisé quelque chose, il avait fracturé quelque chose, et tu ne savais pas si tu étais capable de t’en remettre, pas aujourd’hui, quand tout ton corps te demandait de partir, de te réfugier là où personne ne te verrait, parce que tu étais vidé. Tu étais lessivé, épuisé. Et quand ton regard croisa celui larmoyant de ton amant, ton cœur se fissura un peu plus, rajoutant une nouvelle fissure à ce morceau de chair qui n’était plus si consistant, qui perdait de plus en plus de battement, qui perdait de plus en plus de puissance. Il t’avait porté le seul coup que tu n’étais pas sûr d’être capable de survivre, avec la potentielle rupture de tout ce que vous étiez. Tu avais terriblement envie de le prendre dans tes bras maintenant, encore plus avec ses yeux remplis de larmes qui te fixaient, tu avais envie de le prendre contre toi et de lui dire que tout irait bien, que ça allait aller, mais tu savais que ce n’était que des promesses jetées dans le vent. Tu ne savais pas si tout allait bien aller, tu ne savais pas si ça irait. Toutefois, tu fis un pas, un seul et unique, un peu plus grand que le précédent, pour te rapprocher, alors que ta stature colérique retombait pour ne laisser place qu’à la fatigue dans tes muscles, dans tes os. Tu penchas doucement la tête sur le côté avec un soupir alors que ses nouvelles paroles piquaient ta colère à un endroit qu’il avait déjà attaqué auparavant. Comment tu peux dire ça ? Tu grognas légèrement, la colère revenant très légèrement, mais suffisamment pour te permettre un ton haut, un timbre froid, hargneux presque. Tu étais attaqué, directement. Comment tu peux penser que je viendrais pour ça ? Mais comment me vois-tu ? Comme un monstre ? Tu demandas, la voix brisée entre la tristesse et la colère, alors que la réalisation te frappait soudainement. Il te voyait peut-être comme un monstre heureux de la tristesse des autres, de sa tristesse, et tu laissas retomber la main que tu avais levé, défait. Tu étais défait, tu laissais tomber les armes, tu laissais tout tomber. Il n’y avait plus rien. Ça me tue, de te voir comme ça. Ça me tue de te voir aussi malheureux par ma faute, ça me tue de voir que je suis autant devenu un inconnu à tes yeux, et ça me tue terriblement de te voir souffrir, encore et encore parce que tu ne le mérites pas. Ça me tue d’être incapable de remédier à cette souffrance, d’être incapable de t’aider, de panser tes plaies, ça me tue d’être aussi inutile alors que tu souffres, alors que tu as mal, et que c’est ma faute. Ta voix s’était lentement mais sûrement brisée alors que tu prononçais ses paroles, ses mots comme des gouttes d’honnêteté, comme tu ne l’avais jamais été sur comment tu te sentais, sur la totalité de ce qui te faisait vibrer de mal. Tu étais fatigué de te disputer avec lui, d’hausser le ton pour quelque chose qui n’était rien d’autre qu’un malheureux quiproquo, un quiproquo qui vous amenait si près du gouffre, si près du précipice et qu’il n’y avait pas grand-chose pour vous y pousser, pour vous pousser dans cette décision fatale qui oscillait dangereusement au-dessus de vos têtes. Une décision que tu craignais. Je suis désolé de croire des racontars, et d’avoir tellement perdu confiance en moi que je suis incapable de te voir, toi. Tu finissais par souffler, dans ce qui semblait être presque un murmure pour briser le silence que tu avais instauré à la fin de tes paroles, alors que tes épaules s’affaissaient dangereusement, que ta posture perdait tout ce que tu avais réussi à remettre en place par la colère, par l’agacement, par la rage naissante pour laisser le désespoir prendre place. Le désespoir et la peur de le perdre, lui. Celui qui illuminait si aisément tes jours et ta vie, celui qui possédait ton cœur, de n’importe laquelle tes façons. Tu étais sien. Pour toujours. Et après lui, dans tous les cas de figure, il n’y aurait jamais personne d’autre. Personne ne pourrait prendre sa place. Jamais.
Sulin Morlan & Sylhas Astros I have wondered about you Where will you be when this is through? | |
| Posté le Mar 25 Aoû - 19:37 | I am the very model of a scientist salarian! Profession : Scientifique référent du Nexus Habitation : Sur le Nexus, encore et toujours | | Hey, I'm back, I'm back home I think I've seen this film before and I didn't like the ending. You're not my homeland anymore, so what am I defending now? You were my town, now I'm in exile, seein' you out ◊ ◊ ◊ L'atmosphère s'était apaisée, calmée. Les bruits rassurants du laboratoire, le tintement du verre, les sons des machines, tout ça lui parvenait à nouveau. Il aurait presque eu l'impression de retrouver la fermeté du sol sous ses pieds, un brin de prestance, un brin de ce qui fut. Le cœur du scientifique s'était enveloppé d'une douce chaleur alors que Sylhas le rassurait, Sylhas utilisait son surnom, Sylhas était revenu lui-même et toutes ses bonnes résolutions, toute la volonté dont il avait pu faire preuve quand il disait vouloir mettre sa vie sentimentale et tout ce qu'elle accompagnait de côté, tout ça s'évaporait d'un coup. La seule chose qu'il avait envie de faire, c'est s’asseoir près de lui, sourire comme avant, plaisanter comme avant, pouvoir le toucher comme avant. Tout ce qu'il souhaitait, c'était un voyage dans le temps. Une minute, une seconde lui aurait suffit. Juste un minuscule instant pour retrouver la quiétude d'esprit d'un homme qui faisait ce qu'il aimait et qui savait exactement où se trouvait celui qui partageait sa vie et qui détenait son cœur, ce qu'il faisait. Qui savait également qu'il le retrouverait bientôt et qui se sentait comblé à cette simple idée. Cette douce quiétude qu'il avait perdu lorsque le glas avait sonné, dont il avait oublié ne serait-ce que la saveur. Il retrouva un peu de ce sentiment paisible lorsque les subharmoniques de son turien chantèrent que ce n'était pas de sa faute, un peu de cette douce chaleur enveloppante qui le faisait sentir à sa place, chez lui. Quand il lui dit qu'il n'avait pas à s'en vouloir. Lorsqu'ils firent l'un envers l'autre preuve d'une infinie gentillesse, marchèrent sur des œufs pour minimiser la peine de l'autre. Sulin en pris conscience d'un coup. Il réalisa que tout ça, cette froideur qu'il s'imposait pour se protéger, tout ça n'était que de vaines précautions qui ne les faisait que souffrir encore plus. Il voulait aller vers lui à cette instant, le serrer enfin contre lui, il le voulait et ne le fit pas, quelque chose l'en empêchait. Cette petite voix insidieuse, semblable à celle de sa mère quand elle lui reprochait ses fautes de calculs, d'inattention. Cette petite voix qui lui disait qu'il allait encore se laisser porter, qu'il allait encore espérer, et que la chute inévitable serait alors encore plus dure, plus cruelle. Il eut envie de lui répliquer qu'il souffrait déjà, qu'il était trop tard pour éviter une telle chose, mais ses jambes restaient statiques. Il était telle une statue de marbre, figé, condamné à le regarder et à lui transmettre tout ce qu'il ressentait à travers son regard, ses yeux qui débordaient d'un amour sans fin, de tant de regrets et d'incertitudes que le turien savait si bien étouffer de son affection.
- J'aurais dû essayer. J'aurais dû m'imposer. On le méritait.
Et on le mérite toujours, qu'il eut envie de lui crier. A ses yeux, tous les risques méritaient toujours d'être pris au nom d'un véritable amour, d'un véritable besoin de l'autre. Et lui, lui était prêt à risquer sa vie pour ça. Le fait que Sylhas ne le soit pas le tuait à petit feu, de manière bien plus douloureuse que n'importe quelle arme de cette galaxie pourrait le faire. Ça aussi, ça le persuada à rester à sa place. De ne pas bouger, ne pas supplier de nouveau comme il avait pu le faire, ne plus jamais s'abaisser à ça, même pas pour lui. Son regard se perdit un moment, il avait besoin de l'ôter un instant de son image, de sa silhouette pour retrouver la stabilité qu'il avait regagné grâce à leurs douceurs mêlées, leurs attentions pour ne pas blesser, leur tristesse partagée. Il eut besoin d'un moment pour prendre de la distance, pour retrouver un peu de contrôle. Il le perdit vite. Étonnement vite. Les effluves de tant de soirs où il s'était entendu souffler des merveilles lui parvinrent à nouveau, des merveilles qu'il n'avait jamais vraiment pu croire, jamais vraiment eu la force d'accepter. Mais Sylhas, Sylhas lui y croyait. Tout comme à cet instant, cet instant où il confiait toute la perfection qu'il voyait en lui, en lui et son pauvre petit squelette cabossé, sa pauvre petite âme fragile et versatile. Sulin retrouva cette douceur et cette envie un peu naïve d'y croire vraiment, d'être ce qu'il voyait et de cesser de se torturer sur ses côtes saillantes, son sourire qu'il détestait et son incapacité à s'imposer en public, auprès de ses proches, à prendre une résolution et à taper du poing pour la faire respecter. Il retrouva un peu de ça et eut envie de s'y perdre à l'infini, encore et encore, aussi longtemps qu'il lui était permis. Il osa un sourire, un peu timide, les joues un peu rougies, passant sa main nerveusement à la base de sa nuque, s'imagina que c'était la sienne. Cette déclaration était pleine d'honnêteté, faisait remonter à la surface mille et uns souvenirs plus fantastiques les uns que les autres. Cette déclaration était douloureuse, mais elle le faisait vivre.
- Je...
Tu me manques, j'ai besoin de toi dans ma vie, je crève sans toi, tous tes mots, toutes tes attentions, toutes tes mimiques à la con, tout ça me manque terriblement. J'ai besoin de toi, affreusement.
- Je ne sais pas, tu me connais. Mais merci, merci je crois.
Qu'il était bien loin, le scientifique qui savait parfaitement où aller, que faire, quoi faire et comment enseigner. Qu'il était bien loin l'homme sûr de lui qu'il se hurlait tous les jours d'incarner, sans vraiment y parvenir. Sylhas... Sylhas faisait ressortir toutes ses plus belles imperfections, toutes ces plus jolies incertitudes et lui faisait comprendre qu'il les acceptait. Qu'il n'avait pas à être quelqu'un d'autre, à jouer un rôle. Il les acceptait tout simplement, pleinement, sincèrement. Il les acceptait toutes entières et parvenait même à lui faire croire qu'en effet, il méritait tout ça. Tout cet amour, toutes ces attentions, tous ces doux mots. C'était en partie pour cette raison qu'il lui était tout bonnement indispensable, qu'il lui manquait chaque jour à s'en arracher le cœur. Alors pour lui, pour lui il essaya d'expliquer. Malgré l'épuisement, malgré la sensation de l'avoir déjà fait mille fois, à mille reprises, pour mille personnes différentes. Il le fit pour lui parce qu'il souhaitait sincèrement qu'il comprenne, qu'il l'accepte, qu'il cesse de se maudire pour ça.
- Il y a tes erreurs, c'est vrai. Parfois je les regrette, et je t'en veux pour ça. Mais la grande majorité du temps, ce sont nos souvenirs qui reviennent. Et ils sont trop chers à mes yeux pour que je permette qu'une chose aussi éphémère et futile que la rancœur les empoisonne, tu comprends ?
Malgré lui, il avait toujours cet aspect pédagogue qui lui collait à la peau. Cette façon d'expliquer les choses comme si elles allaient de soit mais de manière suffisamment précise et imagée pour qu'elles le deviennent vraiment. C'était un peu ce qu'il faisait avec Sylhas, à ce moment là. Il le faisait par automatisme mais aussi pour lui permettre de garder une certaine distance - de nouveau - avec tout ça. Il prenait ce petit morceau de sa vie à part, le plaçait sous un microscope et le détaillait petit bout par petit bout, ainsi ce petit morceau devenait quelque chose qui lui était presque étranger, quelque chose qu'il était capable d'expliquer de manière rationnelle, c'était plus facile ainsi. Ça faisait un peu moins mal aussi. Lorsque Sylhas évoqua de nouveau Kadara, tous deux savaient exactement à quoi pensait l'autre. Sulin en aurait mis sa main à couper. Et c'était douloureux, si douloureux. C'était lui rappeler tout ce qu'il était prêt à abandonner pour lui, et tout ce que son turien lui refusait. C'était le faire espérer à une vie ensemble, à nouveau alors qu'il avait fait de son mieux pour l'oublier, oublier cette idée et tout ce qu'elle impliquait. Son sourire se fana peu à peu tandis que son regard s'égarait de nouveau sur les murs blancs de son sanctuaire, sur son sol tout aussi immaculé, sur n'importe quoi sauf lui. Lui et tout ce qu'il lui apportait, lui qui fleurait à la fois la sécurité que l'exotique fragrance de l'aventure. La gorge nouée, Sulin ne répondit pas et se contenta d’acquiescer, perdu en faisant de son mieux pour s'empêcher d'imaginer leur vie là-bas. Pour bloquer toutes les images, s'interdire d'espérer à mieux, à différent. S'interdire d'espérer, tout simplement.
- Cette version là aussi, me plait bien.
Il avait rétorqué ça, cette bête petite pensée, il l'avait dit de manière si instinctive qu'elle ne pouvait être que vraie. Que Sylhas ne soit plus le même, au fond, il le voyait. Il avait changé, pas seulement physiquement. Il était devenu plus dur peut-être, pas seulement. Il était devenu plus ferme, mais pas seulement. Sylhas avait tout simplement subi les mêmes fêlures, avait été brisé aux mêmes endroits que lui. Ils avaient connu l'extrême tristesse d'une séparation abrupte à l'apogée d'une jeune relation. Ils avaient connu les larmes et la sensation d'avoir perdu une partie de soi. Ils étaient désormais morcelés, éparpillés sur le sol. Ils étaient changeants, fatigués d'avoir trop souffert.
- Je ne suis plus celui que j'étais non plus, tu sais.
Il haussa les épaules, fataliste, indéniablement épuisé. Plus cette entrevue se prolongeait, plus il en était persuadé. Tout ce qu'il souhaitait au fond de lui, c'était un voyage dans le temps. Retourner dans le passé quelques instants. Tout ce qui se trouvait dans le présent, quelques échanges rapides avec l'amour de sa vie, quelques années de solitude et de désespoir avant la mort, tout ça ne l'intéressait pas. Tout ça, il l'échangeait volontiers pour vivre dans le passé. Cette envie là, il ne savait pas encore à quel point elle serait puissante lorsqu'il serait au cœur de l'orage. Il l'apprit quelques minutes plus tôt, quand il commença à entendre le tonnerre et qu'il sentit les gouttes de pluie s'écraser sur son visage. Blessé au plus profond de lui, il avait eu une réaction naturelle, humaine. Il avait frappé lui aussi, assez fort pour qu'il sache à quel point il lui avait fait mal. Assez fort pour balayer toutes les paroles apaisantes, tous les mots qu'ils avaient prononcés dans le but d'éteindre la flamme et de laisser crépiter des braises rassurantes. Tous les efforts qu'ils avaient déployés, tout ça fut soufflé en un claquement de doigts. Alors lui, quand il lui cracha quelques vérités à la figure, quelques vérités coupantes, blessantes, il eut cette même réaction de nouveau. Il attaqua. Il se para de nouveau de ce calme désarmant, de cette froideur blessante. Il attaqua.
- Tu l'as dit toi-même, tu as changé. J'ai changé. Le turien que j'ai connu n'est plus. Puis-je encore faire confiance à celui qui vient d'émerger ?
Et quand il reçut réponse plus concrète à sa bravade, quand il lui rappela ses torts, ô combien il l'avait fait souffert en souhaitant simplement se protéger, quand il entendit une telle chose, Sulin se liquéfia. Ce n'était que le début, mais sa main commença à trembler. Il souhaitait s'excuser, lui dire à quel point il regrettait tout ce qu'il avait bien pu dire, qu'il regrettait de l'avoir fait souffert. Au lieu de ça, il serra le poing. Il ne pouvait plus baisser la tête. Il n'était pas fautif, il lui avait assuré. Il n'était. Pas. Le. Fautif.
- Je t'ai évité pour me préserver, moi. Je t'ai évité parce que lorsque tu es parti, tu n'as laissé qu'un homme brisé derrière toi. Tu n'as laissé que l'ombre de ce que j'étais, tu n'as laissé que des fragments en emportant une part de mon âme avec toi. J'avais besoin de temps pour cicatriser, j'avais besoin d'espace, j'avais besoin d'air avant de retomber, est-ce que tu peux le comprendre ? Si je ne t'ai rien envoyé, bon sang, c'est simplement parce que tu me l'as défendu. Tu m'as...
Sa voix se bloqua dans sa gorge, arrêtée par les innombrables sanglots qui y reposaient. Il fallait bien qu'ils y arrivent, à ce sujet là. Il le fallait bien.
- Tu m'as empêché de te suivre. Tu m'as empêché de t'aimer.
Comme si c'était possible, comme s'il en était seulement capable. C'était peut-être la seule chose pour laquelle il lui en voulait réellement, finalement. Les yeux mouillés, Sulin les referma un instant pour essayer d'en contenir les larmes quand bien même il savait qu'elles couleraient abondamment d'un moment à l'autre. Il était tout simplement bouffé, bouffé de l'intérieur par ce "et si" immense et terrifiant, ce conditionnel étourdissant qui aurait pu changer tant de choses si seulement l'ancien Spectre l'avait voulu. Si seulement il l'avait laissé disposer de sa vie comme il l'entendait. La suite n'améliora rien, parce que Sylhas lui rappela qu'il simplement qu'il craignait qu'il se trompe, comme d'habitude. Comme il l'avait fait tant de fois. Qu'on se serve de lui, comme on l'avait fait tant de fois. Cette pensée éveilla un lui un sentiment quasiment inconnu. Il se sentait un peu nauséeux, un peu en colère, avait envie d'hurler autant que de gerber ses choix ratés et son incapacité à voir la vérité en les autres. Ce simple fait que Sylhas lui jetait à la figure en lui disant ô combien il le voulait heureux, ô combien il avait peur qu'il ne souffre encore de sa naïveté. Il se sentait finalement comme si on lui avait mis un coup de poing dans le ventre, comme s'il ne pouvait tout simplement plus respirer. Il se sentait infantilisé, un peu comme un enfant à qui l'on a peur de confier un jouer dangereux. C'est pour cette raison qu'il ne répondit pas, pour cette raison et parce que Sylhas venait lui aussi de se confronter à sa terrible provocation. Il n'osait même pas le regarder, il n'osait même pas se confronter à tout le mal qu'il lui avait fait. A la fin de sa tirade, il était brisé. Il s'était assis sans même s'en rendre compte, sûrement parce qu'autrement il serait à genoux. Les larmes coulaient désormais librement, il ne savait même plus par où commencer. Toute colère l'avait quitté, toute rage, toute volonté de faire souffrir. Désormais, il ne voulait plus que réparer. Réparer ce qui pouvait encore l'être sans savoir comment, sans même savoir si une telle chose était possible. Réparer quand lui-même n'était plus qu'un tas de cendres fumants, un tas de cendres tout triste, tout abandonné, tout désemparé.
- Ça fait un an, oui.
Un an, déjà. Un an et la douleur était toujours aussi vive, aussi brûlante.
- Un an que je ne cesse de t'aimer sans interruption. Un an et je ne passe pas un jour sans penser à toi.
Il essuya distraitement les larmes sur ses joues, de la manche de sa blouse blanche. Il secoua la tête par automatisme, tant la situation lui paraissait absurde, ridicule.
- Il ne s'est rien passé avec Ashton et il ne se passera probablement jamais rien. Je ne serai plus jamais heureux, parce que tu me possèdes corps et âme et que tu ne peux pas être avec moi. Je ne sais pas si nous nous connaissons toujours, peut-être même que nous ne nous faisons plus confiance, mais certaines choses ne trompent pas. Tu cours toujours à travers mes veines, sous ma peau. Tu es toujours, indéniablement, celui avec qui je veux être.
Ce n'étaient que des faits, des faits qu'il établissait pour calmer le jeu, pour que des choses qu'ils ne pensaient tout deux absolument pas ne soient pas dites. Pour éviter que leurs plaies s'élargissent toujours un peu plus, pour éviter que la colère ne détruise pas tout sur son passage. Il ne l'aurait pas supporté. Il en aurait crevé.
- Mais tu ne peux pas. Tu ne veux pas.
Il releva enfin les yeux, les yeux tristes, sans voile. Les yeux embrumés, les yeux qui disaient tu vois, tu vois comme je t'aime et tu vois comme nous sommes perdus. Au fond, Sulin savait parfaitement que Sylhas le voulait. Mais parce qu'il souffrait, parce qu'il n'était que l'ombre de ce qu'il avait pu être, parce qu'il voulait lui rappeler qu'il l'aurait suivi n'importe quoi et qu'il avait refusé, c'est ce qu'il dit. C'est ce qu'il dit à ce moment là, sans intention belliqueuse, sans vouloir blesser. Il finit par se lever, par enfin parcourir la distance qui les séparait, lentement. Le visage défait, les jambes à peine capable de le porter. Il plaça ses mains juste sous ses mandibules. Là où il avait l'habitude de les poser, avant. Dans cet incroyable, ce tant regretté avant.
- Tu vois ? Tu vois, ce qu'on se fait ? Tu vois, à quel point on souffre ? Je ne veux pas de ça pour ça pour nous, Sylhas. Je ne veux pas te faire souffrir. Je veux que tu te souviennes de moi comme celui que personne, personne n'a su voir sauf toi. Je veux que tu gardes cette image de nous, parce que...
Il s'arrêta, pour éviter d'aller trop loin, pour éviter de pleurer sous ses yeux. Parce qu'il ne voulait pas de cet amour si pur, celui qui le faisait chavirer. Il ne pouvait plus l'avoir. Alors il s'arrêta, il prit de la distance et eut l'impression qu'on lui arrachait quelque chose une nouvelle fois. Qu'on lui prenait une partie de lui-même, quelque chose de viscéral.
- Parce qu'il n'y en aura pas d'autre.
Les mots lui tordaient littéralement l'estomac. Il lui fit un sourire triste, un sourire résigné, un sourire à travers les larmes qui continuaient toujours de perler dans ses yeux.
- Parce que d'une certaine manière, tu nous l'as refusé.
Il s'appuya de nouveau contre la surface carrelée de son bureau, le regard las, la mine défaite, épuisée.
- Alors... je vais de nouveau te poser cette question, Sylhas. Je ne peux pas faire autrement.
Et il fit cet effort incroyable, celui de relever la tête et de soutenir son regard alors que plus rien, plus rien ne semblait tenir debout. Alors que le monde autour d'eux ne paraissait plus vouloir les accueillir, eux et leurs cœurs brisés.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Et finalement, peut-être que c'était bien pire que les cris, bien pire que d'insinuer des choses inventées de toutes pièces, bien pire que la colère. Peut-être que finalement, la question la plus vraie serait celle qui leur ferait le plus de mal.
(c) oxymort |
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